Skyfall

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Skyfall
États-Unis, 2012
De Sam Mendes
Scénario : John Logan, Neal Purvis, Robert Wade
Avec : Javier Bardem, Daniel Craig, Judi Dench, Ralph Fiennes
Photo : Roger Deakins
Musique : David Arnold, Thomas Newman
Durée : 2h23
Sortie : 26/10/2012
Note FilmDeCulte : ******
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La loyauté de Bond envers M est mise à l'épreuve lorsque le passé de cette dernière la rattrape. Le M16 est menacé, Bond doit retrouver l'origine de cette menace et la neutraliser.

NOBODY DOES IT BETTER

Pour tout spectateur, le vrai James Bond est souvent celui avec lequel on a grandi. Toutefois, depuis que la franchise a été rebootée en 2006 avec Daniel Craig, force est de constater que les deux derniers volets ont rendu la plupart des précédents films presque irregardables. A chaque époque son Bond, avec ses cycles de surenchère et de retour aux bases, et ses modes. Hybride de Timothy Dalton, le grand brun ténébreux, et de Roger Moore, le flegme british, Pierce Brosnan est un bon exemple des tentatives effectuées par la saga pour concilier ses différentes incarnations. Malgré tous les efforts dans l'écriture, qui essaie de proposer un côté un tant soit peu auto-réflexif, avec un soupçon d'introspection pour le protagoniste, on reste encore dans la formule bondienne à base de too much et de punchlines totalement gratuites adressées à aucun personnage mais aux spectateurs, c'en est presque métafilmique. Par conséquent, Brosnan a un peu le cul entre deux chaises, avec cette volonté de composer un rôle sérieux mais sans perdre de vue l'humour qui a caractérisé la série durant l'ère Moore. Et ça, ça ne passe plus du tout aujourd'hui. On ne peut plus avoir de Bond Girl comme Izabella Scorupco en informaticienne lambda qui semble embrasser les emmerdes sans que cela ne lui pose le moindre problème, malgré les morts autour d'elle. Ce genre de facilités, après avoir vu Eva Green, traumatisée par juste une baston qui culmine en un meurtre sale, se réfugier sous la douche, ce n'est plus possible. Casino Royale a apporté une dose de réalisme à la saga qu'elle ne peut plus nier à présent. Le mot "réalisme" n'est peut-être pas le plus appropriée quand on parle de James Bond, mais ce reboot est clairement davantage ancré dans un monde réel que ses prédécesseurs, ne serait-ce qu'au niveau des bad guys, intermédiaires d'un groupe de terroristes en cols blancs versant dans la magouille géopolitique plutôt que le casse du siècle. Craig est la parfaite incarnation de cette nouvelle direction. Moins raffiné, plus brut, mais aussi plus dangereux. En cela, il rappelle davantage Sean Connery que tous les autres Bond. Il dégage ce même magnétisme sexuel qui manque terriblement à Brosnan, trop lisse. Malgré tout, parmi les spectateurs, fans et moins fans ont chacun leur vision du personnage et de l'univers, et imposent à la licence un cahier des charges qui n'a pas forcément lieu d'être. Un catalogue de passages obligés que peu de chapitres parviennent à énumérer de manière exhaustive. Presque chaque film est en réaction par rapport au précédent, ce qui rend les épisodes assez complémentaires. Ce qui manque à Casino Royale est dans Quantum of Solace et vice versa. D'autant plus que le second sert vraiment d'épilogue au premier. L'idéal serait un amalgame des deux. Mais cela est-il seulement possible?

YOU ONLY LIVE TWICE

Contre toute attente, ce que Martin Campbell réussissait le mieux touchait aux personnages et à toutes les scènes hors action (la rencontre dans le train, le poker, la torture), tandis que la réussite de Marc Forster tient plutôt dans l'intrigue géopolitique et l'action (avec ces séquences d'action conceptuelles incarnant chacun des quatre éléments ou encore la scène atypique de l'opéra). De l'avis général, Casino Royale est plus abouti mais Quantum of Solace reste un film racé, Forster apportant une patte au film qui n'est pas simplement "bournienne". Le film garde une identité propre, formellement plus séduisante (les décors plus bondiens, la photo moins datée). Et le choix de Sam Mendes après Forster prouve que les producteurs veulent sortir du profil de faiseurs anonymes en s'orientant vers des réalisateurs nommés à l'Oscar, avec une sensibilité plus indé... Mendes allait-il savoir unir en un même film les qualités des deux premiers Bond de Daniel Craig? La réponse est oui. Cela peut paraître superficiel mais rien qu'avec un coup d'oeil au générique, on peut voir ce que Mendes a choisi de garder des deux précédents : il rappelle Stuart Baird et Alexander Witt (respectivement monteur et réalisateur seconde équipe de Casino Royale) et Dennis Gassner (chef décorateur de Quantum of Solace). Rien que ces quelques noms en disent déjà long sur la gueule de ce Skyfall, qui opte donc pour de l'action maousse mais old school sur un rythme posé (contrairement au découpage "bournien" du Forster) mais des décors dans la plus pure tradition du décorateur de la franchise durant les années 70, Ken Adam (grandiloquents, pour ne pas dire carrément théoriques ici). Théorique, un peu comme le rapport de Bond à son adversaire, un Javier Bardem énormissime, composant un méchant quelque part entre son propre Anton Chigurh de No Country for Old Men et le Joker de The Dark Knight. Certaines critiques ont déjà évoqué l'influence des Batman de Nolan sur Skyfall et la comparaison n'est pas infondée. Déjà Casino Royale suivait un peu dans les pas du reboot qu'était Batman Begins, et Skyfall continue dans la même lignée, faisant la part belle à ses personnages, au détriment sans doute de l'action.

THE WORLD IS NOT ENOUGH

Que cela soit clair tout de suite, ceux qui n'étaient pas rassasiés par l'action du film de Campbell risquent d'être encore plus déçus par celle de Mendes. Passé l'extraordinaire prégénérique, qui pousse la démesure plus loin que ce que les Bond de Craig ont osé jusqu'à présent (mais le physique et le jeu de Craig apportent une certaine crédibilité, même quand il ajuste un bouton de manchette après un saut dangereux), l'action se réduit souvent à des corps-à-corps, plutôt qu'à de gros morceaux de bravoure. Même le climax rappelle davantage celui de La Mémoire dans la peau que la maison qui coule de Casino Royale. On remarque clairement une volonté d'être plus terre-à-terre, malgré quelques déviances vers les penchants les plus "moorien" de la saga (pas de requins mais pas loin). Cela se manifeste aussi dans l'intrigue, qui adopte un enjeu personnel plutôt que global. La franchise sous Craig aura ramené Bond dans le monde réel, ici un monde post-11 septembre où la menace ne vient plus des nations mais d'individus tapis dans l'ombre, renvoyant la mère patrie à ses propres péchés (M est au coeur de l'intrigue, qui revient sans cesse sur le territoire britannique). La grande réussite des Bond de Craig aura été de transformer l'essai entamé avec Brosnan, visant à garder l'humain au sein de l'histoire, et Skyfall ne déroge pas à la règle. Ce n'est pas un hasard si les meilleurs Bond, comme Casino Royale ou celui-ci, sont ceux qui ont quelque chose à raconter. En choisissant de confronter l'agent secret à son métier et à sa place dans la société actuelle - une thématique récurrente de l’œuvre de l'auteur - Mendes et Cie (ne négligeons pas l'apport de Peter Morgan, responsable de l'idée originale, et le scénariste John Logan, qui ont su comme Paul Haggis tirer vers le haut l'écriture sans doute plus formulaïque de Neal Purvis & Robert Wade, coupables d'avoir signé les deux pires Brosnan) proposent une étude du protagoniste. Il ne s'agit plus ici de s'intéresser à ses origines (comme dans le reboot/prequel de Campbell) mais à son statut, six ans après son retour, 50 ans après sa première apparition à l'écran. Si Casino Royale expliquait pourquoi il était comme il était, Skyfall souhaite expliquer pourquoi il continue, qu'est-ce qui l'anime.

JAMES BOND WILL RETURN

Le très beau générique, marquant le retour de Daniel Kleinman (créateur de tous les génériques depuis GoldenEye, à l'exception de Quantum of Solace), annonce la couleur : macabre. Abîmes, cimetières, crânes squelettiques, ombres et reflets trompeurs, on nage dans quelque chose d'assez morbide qui planera tout le long sur le récit et le parcours de Bond, visiblement animé par un désir de mort. De l'autodestruction alcoolique du début jusqu'à l'anéantissement de ce qui le définit, en tant qu'humain ou en tant qu'icône, pour mieux réaliser ce qu'il décrit textuellement dans le film comme son "hobby" : la résurrection. Déclaration pertinente tant de manière diégétique qu'extra-diégétique, vu le nombre d'incarnations qu'a connu le personnage. Ici, Bond passe le film confronté à sa part sombre (Silva) et sa figure maternelle (M) pour mieux renaître. A ce niveau, la nature théorique du dernier acte est assez puissante. Et ce n'est pas la seule scène de ce style. Qu'il s'agisse d'un Shanghai aux allures de film de SF, avec ce close-combat expressionniste absolument fabuleux, ou de l'île-fantôme aux statues géantes déchues, et le jeu morbide auquel Bond y est soumis, l'atmosphère que confèrent Mendes et son chef opérateur, le grand Roger Deakins, aux images font de Skyfall un Bond qui ne ressemble à aucun autre. Comme expliqué plus haut, aucun Bond ne peut être exhaustif, mais l'équilibre suggéré par l'équipe ici est plutôt réussi. Ainsi voit-on le retour de Q sans que cela ne paraisse incohérent dans ce Bond XXIe siècle, et même quand on ose un poil de gadget, le contexte fait passer la pilule. Étrange mixture que ce Bond qui parvient à se renouveler tout en aspirant à retrouver un certain parfum rétro. On retrouve le Bond queutard (Craig nique plus dans ce film que dans les deux précédents réunis) et blagueur (l'humour du film fonctionne à merveille - face à Q, face à Eve, face à Silva - seule une punchline paraît vraiment gratuite) mais sans que cela ne nuise à l'effort on ne peut plus sérieux de Mendes. Pour être honnête, on ne peut nier quelques baisses de rythme, mais elles interviennent entre des fulgurances vraiment épatantes venant d'une licence qui en est à son 23e film. Jusque dans la dernière scène, l'entreprise est parlante. Les quatre Bond de Brosnan se terminent avec la Bond Girl littéralement dans les bras de 007, prête à se donner. Les trois Bond de Craig se terminent autrement. On constate qu'au bout de trois films, son 007 est encore en train de se mettre en place, se concluant à chaque fois sur une annonce, une revendication. Une résurrection.

par Robert Hospyan

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