L'EMPREINTE DE LA MORT: la critique
Ben Archer tente aujourd’hui de vivre des jours paisibles, après avoir mis de côté son passé d’ancien membre de la mafia marseillaise. Suite au meurtre violent de sa femme par des triades chinoises, il décide de faire justice lui-même, et de sauve
Ben Archer tente aujourd’hui de vivre des jours paisibles, après avoir mis de côté son passé d’ancien membre de la mafia marseillaise. Suite au meurtre violent de sa femme par des triades chinoises, il décide de faire justice lui-même, et de sauver son fils, détenu en otage.
MORTAL KOME BACK
Premier plan, première image choc, Van Damme cadré en gros plan, sur fond noir, sans musique, immobile… La caméra recule doucement et découvre deux cadavres allongés devant lui. En un seul mouvement de caméra d’une cruelle beauté, le réalisateur Philippe Martinez déjoue tous les pièges tendus trop facilement par le genre dans lequel il évolue. Dès cette majestueuse ouverture, L'Empreinte de la mort provoque un radical contraste avec les dernières productions van dammiennes (Derailed ou The Order), contraste déjà prégnant dans le récent In Hell, réalisé par Ringo Lam, cinéaste par ailleurs pressenti à l’origine pour réaliser ce nouveau film. In Hell, L'Empreinte de la mort, deux films incroyablement brutaux, sans la moindre concession, qui ne fonctionnent qu’au premier degré, risquant même par moments la carte de la poésie. C’est que l’acteur change depuis quelques années, extériorisant de plus en plus son jeu et ses émotions, révélant un visage aux contours ridés et émaciés, n’hésitant plus à se mettre en danger dans des scènes terriblement émouvantes… On pense parfois à la veine frontale de Clint Eastwood, et le personnage de Ben Archer reste le justicier le plus violent depuis l’inspecteur Harry. Il n’est donc pas réellement étonnant de le voir aujourd’hui choisir un tel projet, totalement réjouissant, monstrueux patchwork d'influences diverses et plus originales que les autres, une sorte d'œuvre hybride qui hésite constamment entre la série B classique et le film d’action expérimental. Kaléidoscope d’images, montage parfois ultra-cut, ralentis, accélérés violents, plongées, contre plongées, etc., le cinéaste utilise toutes les possibilités du langage filmique qui s’offre à lui, pour mieux les intégrer dans un ensemble d’une homogénéité visuelle exemplaire.
HOTEL MARTINEZ
Sans être un créateur hors pair, Philippe Martinez se révèle un excellent recycleur d’images, voire même un mixeur d’icônes. Au-delà même de la très belle photographie et de la poésie – morbide parfois – de certaines scènes, la principale qualité du film, son principal intérêt sans doute, serait la réappropriation d’images appartenant à un inconscient cinéphile. Une façon de digérer ces images pour mieux en éclabousser le spectateur lors de séquences d’une violence parfois insoutenable. Automatiquement, lorsqu’on appréhende ce genre de produit, l’on pense rapidement à John Woo ou John McTiernan, les deux réalisateurs les plus copiés par l’ensemble de la production hollywoodienne d’action des quinze dernières années. Et certaines scènes ne manquent pas de se rapprocher d’un Volte/Face, par exemple (l’arrivée à l’aéroport)… pour mieux s’en détourner par la suite. Curieusement, par le découpage, les cadrages volontairement serrés, les nombreuses contre plongées, on se retrouve quasiment en face d’un objet déviant, déréglé, amoral, faisant référence à Takeshi Miike. Coïncidence ou hommage conscient, peu importe, et le film de dérouler une somme d’icônes plus propres aux cinémas de Wong Kar-Wai (vision accélérée des rues la nuit), Takeshi Kitano (la fixité statufiée des personnages dans les premières scènes), ou Gus Van Sant (les nuages qui défilent en accéléré), qu’aux films précédents de la star belge. Cadrés dans des vignettes de bande dessinée, déifiés ou au contraire rabaissés par une caméra utilisée dans un rapport invariablement vertical, les personnages évoluent ainsi au milieu d’un script carré, et cette Empreinte de la mort ne lasse ainsi pas de surprendre dans sa première partie. Il est dommage qu'une mauvaise gestion du rythme et une improbable dilatation du temps lors de certaines scènes viennent bouleverser le système progressivement mis en place (le film prend son temps, malgré sa courte durée d'1h26).
PLUS MORT QUE VIF
Problème de rythme, donc, mais problème qui s’efface rapidement dans une seconde partie qui parvient sans aucun mal à trouver son souffle, notamment grâce à la présence de l’acteur. On l’a dit, le film est hybride, jusque dans sa thématique. D’un côté, l’habituel personnage profondément moral de Van Damme (père aimant, criminel repenti, mari protecteur), de l’autre la lente descente aux enfers de ce même personnage, rejetant un à un tous ses principes les plus évidents. Van Damme, que l’on n’a jamais vu ainsi, déchargeant une telle puissance émotionnelle dans des scènes d’une beauté brute. Van Damme pleurant le décès de sa femme; Van Damme en larmes achevant un ennemi de ses mains nues; Van Damme intimant à son complice psychopathe d’achever son otage à la perceuse électrique… Une seconde partie absolument hallucinante, contenant en outre une séquence de torture quasi insoutenable, entrant directement au panthéon des meilleures scènes du genre, aux côtés de Reservoir Dogs et surtout de Marathon Man – la scène étant bien plus proche du second que du premier, en dépit du plan tarantinien désormais célèbre de la victime dans le coffre. L’acteur se révèle un tueur incroyablement expéditif et violent, dans une composition qui s’impose comme sa meilleure, loin devant celle pourtant mémorable de Replicant. Van Damme a changé, ses espoirs, ses idéaux sont loin aujourd’hui, sa naïveté aussi. Il n’est plus ce personnage drôle et généreux qu’il pouvait incarner dans le sympathique Cavale sans issue. Caractérisé par une succession de scènes impressionnantes, il incarne un nouveau vigilante désabusé, désillusionné, ayant perdu la plus petite parcelle de miséricorde. Une date dans sa carrière, et la victoire de ceux qui ont cru en lui depuis le début. En grande pompe, l’entrée dans la cour des grands. Tout simplement.