Nightmare Alley

Nightmare Alley
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Nightmare Alley
États-Unis, 2020
De Guillermo Del Toro
Scénario : Guillermo Del Toro d'après Le Charlatan de William Lindsay Gresham
Avec : Cate Blanchett, Toni Collette, Bradley Cooper, Willem Dafoe, Richard Jenkins, Rooney Mara, Ron Perlman, Michael Shannon
Photo : Dan Laustsen
Note FilmDeCulte : ****--
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Alors qu’il traverse une mauvaise passe, le charismatique Stanton Carlisle débarque dans une foire itinérante et parvient à s’attirer les bonnes grâces d’une voyante, Zeena et de son mari Pete, une ancienne gloire du mentalisme. S’initiant auprès d’eux, il voit là un moyen de décrocher son ticket pour le succès et décide d’utiliser ses nouveaux talents pour arnaquer l’élite de la bonne société new-yorkaise des années 40.

FILM FOIRE

Dire que chez Guillermo del Toro, les vrais monstres sont les humains tient désormais d'une lapalissade mais il est tout de même intéressant de voir l'auteur surenchérir sur cette idée dès les premières minutes de son dernier opus, nouvelle adaptation du roman Le Charlatan, porté à l'écran une première fois en 1947, et première excursion hors de zone de confort. Troquant le fantastique pour le film noir, Del Toro garde toutefois son œil et son goût pour les univers autres. Le récit a les deux pieds ancrés dans l'horrible réalité mais le monde interlope qu'il nous fait visiter durant sa première moitié baigne dans une atmosphère autre, avec cette esthétique de film d'horreur, notamment dans la direction artistique à tomber et la photographie de Dan Laustsen, sans doute la plus belle depuis que le metteur en scène est passé au numérique. Il ne s'agit pas juste de l'underworld du crime mais d'une fête foraine où les freaks sont truqués, comme cette femme-araignée. D'ailleurs, il est intéressant de voir comment Del Toro, qui a ouvert plusieurs de ses scénarios avec des professions de foi comme "Les fantômes/les sorcières existent" s'amuse à montrer que tout est faux, avec notamment ses explications des techniques du mentalisme utilisés par des artistes se faisant passer pour des médiums. Néanmoins, les ogres prédateurs sont bien réels, tel ce Monsieur Loyal qui explique comment transformer un honnête homme en véritable animal, et c'est lorsque l'on se met à croire à ses propres illusions que l'on se perd.

Ainsi le cinéaste prend-il le temps de construire le microcosme cruel qui va forger son protagoniste et raconter justement comment l'humain devient monstre. Du mystérieux vagabond muet des débuts, Stanton Carlisle devient peu à peu un homme fatal, usant de son apparence et de ses charmes pour apprendre et se hisser au-delà de son statut. C'est évidemment ce que le film propose de plus original vis-à-vis du genre qu'il travaille, cette exposition qui se permet un détour, un autre décor, un arc élaboré, engageant et une subversion de son archétype-phare. Malheureusement, si l'élégance persiste quand on passe de l'enfer forain à la séduction du luxe art déco, le récit précipite sa conclusion. Le personnage malin qui nous avait tant charmé devient trop négligent, le scénario ayant recours à des raccourcis pour le justifier. Les nouveaux personnages qui apparaissent tardivement, de l'antagoniste joué par Richard Jenkins à la femme fatale incarnée par Cate Blanchett, sont réduits à des clichés, ne dépassant justement jamais leurs archétypes. Alors qu'il a passé un temps fou à composer des protagonistes multidimensionnels (cf. le personnage secondaire de voyante interprétée par Toni Collette et le ménage atypique qu'elle fonde avec son mentaliste de mari et Stanton), le film se contente soudainement de tropes creux. Tombant alors petit à petit dans les schémas attendus, ce troisième acte appauvrit le film et laisse la désagréable impression que Nightmare Alley se cantonne à n'être au final que Le Petit Guide du Film Noir Illustré, gâchant même cette fin qui sonne horriblement juste mais apparaît simultanément si téléphonée qu'elle peine à satisfaire.

par Robert Hospyan

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