Présence
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Presence
États-Unis, 2024
De Steven Soderbergh
Scénario : David Koepp
Avec : Lucy Liu
Photo : Steven Soderbergh
Durée : 1h25
Sortie : 05/02/2025
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Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse présence hante les lieux.
SOMEBEDY'S WATCHING ME
On n’attendait plus grand-chose ni de Steven Soderbergh ni de David Koepp, le premier étant devenu inconséquent et le second ne travaillant plus avec les grands cinéastes - De Palma, Spielberg, Raimi, Fincher - qui ont su tirer des classiques à partir de ses scénarios solides. Le cinéaste et le scribe avaient déjà collaboré sur le décevant Kimi mais le film n’était pas animé d’un concept aussi fort que celui de leur nouvel opus. L'idée-phare de Présence vient de Soderbergh, une simple idée qui hisse le film au-delà du thriller conventionnel et c'est une pure idée de mise en scène : tout le film est vu du point de vue subjectif du fantôme. Le synopsis ci-dessus est tellement vague qu'il pourrait tout aussi bien être le synopsis du genre dans son entièreté. Et pourtant, c'est bien le synopsis du film. Certes, il y a évidemment quelques particularités dans la caractérisation d'un ou deux personnages mais, dans l'absolu, le film est délibérément simple d'un point de vue narratif. Mais le Koepp déchu d'aujourd'hui n’écrirait pas au premier degré ce qui serait un DTV. Il faut se rappeler qu’il n'est pas étranger aux films réflexifs co-conçu avec leurs metteurs en scène (cf. Snake Eyes).
Avec ce parti-pris formel, ce qui pourrait être un simple gimmick - on a déjà eu des films du "point de vue" du fantôme, de Beetlejuice à Sixième sens (#spoiler) - dépasse le stade du postulat narratif et d'un script prétexte, le réalisateur tire un film à haute charge théorique. Au premier niveau de lecture, raconter une histoire exclusivement en plans-séquences au Steadycam en légère plongée confère d'emblée un ressenti différent à une trame mille fois vue. Privée de champs-contre-champs et autres mots, verbes et adjectifs du langage cinématographique courant et familier, la mise en scène arbore une nature métafilmique. On a déjà vu cette caméra flottante dans le genre, symbolisant une présence, mais ici, plus que jamais, cette présence, c'est nous. Le spectateur, confiné dans la salle tout comme le fantôme l'est dans cette maison - d'ailleurs, après Kimi, c'est une nouvelle preuve que le confinement a marqué Koepp - est voyeur par définition, pénétrant l'intimité, inquisitif sur ce monde qui lui est donné à voir, sur son sens à déchiffrer. Cette réflexivité porte le film au-delà des rouages plus mécaniques du troisième acte et néanmoins touchants.
Depuis qu'il a mis fin à sa retraite jamais crédible, Steven Soderbergh s'est fait plus prolifique que jamais mais, qu'ils présentent une quelconque ambition ou non, même ses moins mauvais ouvrages se sont avérés relativement insignifiants et il a signé ses pires films. On est ravis de constater qu'il a non seulement enfin refait un bon film mais qu’il s’agit même du meilleur depuis près de 15 ans.