Le Sel de la terre
Allemagne, 2014
De Juliano Ribeiro Salgado, Wim Wenders
Durée : 1h40
Sortie : 15/10/2014
Depuis quarante ans, le photographe Sebastião Salgado parcourt les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation. Alors qu’il a témoigné des événements majeurs qui ont marqué notre histoire récente : conflits internationaux, famine, exode… Il se lance à présent à la découverte de territoires vierges aux paysages grandioses, à la rencontre d’une faune et d’une flore sauvages dans un gigantesque projet photographique, hommage à la beauté de la planète. Sa vie et son travail nous sont révélés par les regards croisés de son fils, Juliano, qui l’a accompagné dans ses derniers périples et de Wim Wenders, lui-même photographe.
LE CHOC DES PHOTOS
Cela méritait bien un film. Le travail du photographe Sebastiao Salgado est effectivement saisissant. A la fois artiste, reporter et aventurier, Salgado a eu à cœur de dépeindre l’unité de ce qu’il nomme lui-même « la race humaine » au-delà de sa diversité. Des mines gargantuesques du Brésil jusqu’aux déserts africains, son travail porte autant sur les conditions de travail que sur les conditions de vie. L’alliance de sujets dramatiques et d’une esthétique de la lumière et du noir et blanc ont rendu l’œuvre de Salgado célèbre et populaire, mais aussi (même si cela n’est jamais abordé dans le film), controversée. Susan Sontag parlait notamment de l’ «inauthenticité » qu’il y avait à rendre la misère esthétique. En compagnie de son fils Juliano Ribeiro Salgado, Wim Wenders lui consacre un documentaire lui-même en noir et blanc. Un choix qui apporte une dignité un peu facile, mais le grand écran redonne en contrepartie un poids indiscutable à ces photographies.
Le travail du photographe Sebastiao Salgado est saisissant, mais hélas celui de Wim Wenders l’est ici beaucoup moins. La gigantesque rétrospective de ces images-choc laisse parfois entrevoir un certain vertige, et l’on souhaiterait plus d’une fois que cette profusion décolle et rejoigne la poésie des fresques de Ron Fricke ou Godfrey Reggio. Mais tout beau qu’il soit, La Sel de la Terre demeure un film de pure retranscription : les photos y défilent comme un lent diaporama, sans effet de montage qui pourrait y rajouter du sens, le monologue du photographe en voix off ne rencontre aucun autre point de vue en miroir… Wim Wenders semble se retirer derrière son sujet et n’apporte quasiment rien en terme de forme artistique ou pire, en terme de point de vue. L’ensemble en devient parfois tellement lisse qu’il ressemble moins à une visite guidée qu’à un beau livre posé sur une table basse. Cela méritait-il bien un film ?