TROPICAL MALADY: la critique

TROPICAL MALADY: la critique

Keng le jeune soldat et Tong le garçon de la campagne mènent une vie douce et agréable. Le temps s’écoule, rythmé par les sorties en ville, les matchs de foot et les soirées chaleureuses dans la famille de Tong. Un jour, alors que les vaches de la

Keng le jeune soldat et Tong le garçon de la campagne mènent une vie douce et agréable. Le temps s’écoule, rythmé par les sorties en ville, les matchs de foot et les soirées chaleureuses dans la famille de Tong. Un jour, alors que les vaches de la région sont égorgées par un animal sauvage, Tong disparaît. Une légende dit qu’un homme peut être transformé en créature sauvage… Keng va se rendre seul au cœur de la jungle tropicale où le mythe rejoint souvent la réalité.

JUNGLE FEVER

Il y a deux ans, Apichatpong Weerasethakul s’était fait remarquer avec Blissfully Yours, conte de lumière et rivière apaisée, sieste amoureuse et trêve épanouie. Les amants de Tropical Malady semblent s’enfoncer dans des bois voisins, sur les sentiers qu’empruntaient hier les promeneurs pour leur déjeuner sur l’herbe. Mais dès le début, la musique semble différente. Blissfully Yours s’ouvrait sur la froideur d’un cabinet de médecin et l’aridité de son vocabulaire, avant de s’abandonner, allongé, aux rayons du soleil qui percent entre les feuillages de la jungle. Et d’anesthésier consternations et brûlures. Tropical Malady installe rapidement son feu amoureux, même trempé dans le miel: missives affectueuses dans le fond d’une poche, déclarations karaoké, tête sur les genoux. Puis vient la nuit, précisément là où le jour aveuglait les vagabondages béats. Une nuit dans laquelle on s’enfonce, comme des doigts dans une chevelure sombre, inquiétante et fabuleuse. Apitchatpong Weerasethakul y dresse le décor de sa maladie amoureuse: peine perdue et cœur saccagé, jeu amoureux et extase intouchable.

MALADIE D’AMOUR

Mais comme pour son premier long métrage, la douce portée affiche quelques faiblesses sur certaines notes. L’odeur de la première partie du film est sucrée - peut-être trop, d’un goût plutôt mièvre avec sourires grossis et roucoulades rurales. Les énigmes nocturnes de la seconde, entre apparitions fantômes, arbres phosphorescents et chasse au fauve, se révèlent un rien creuses, même si leur pouvoir fascinant vient élever cette maladie tropicale au rang de charade abstraite. Un rébus qui viendrait relier les bouts d’un amour carnivore comme la bête sauvage, éblouissant comme le repère des lucioles, fuyant comme le spectre qui erre dans la jungle. Face à face, le garçon et le tigre se rencontrent enfin. Se regardent comme ils se respiraient l’instant d’avant. Le réalisateur pose son miroir entre les deux créatures, dans sa liaison homosexuelle où il ne sera question que de doubles, noyés dans le concert crépusculaire de la nature. Un amour impossible mais apaisé car loin de tout, animal et viscéral. Sa maladie tropicale se disperse trop, entre longueur et pesanteur, mais Apichatpong Weerasethakul laisse ses promesses définitives pour la prochaine invitation.

par Nicolas Bardot

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