Jason Bourne
Jason Bourne
États-Unis, 2016
De Paul Greengrass
Scénario : Paul Greengrass
Avec : Matt Damon, Tommy Lee Jones, Alicia Vikander
Photo : Barry Ackroyd
Musique : David Buckley, John Powell
Durée : 2h03
Sortie : 10/08/2016
La traque de Jason Bourne par les services secrets américains se poursuit. Des îles Canaries à Londres en passant par Las Vegas...
THE BOURNE REDUNDANCY
Bien que le consensus semble porter aux nues les épisodes réalisés par Paul Greengrass, les vrais savent que chaque nouvel épisode s'est avéré inférieur au précédent. La faute à une formule qui s'est faite encore plus répétitive que celle des James Bond en seulement trois films. Au-delà de tout trolling de notre part, ce fait est indéniable, au même titre que l'exacerbation du style formel du cinéaste de film en film. Pour certains, c'est ce qui fait de La Vengeance dans la peau l'opus le plus réussi. Pour les autres, rassurez-vous, Greengrass s'est calmé. Malheureusement, comme en témoignent les scènes d'action plutôt peu remarquables ce nouveau chapitre, sa mise en scène en est presque devenu fonctionnelle. Au même titre que le protagoniste.
Dans le tome original réalisé par Doug Liman, le personnage de Bourne était plus humain et plus attachant. Son amnésie, sa quête, sa relation avec Marie, ses réflexes qui revenaient... Mais par la suite, il s'est muté en une sorte de Terminator dont les prouesses apparaissent en fin de compte de plus en plus banales. Un inconvénient assez bien stigmatisé par cette introduction en mode Rambo III qui voit Bourne étendre des gars en un coup de poing dans des combats clandestins. Le film essaie d'apporter de l'humanité en montrant le personnage en proie à une crise d'angoisse juste après mais la caractérisation ne va se faire que plus vulgaire par la suite. On pensait sincèrement qu'après la conclusion, plutôt intéressante, de son arc dans le troisième opus et l'existence d'un chapitre spin-off qui avait cherché à se défaire quelque peu de la formule, le retour de Greengrass et Damon viendrait rompre avec certaines récurrences de la structure de la franchise, comme ces flashbacks délavés lourdingues par exemple. Non seulement on y a droit mais en plus ils interviennent au service d'un retcon (retroactive continuity, NDR) complètement débile, autrement dit une révélation révisionniste qui vient casser tout ce que le troisième film avait justement construit d'intéressant.
Tout ce que le scénario révèle des motivations des différents personnages tient vraiment de l'écriture de suite vulgos, à base d'artifices en préfabriqué qu'on pensait relégués aux parodies et qu'on voit donc venir à des kilomètres. Les enjeux personnels laissent donc à désirer, plus basiques encore que ceux de La Mort dans la peau, qui avait l'intelligence de transcender la simple quête de vengeance par une quête de pardon. L'intrigue prétexte de ce quatrième volet serait justifiable si elle permettait à Greengrass de développer quelque chose d'intéressant non pas d'un point de vue intime et humain mais du point de vue du propos politique. Or, le film apparaît assez ringard à ce niveau et somme toute assez superficiel. Le film commence par des scènes de manifestations en Grèce et se termine dans l'opulence de Las Vegas et ce décorum voudrait faire office de discours mais si voir Bourne utiliser des cocktails molotov et taper des flics incarne vaguement la première séquence, Greengrass, qui signe cette fois le scénario (avec son...monteur) n'en fait pas grand chose d'autre. Son laïus sur la surveillance, encore plus en retard que SPECTRE sur la question, paraît aussi profond qu'un statut sur Facebook râlant contre l'invasion de la vie privée par Facebook. Name-dropper Snowden ne suffit pas. En tout cas, cela ne suffit pas à faire de Jason Bourne autre chose que la répétition ad nauseam d'une recette, en plus creux et plus grossier, avec une série d'acteurs qui ont encore moins de choses à jouer que Matt Damon.