Oblivion
États-Unis, 2012
De Joseph Kosinski
Scénario : Michael Arndt, Karl Gajdusek, Joseph Kosinski
Avec : Tom Cruise, Morgan Freeman, Olga Kurylenko, Andrea Riseborough
Photo : Claudio Miranda
Musique : Anthony Gonzales, Joseph Trapanese
Durée : 2h06
Sortie : 10/04/2013
2077 : Jack Harper, en station sur la planète Terre dont toute la population a été évacuée, est en charge de la sécurité et de la réparation des drones. Suite à des décennies de guerre contre une force extra-terrestre terrifiante qui a ravagé la Terre, Jack fait partie d’une gigantesque opération d’extraction des dernières ressources nécessaires à la survie des siens. Sa mission touche à sa fin. Dans à peine deux semaines, il rejoindra le reste des survivants dans une colonie spatiale à des milliers de kilomètres de cette planète dévastée qu’il considère néanmoins comme son chez-lui. Vivant et patrouillant à très haute altitude de ce qu’il reste de la Terre, la vie "céleste" de Jack est bouleversée quand il assiste au crash d’un vaisseau spatial et décide de porter secours à la belle inconnue qu’il renferme. Ressentant pour Jack une attirance et une affinité qui défient toute logique, Julia déclenche par sa présence une suite d’événements qui pousse Jack à remettre en question tout ce qu’il croyait savoir. Ce qu’il pensait être la réalité vole en éclats quand il est confronté à certains éléments de son passé qui avaient été effacés de sa mémoire. Se découvrant une nouvelle mission, Jack est poussé à une forme d’héroïsme dont il ne se serait jamais cru capable. Le sort de l’humanité est entre les mains d’un homme qui croyait que le seul monde qu’il a connu allait bientôt être perdu à tout jamais.
EARTH
Cotisons-nous pour acheter un vrai scénario à Joseph Kosinski. Objectivement, Oblivion est mieux écrit que Tron, l'héritage, dont la structure complètement boiteuse n'aidait pas une intrigue déjà très conventionnelle, mais ce deuxième long métrage du cinéaste présente en fin de compte les mêmes qualités que son premier mais surtout les mêmes problèmes. Formellement, le metteur en scène - associé à son chef op de Tron, Claudio Miranda (L'Etrange histoire de Benjamin Button, L'Odyssée de Pi) régale une fois de plus avec son visuel planant auquel la musique emphatique de l'artiste électro français M83 confère un caractère aussi épique et envoûtant que la BO de Daft Punk pour Tron. Dans les pubs de Kosinski pour Gears of War ("Mad World") et Halo 3 ("Starry Night"), on pouvait déjà noter une approche assez mélancolique d'univers de science-fiction, qui restait évidemment à un état encore un peu superficiel sur un format si court, mais qui s'est développé sur Tron et surtout sur ce Oblivion, projet plus personnel pour le réalisateur, qui l'avait initialement développé pour en faire son premier long. Si le film s'inscrit dans un canevas large de grosse machine estivale, il ne joue pourtant pas vraiment le jeu de l'entertainment. Il n'y a que trois scènes d'action sur les 2h06 de film, et ce n'est clairement pas ce qui intéresse le plus Kosinski. En effet, si l'on devait décrire le film par une formule simple, on pourrait dire que c'est Moon en blockbuster.
TRON, LE DESHÉRITAGE
Le réalisateur évoque le même genre de références SF '70s que citait le réalisateur de Moon, Duncan Jones, tel que Silent Running, et les thématiques du film sont notablement orientées vers le même genre de questions. Mais on retient également une certaine parenté avec Tron... Dès le premier abord, il est intéressant de voir comment le film semble se construire esthétiquement - et par conséquent, thématiquement - en réaction au précédent, à commencer par l'élément le plus évident au vu du film, les décors. On n'est plus dans un environnement virtuel oppressant en bakélite obsidienne (tourné sur fond vert) mais dans de grands espaces ouverts où le soleil semble ne jamais se coucher (tournés en Islande). Et en même temps, Kosinski joue sur une certaine correspondance entre les deux films, étant donné qu'ici aussi, les habitations futuristes, avec leurs belles surfaces vitrées, sont synonymes de facticité. Le virtuel s'est à présent insinué dans le réel. Dans les costumes également, on est dans l'opposition avec Tron. Les combinaisons noires sont troquées pour des uniformes blancs...qui se salissent vite et que l'on change chaque jour. La manière dont Kosinski chamboule un peu ce code du film post-apocalyptique cradingue semble témoigner d'une véritable obsession du cinéaste pour la pureté, ou l'apparence de pureté. Après tout, c'était l'une des thématiques de Tron, où le personnage de CLU visait à créer le monde parfait, débarrassé de toute impureté, et l'on retrouve un peu cette idée dans la fonction du personnage interprété par Tom Cruise ici, réparateur de drones chargés de neutraliser les "Charognards", derniers éléments rebelles restés sur une Terre dévastée.
OBLIVIEUX
La forme est donc vraiment au service du fond, mais il est dommage que ce fond soit servi par une écriture très classique, qui recycle un peu les fleurons du genre, et sans s'octroyer un rythme qui permettrait davantage d'efficacité dans ce classicisme. En fait, il est difficile de savoir si la relative lenteur du film découle de la volonté de Kosinski à réaliser un film dans la même vibe que ses modèles des années 70 ou si c'est juste, à l'instar de Tron, un peu mou. Les diverses révélations du scénario s'avèrent de tels stéréotypes du genre que l'on a du mal à être surpris et, du coup, le temps se fait un peu long. Heureusement que l'expérience sensorielle conçue par Kosinski, Miranda et M83 est fréquemment au rendez-vous, avec quelques images fortes qui restent gravées là, comme ce travelling latéral filmant de profil Jack, par terre chez lui, face au drone qui avance, ou encore le vaisseau-bulle de Jack face au cœur du Tet, dans le "Temple de ses Dieux". Ne proposant pas de réflexion originale sur des thèmes de science-fiction éculés, et sacrifiant un peu son univers, ainsi que ses personnages secondaires, au profit d'une direction artistique néanmoins magnifique, Oblivion peine à convaincre pleinement même s'il s'impose comme une nouvelle preuve du talent de Joseph Kosinski.