Real steel
États-Unis, 2010
De Shawn Levy
Scénario : John Gatins
Avec : Hugh Jackman, Evangeline Lilly
Photo : Mauro Fiore
Musique : Danny Elfman
Durée : 2h07
Sortie : 19/10/2011
Dans un futur proche, la boxe a évolué pour devenir un sport high-tech. Charlie Kenton, un ancien boxeur, a perdu toute chance de remporter le championnat depuis que les humains ont été remplacés sur le ring par des robots d’acier de 900 kilos et de 2m40 de haut. à présent, il n’est plus qu’un manager minable qui utilise des robots bas de gamme fabriqués à partir de pièces de récupération. Il gagne juste assez pour survivre d’un combat à l’autre. Lorsque Charlie touche le fond, il accepte à contrecœur de faire équipe avec son fils Max, qu’il a perdu de vue depuis des années, pour construire et entraîner un champion. Contre toute attente, Charlie et Max ont une chance, une seule, de faire leur grand retour…
ALONE IN THE RING
Adapté d'une nouvelle de Richard Matheson et produit par Steven Spielberg et Robert Zemeckis, Real Steel paraissait naître sous les meilleurs auspices. C'est pourquoi le passif du scénariste et du réalisateur éventuellement choisis pour porter ce projet à l'écran avait de quoi éveiller les pires craintes. John Gatins semble spécialisé dans un genre très particulier qu'il est assez facile de cerner : il a écrit Hardball (Keanu Reeves devient le coach nerveux d'une équipe de base-ball adolescente), Coach Carter (Samuel L. Jackson devient le coach nerveux d'une équipe de basket-ball lycéenne) et Dreamer (Kurt Russell devient le coach d'un cheval). Quant à Shawn Levy...ceux qui ont eu la chance de ne pas voir ses vraies purges avec Steve Martin (Treize à la douzaine, La Panthère rose) auront peut-être vu ses quelques comédies pas désagréables (Just Married, Crazy Night) flirtant parfois avec le blockbuster (La Nuit au musée 1 & 2). Cependant, ces films ont toujours fonctionné MALGRE leur metteur en scène, assez peu inspiré, qui parvient parfois à tuer les gags de ses comédies et à aplatir l'ampleur de ses blockbusters, le tout toujours par le biais d'une image numérique fade, et ce malgré la présence de chefs opérateurs talentueux au générique de ses films comme Guillermo Navarro (collaborateur de Guillermo del Toro) ou John Schwartzman (fidèle de Michael Bay). Ainsi pouvait-on craindre que le film se retrouve un peu le cul entre deux chaises, partagé entre les promesses de ses initiateurs et le manque de talent de ses techniciens. En gros, est-ce que Real Steel serait "Over the Top avec des robots" ou bien "Rocky à la sauce Amblin"?
GOING THE DISTANCE
La vérité se situe quelque part entre les deux. N'y allons pas par quatre chemins, le récit est très classique. On entrevoit dès le début quelles leçons seront apprises par les personnages, quel sera leur parcours, quels antagonismes motiveront les situations, etc. Mais l'agréable surprise est de constater que malgré tout, l'ensemble s'avère franchement bien fichu. Formellement déjà, Levy semble avoir mis les petits plats dans les grands. Est-ce dû à Mauro Fiore (directeur de la photographie sur The Island et Avatar, qui a aussi bossé sur quelques Spielberg)? Est-ce parce que Levy a enfin quelque chose à raconter qu'il sait enfin COMMENT le raconter ? Que l'on ne s'y méprenne pas, la mise en scène reste anonyme mais à son échelle, Levy accède ici au rang de faiseur fort efficace, avec même quelques idées par moments qui font mouche. Ainsi le film s'ouvre-t-il au rythme d'une chanson d'Alexi Murdoch, sur un générique très calme, à l'ancienne, suivant Hugh Jackman sur la route, dans son camion/caravane, traversant les champs pour se rendre jusqu'à une bonne vieille foire des familles. C'est donc dès les premières images que le film étonne. C'est trois fois rien, oui, mais ça donne le ton. Derrière le classicisme, il y a une vraie sincérité. Apparemment, ce fut le choix de Levy de troquer le décor dystopique de la nouvelle pour un monde de fête foraine à la fois nostalgique et forcément un peu "lose", faisant de son héros - qui se comporte pourtant presque tout le temps comme un con ou un connard - un loser attachant qui va recroire en lui au contact de son fils abandonné. Au vu de la bande-annonce, on pouvait avoir peur de ce gamin au fort potentiel "agaçant" et finalement c'est leur relation qui sert de coeur au film.
GONNA FLY NOW
Les combats sont divertissants mais faut clairement pas y aller pour voir des robots boxer (c'est autant un film de boxe que Rocky). Si on veut voir ça, il faut voir Transformers 3. D'ailleurs, même si le projet est antérieur à la saga de Bay, je ne peux pas m'empêcher de penser que Spielberg essaie ici de renouer avec ce qui faisait le charme du premier Transformers, à savoir la dimension humaine, avec la petite touche Amblin qui sert de catalyseur. En effet, le principal robot ici, Atom (prononcé comme "Adam" en anglais), sert un peu de vecteur au rapport filial qui traverse le film. Dans l'univers de Real Steel, les robots ne sont pas dotés d'intelligence artificielle, ils ne sont que les avatars des êtres humains qui les dirigent et il devient très vite évident qu'Atom incarne un substitut du personnage de Jackman pour son fils. Il y a deux moments, quasi-muets, qui sont vraiment évocateurs, puissants (le gamin qui tape son père, le robot qui soulève le gamin). Déçu par un père indigne, le fils se forge un père idéal que son vrai père devra littéralement incarner pour réacquérir ce statut aux yeux de son fils. C'est assez fort comme idée, et c'est l'incursion de la SF dans une banale histoire de sportif déchu qui permet de raffraîchir et d'enrichir un arc mille fois vu. L'univers présenté par Levy & Gatins est assez riche d'ailleurs et le récit prend son temps autant pour tisser la fibre émotionnelle, nécessaire au film pour toucher le spectateur, que pour dresser le portrait d'un futur où les gladiateurs sont à nouveau d'actualité et ce dans bien des arènes, du vieux combat clandestin aux matches de la ligue officielle en passant par les bastons underground. L'esthétique navigue entre imagerie "Americana" et visuel pop/néon, sous influence japonaise, comme en témoignent les différents robots, tantôt samouraïs, tantôt mechas. Certains détails restent malheureux. Les méchants sont d'un basique très années 80, Evangeline Lily a un rôle assez fonctionnel, la danse n'était pas nécessaire et la musique niaise stabilote inutilement des passages qui auraient été moins cliché sans ça. Entre les mains d'un autre, Real Steel aurait pu être grand, au demeurant, il ne démérite vraiment pas.