Les Cinq légendes
Rise of the Guardians
États-Unis, 2012
De Peter Ramsey
Scénario : David Lindsay-Abaire
Avec : Alec Baldwin, Isla Fisher, Hugh Jackman, Jude Law, Chris Pine
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 1h37
Sortie : 28/11/2012
Et si la légende du Père Noël, du Lapin de Pâques, de la fée des Dents et du Marchand de Sable ne nous avait pas dévoilé tous ses secrets ? Et si ceux qui nous offrent généreusement des cadeaux, des œufs, de l'argent ou des rêves avaient gardé en eux une part de mystère ? Les Gardiens de l'enfance, chargés de veiller sur l'innocence et l'imaginaire de nos chères têtes blondes, vont devoir déployer leurs forces comme jamais encore ! Car dès lors que Pitch, un redoutable esprit maléfique menace d'éliminer les Gardiens en volant aux enfants leurs rêves et leurs espoirs pour répandre la peur, nos quatre héros demandent à Jack Frost de les rejoindre et les aider dans leur mission. Adolescent rebelle et solitaire, Jack Frost peut, grâce à sa canne magique, et pour son plus grand plaisir, créer de la glace, du vent et de la neige mais il ne connaît rien de son passé et n'a aucun réel but dans la vie... Invisible aux yeux des enfants, Jack Frost n'a pas conscience de l'étendue de son pouvoir mais en s'engageant aux côtés des quatre légendes dans un combat sans merci contre le mal, il va enfin se révéler à lui-même et aux enfants du monde entier.
LES GARDIENS DE L'ENFANCE
Ils ont compris. Est-ce la présence en tant que producteur de Guillermo del Toro, déjà présent, mais dans une moindre mesure, sur Megamind, Le Chat potté et Kung Fu Panda 2 ? Est-ce tout simplement le fait qu'avec l'accueil critique et public de Dragons, ils ont choisi de favoriser les films capables de rivaliser avec Pixar plutôt que de se cantonner à de simples comédies? De toute façon, ils peuvent continuer à en produire vu que, contrairement à leurs aînés de chez Disney, ils sortent jusqu'à trois films par an. Quoiqu'il en soit, Dreamworks Animation semble avoir compris. Développé conjointement avec The Guardians of Childhood, une série de livres pour enfants dont il est davantage une suite/crossover qu'une adaptation, Les Cinq légendes est une vraie réussite qui retient certaines leçons de Dragons sans non plus sembler répéter bêtement une formule. Ainsi peut-on se réjouir de remarquer, tant dans la caractérisation que dans la BO, l'absence de jeunisme qui a longtemps stigmatisé les films sortis par le studio. En lieu et place des habituels gags pipi-caca, on retrouve l'ambition de composer un film empreint d'émotion. Outre la présence, depuis le début du projet cette fois, du réalisateur du Labyrinthe de Pan et Hellboy, le film bénéficie d'une relative dream team. L'auteur des livres originaux, William Joyce, a jadis travaillé au concept de Toy Story et 1001 pattes et le scénariste David Lindsay-Abaire a remporté le Prix Pulitzer pour sa pièce Rabbit Hole (adaptée au cinéma par le réalisateur de Hedwig & the Angry Inch et Shortbus). Derrière un pitch en vogue mais tout de même bien vu (l'association de différentes icônes de l'enfance), le scénario a l'intelligence de dépasser ce simple gimmick en exploitant à fond ce postulat de départ pour créer un univers (cf. les "foyers" de chacun des personnages) et une mythologie (cf. les pouvoirs et/ou les "gadgets" des cinq héros) riches et surtout réfléchis, mais avant tout au service d'une thématique générale axée autour des notions les plus pures de l'enfance, symbolisées par chacune des "légendes" du titre.
On pouvait le redouter mais en fin de compte, force est de constater que le récit est malin de prendre Jack Frost, figure inconnue en France et de toute façon moins prestigieuse que ses comparses même outre-Atlantique, comme protagoniste pour nous faire découvrir ce monde. D'autant plus que tout le propos du film tient sur un arc qui ne pouvait être vécu que par lui, figure tragique au départ, dont le croque-mitaine qui sert de méchant est le revers négatif, le futur possible, condamné aux ténèbres parce qu'on ne croit plus en lui. Les Cinq légendes est en quelque sorte tout ce que Le Pôle Express aspirait à être. L'oeuvre embrasse la notion de foi, sauf qu'ici le discours ne revêt pas un aspect prêchi-prêcha c(h)réti(e)n, se détachant totalement de tout vestige religieux - c'est même carrément païen vu l'importance accordée à la Lune tout le long - pour aspirer à un propos plus pur et plus sain sur l'imagination et l'enfance. En conséquence, une vraie magie règne sur tout le film, dans le fond comme dans la forme, une fois de plus assez fabuleuse. Décidément de tous les bons coups, Roger Deakins, directeur de la photographie des frères Coen et récemment de Skyfall, rempile après Dragons au poste de consultant, et Peter Ramsey, dont c'est le premier long, opte pour un dynamisme de tous les instants. Parfois, c'en est même presque trop tant ça virevolte, à l'image et dans le rythme de l'ensemble, mais c'est diablement entraînant, avec une 3D jamais envahissante mais toujours bien dosée. L'ouvrage déborde d'idées de partout, à l'écran, à l'écrit, du look original des yétis aux gags géniaux sur les elfes en passant par les bastons dignes de comic books, mais il s'envole vraiment dès lors qu'il traite directement des enfants, comme ce qui a trait à la nature de Jack, ou des souvenirs recueillis par la Fée. Les Cinq Légendes est de ces oeuvres qui rappellent que, parfois, ce sont les meilleurs films d'animations qui sont les vrais gardiens de notre enfance.