Tusk
États-Unis, 2014
De Kevin Smith
Scénario : Kevin Smith
Avec : Justin Long
Photo : James Laxton
Durée : 1h42
Un célèbre podcaster rend visite à un vieil homme totalement fasciné par les morses. La rencontre va très vite dégénérer...
MORSE DE RIRE
Une fois de plus après Red State, on veut saluer cette tentative pour Kevin Smith de sortir de sa comfort zone. Même si Tusk s'avère en partie une comédie, il reste une comédie noire, plus conventionnellement horrifique que le précédent essai du cinéaste. Malheureusement, c'est aussi l'humour qui vient parasiter le récit dans son dernier acte et confirme l'impression que Smith peine non seulement à tenir un long métrage entier sur son seul concept, mais surtout à assumer pleinement les ramifications thématiques et dramatiques de ce postulat, pourtant instaurés dans la première moitié. L'entrée en matière est plutôt réussie, Smith étant visiblement encore compétent dans le domaine de la comédie, même s'il n'y a rien dans la bouche du personnage de Wallace qui soit aussi brillant qu'autrefois. Mais on n'est pas dans une comédie, donc cette présentation suffit en attendant l'inévitable basculement dans l'horreur et lors des premières scènes avec l'antagoniste du film, force est de constater que le découpage de Smith a évolué pour le mieux. C'est sans doute son film le mieux mis en scène. Malgré les pointes d'humour et les longueurs, une certaine ambiance s'installe et l'ouvrage parvient même à être franchement dérangeant dans son jusqu'au-boutisme. Et c'est à peu près là que le scénario commence à montrer ses limites. Le film est né d'une simple anecdote, une fausse petite annonce où quelqu'un proposait un logement gratuit à condition que le locataire accepte de se déguiser en morse. Smith et son ex-producteur Scott Mosier ont déliré dessus lors d'un podcast et Tusk est l'adaptation de ce délire. La transformation de ce canular amusant en The Human Centipede-like n'est pas trop mal vu et aurait été un segment d'une vingtaine de minutes parfait pour un film anthologique à la VHS, mais l'écriture étire le récit inutilement, en impliquant les proches du héros.
La structure non-linéaire, qui étoffe la caractérisation du protagoniste a posteriori, est assez surprenante venant de la part de Smith et se révèle plutôt efficace malgré les césures. Mais en adoptant leur point de vue dans le dernier tiers pour une enquête tardive, nulle et inutile autour de la disparition de Wallace, Smith se tire une balle dans le pied. Le pire étant sans doute le caméo caricatural (diégétiquement vis-à-vis du personnage et extra-diégétiquement vis-à-vis de l'acteur) de Johnny Depp, faux nez, moustache postiche et béret en sus, dans le rôle du détective Guy LaPointe. Son inclusion lors de séquences interminables et pas drôles n'apporte rien - l'enquête est tellement courte et facile qu'elle aurait pu être menée par les deux autres seuls - à part un virage comique qui flingue ce que le film avait réussi dans l'horreur. En fait, ce que ces scènes apportent, c'est l'impression que Smith n'assume pas. Malgré les passages couillus qui précèdent, Smith retombe, comme pour Red State, dans la distance sur la fin. Un comble pour un film qui prend plaisir à punir un héros pour son cynisme. Le dernier plan, s'il avait été assumé, même avec son message lourdingue littéralement énoncé par un des personnages, aurait été cohérent avec l'arc développé tout le long...mais Smith le désamorce avec un dernier gag et, pire, inclue dans le générique de fin le podcast original où on l'entend se moquer de l'idée même de cette conclusion, en insistant sur son caractère par conséquent parodique. Quiconque a déjà vu l'une des conférences de Kevin Smith, proches du stand up, sait à quel point l'autodérision est son mécanisme de défense de prédilection. Il serait temps d'être un bonhomme maintenant.