Jackie
États-Unis, 2016
De Pablo Larrain
Scénario : Noah Oppenheim
Avec : Natalie Portman
Durée : 1h30
Sortie : 01/02/2017
22 Novembre 1963 : John F. Kennedy, 35ème président des Etats-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut.
ENTERREE VIVANTE
Il est tentant de vendre Jackie comme un biopic classique à Oscars – mais le film n'est pas ça. L'écriture impressionniste (c'est d'ailleurs le scénario de Jackie qui a été primé à la Mostra de Venise) propose un portrait en forme de miroir brisé de l'ex-Première Dame américaine, un puzzle mystère qui se constitue... mais auquel il semble toujours manquer une pièce. Le début du film est pourtant assez implacable, précis : Jackie Kennedy est interviewée. Les champs/contrechamps s’enchaînent, mécaniques, comme un échange de tennis. Mais la musique dissonante de la géniale Mica Levi (déjà auteure de la bande originale extraordinaire de Under the Skin) propose un contrepoint, déforme ce qui devrait être carré, comme la stature d'une veuve de président en temps de deuil et de crise.
La structure impressionniste de Jackie offre des morceaux de son héroïne. Littéralement : des impressions d'un personnage KO debout. Il y a quelque chose d'insaisissable dans le choc mondial de ce deuil, dans la violence de cette cervelle qui gicle sur un beau tailleur. Insaisissable aussi car Jackie semble dépossédée de son propre deuil. C'est l'aspect le plus intéressant de ce faux biopic, qui fait de Jackie une héroïne digne de Joyce Carol Oates. C'est une fiction mais elle est réelle (et inversement). On l'essore, on l'essore, mais son mystère reste entier. C'est une authentique icône américaine dont on peut facilement avoir une conception un peu empaillée. Et elle est plus complexe que facilement aimable.
Le travail sur la texture de l'image, comme on l'a déjà vu dans des précédents films de Pablo Larrain, essaie d'attraper le réel. Jackie est pourtant, essentiellement, un film de mise en scène – plus particulièrement sur la mise en scène de soi. Cela fonctionne à différents niveaux, en premier lieu au sujet de Natalie Portman, pas vraiment transformée/grimée en Jackie Kennedy (pas de maquillage ostensible par exemple) mais qui, le temps de certains plans, fait une troublante illusion. La mise en scène de soi également lorsqu'on ne s'appartient plus : Jackie a littéralement un rôle à tenir. Le président n'est plus qu'une huile sur toile. Elle vide le théâtre de la Maison Blanche : poupées, vieux vases. Des mannequins à son effigie sont trimballés dans la ville. C'est l'élégie du président à laquelle Jackie assiste, tandis qu'on regarde la sienne, alors qu'elle semble presque enterrée vivante ou mise sous verre. Le résultat est déroutant mais indéniablement brillant.