Sherlock Holmes
Royaume-Uni, 2009
De Guy Ritchie
Scénario : Simon Kinberg, Anthony Peckham d'après d'aprés l'oeuvre d'Arthur Conan Doyle
Avec : Robert Downey Jr, Jude Law, Rachel McAdams, Kelly Reilly, Mark Strong
Photo : Philippe Rousselot
Musique : Hans Zimmer
Durée : 2h08
Sortie : 03/02/2010
Le célèbre détective Sherlock Holmes et son fidèle associé le Dr. Watson tentent de déjouer les plans d'un homme qui menace tout le Royaume-Uni.
THE GAME IS AFOOT
A la vue de ce nouveau Sherlock Holmes, la principale surprise est de constater qu'il s'agit de ce que l'on appelle parfois communément entre cinéphiles un « vrai film ». En fait, à l'annonce du projet, on pouvait craindre une démarche de producteur singeant les reboot de vieilles franchises telles que Batman Begins, Casino Royale et Star Trek, cherchant à tout prix à faire du neuf avec du vieux dans l'unique but de s'octroyer une nouvelle licence. D'ailleurs, le projet a été pitché par Lionel Wigram - qui signe l'histoire mais surtout produit - non pas via un traitement mais via une sorte de comic book spécialement conçu pour convaincre les financiers et le choix de Robert Downey Jr. semblait évidemment davantage cibler les fans d'Iron Man que ceux de Chaplin. Pour couronner le tout, ils embauchent Guy Ritchie, réalisateur à la carrière fort imparfaite et détesté de toute une frange de spectateurs, ce qui avait tôt fait d'achever l'apparent "jeunisme" de l'entreprise. Et pourtant non, derrière ces apparences, on remarque une approche finalement aussi sincère et réfléchie que celles des films cités plus haut, à savoir la volonté de retourner aux sources d'un personnage et d'une mythologie tout en y apportant une certaine fraîcheur dans la forme, dans le ton, etc. Et pour accepter ce Sherlock nouveau crû, il faudra vous défaire de l’idée faussée du personnage exclusivement fondée sur l'image véhiculée à travers nombre d'autres films où Holmes a une allure de vieux prof en tweed avec une loupe et un chapeau pas possible. Et où Watson est un gros maladroit.
UNLOCK HOLMES
En effet, si l’on revisite les ouvrages d’Arthur Conan Doyle, on remarquera non seulement une relative modernité de l'écriture, qui se prête donc bien à ce traitement tendance blockbuster du détective, mais surtout une véritable fidélité au matériau de base. Outre une multitude de détails triviaux correctement retranscrits, le film traduit assez fidèlement l'univers du personnage, son côté un peu bohème, asocial, son espièglerie arrogante, ses sempiternelles déductions infaillibles, et surtout la « bromance » (contraction de « bro » - diminutif de « brother » soit « frère » dans un sens amical – et de « romance ») avec Watson. Peut-être la principale réussite du film tient-elle dans l'alchimie entre ses deux acteurs, digne des meilleurs buddy movies à la Joel Silver (qui justement produit le film), avec un Downey Jr. qui parvient à ne pas trop se répéter et un Jude Law bien trop rare, surtout dans ce genre de rôle inattendu. Tout ce que le film développe autour de ces deux héros est grandement appréciable. On s’étonne même de certaines pistes narratives et dramatiques du film : quitte à jouer la carte de la relance, le film aurait pu opter pour une « origin-story », de la même manière que les films de Christopher Nolan, Martin Campbell et J.J. Abrams donc, ils auraient même pu directement adapter le tout premier roman, Une étude en rouge, dans laquelle le Dr. Watson rencontre l'excentrique Holmes. Personne ne les aurait accusé de choisir la solution de facilité, d’où la surprise de les voir raconter une histoire qui semble presque être une suite ou même un troisième film (dès le début, on apprend que Watson va « quitter » Holmes et se marier). Cette décision témoigne d’une certaine intelligence vis-à-vis du public. Ils ont clairement compris que ce dernier connaissait plus ou moins les personnages et partent du principe qu'ils accepteront le duo malgré la remise au goût du jour qui ne sera pas forcément du goût de tout le monde.
RITCHIE RICHE
Au rayon des éléments qui rebuteront les plus austères, la mise en scène de Guy Ritchie, qui fait pourtant preuve d’une vraie ingéniosité. S’agirait-il pour l’auteur du film de la maturité ? Pour la première fois de sa carrière, Ritchie ne signe pas le scénario, ce qui lui semble être plutôt salutaire. Même si l’on essaie d’effacer de nos mémoires le calamiteux souvenir d’A la dérive, les deux derniers efforts du cinéaste dans son genre de prédilection, qu’il s’agisse de l’ambitieux mais incompréhensible Revolver ou de la redite faiblarde RocknRolla, semblaient faire preuve d’un enlisement de la part du réalisateur. Ici, si l'on retrouve le même genre de dynamique masculine au centre du film, le Londres cradingue et les hommes de main à la James Bond version gangster, tout droit sortis d’un comic bookien, c'est bien sûr formellement que l'on reconnaît surtout sa patte et l’on se réjouit de voir qu'il s'est calmé sans pour autant délaisser son style. En réalité, tous les effets de style se retrouvent justifiés ici, à commencer par les ralentis qui nous font pénétrer l'esprit de Holmes pendant qu'il planifie chacun de ses prochains coups, jusqu’aux furtifs retours en arrière pour expliquer chacune de ses déductions. Ainsi Ritchie suggère par ce filmage que la mise en scène est obligée de se « plier » à l'intelligence de Holmes : soit elle est contrainte à ralentir l'action afin d’illustrer la vitesse à laquelle le protagoniste pense, soit ce dernier pense si vite que la mise en scène ne peut même pas suivre en direct la déduction et se voit forcée de revenir dessus. Il n’y a rien de foncièrement nouveau dans ce genre de procédés, Ritchie n’invente pas la notion du « ralenti qui illustre paradoxalement la vitesse » ou le concept de flashback mais ceux-ci sont intelligemment exploités ici. Même dans les moments dramatiques, Ritchie ne perd pas le fil, comme au début lorsqu’il nous montre un Holmes presque agoraphobe, soulignant parfaitement l'angoisse du personnage par la mise en scène, ou ce magnifique ralenti sur les quais en proie aux explosions. Dans l’ensemble, Sherlock Holmes déborde d’idées et de classe, qu’il s’agisse de la lumière brunâtre, ritchienne, signée Philippe Rousselot ou de la bande très originale, tout en cordes tziganes, composée par Hans Zimmer, jusqu’à l’intrigue générale aux accents steampunk. Elémentaire.