Island (The)

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Island (The)
The Island
États-Unis, 2005
De Michael Bay
Scénario : Alex Kurtzman, Roberto Orci, Caspian Tredwell-Owen
Avec : Sean Bean, Steve Buscemi, Michael Clarke Duncan, Djimon Hounsou, Scarlett Johansson, Ewan McGregor
Durée : 2h12
Sortie : 17/08/2005
Note FilmDeCulte : ******
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En 2019, Lincoln Six Echo fait partie d’une population de survivants vivant dans un institut régularisé dont le seul échappatoire est l’île, une destination de rêve vers laquelle sont envoyés les chanceux tirés au sort par une loterie régulière. Cependant, la curiosité de Lincoln va le mener à découvrir la vérité cachée derrière ce monde parfait.

LE COBAY

En 1998, Steven Spielberg était invité chez Bernard Pivot à l’occasion de la sortie d’Il faut sauver le soldat Ryan. Répondant à une question concernant les nouveaux cinéastes qu’il considère intéressants, le metteur en scène citait Michael Bay en soulignant qu’il possédait "une vision unique". Détracteurs et défenseurs du réalisateur d’Armageddon ne peuvent qu’être d’accord avec Spielberg tant Michael Bay a marqué de sa patte chacun de ses films, créant un univers extraordinaire magnifié par une mise en scène emphatique. Il n’était donc pas étonnant d’apprendre que le patron de Dreamworks avait appelé lui-même Bay pour lui proposer le scénario original de The Island, offrant de l’acheter pour lui. Après cinq films réalisés sous la tutelle du producteur Jerry Bruckheimer, tout le monde était curieux de voir ce qu’allait apporter cette nouvelle collaboration. Au vu du résultat final, il va sans dire qu’il s’agit d’une évolution indéniable. Spielberg et The Island tirent Bay vers le haut. Le scénario est probablement le meilleur avec lequel il lui ait été donné de travailler. Malgré un manque d’originalité (l’histoire évoque tour à tour L’Âge de cristal, Soleil vert, Le Fugitif, Le Prisonnier, Matrix, Minority Report, ou encore le roman Frères de chair de Michael Marshall Smith) et quelques longueurs (la structure n’alterne pas toujours très bien exposition et action), le récit est développé de manière carrée et propice à la mise en forme la plus intéressante que nous ait offert l’auteur jusqu’à présent.

TO BAY OR NOT TO BAY

Dans un premier temps, et cela saute aux yeux, on constate que Michael Bay s’est calmé. Son nouvel opus est son film le plus mesuré depuis Rock, son chef-d’œuvre. Il faut voir comment, narrativement et esthétiquement parlant, il prend son temps, dans la première heure du film, pour situer l’histoire dans l’univers aseptisé de l’Institut où vivent les clones. Les cadres sont droits, la caméra bouge lentement, les mouvements amples ne sont que très rares. Murs blancs, vitres géants et béton envahissant créent un monde froid, rectiligne, où rien ni personne ne sort du rang. L’esthétique ne change qu’en deux points et Bay annonce cette dualité dès la première scène. En effet, en guise d’ouverture du film, on assiste à un rêve qui tourne au cauchemar, où l’imagerie publicitaire chère à Bay cède très vite la place à une forme plus brute, presque laide. Plans très serrés et filmés à l’épaule, créant chaos et confusion, succession très rapide d’images, quasi-subliminales, saturation. Comme Tony Scott, l’un de ses pères spirituels, Bay s’amuse à casser sa propre iconographie du beau. Ainsi, initialement, l’esthétique léchée de l’auteur représente l’aspect illusoire de l’île-titre, Terre Promise aux pensionnaires de l’Institut. Par la suite, lorsque les deux protagonistes principaux s’évaderont, la mise en scène adoptera leur point de vue, celui de personnages qui découvrent le monde avec des yeux d’enfants. Tout en restant dans un même domaine visuel, le réalisateur évolue d’un bout à l’autre de sa dimension esthétique, ajustant son style aux exigences de l’histoire, le justifiant ainsi plus qu’auparavant dans sa filmographie. Nous ne nous trouvons pas ici en présence d’un Pearl Harbor dont le sujet ne se prêtait pas au prisme magnifiant du cinéaste.

MAJORITY REPORT

En apparence, il serait facile de limiter The Island à rien de plus qu’une autre œuvre emphatique du père Michael mais en réalité, le metteur en scène fait preuve ici d'une maturité toute autre que dans ses précédents films. Le film ne recule pas devant une certaine violence, une certaine cruauté, qu'il s'agisse de l'intrusion de la réalité dans le monde carré des clones ou bien de leurs propres actes. De l’autodéfense à la réaction d'enfants qui ne mesurent pas leurs actes. Mais c’est surtout un potentiel sous-texte qui se cache dans le film. Outre la question bioéthique posée par le postulat de départ, on remarque quelques allusions que l’on ne peut ignorer, sans se risquer à les sur-interpréter. Ainsi, on notera une silhouette identique à celles des tours jumelles du World Trade Center, qui symbolise dans le film même l’Institut à détruire. La loterie tirant au sort les pensionnaires que l’on envoie sur l’île rêvée n’est pas sans évoquer la célèbre loterie de la Carte Verte décernée aux vainqueurs et permettant l’accès aux Etats-Unis et donc au Rêve Américain. L’île s’avérant factice, qu’en est-il du Rêve Américain? Et puis il ne faut pas oublier cette remarque appuyée concernant le Président des Etats-Unis ("C’est un crétin"). The Island se hisse quelque peu au-dessus du rang de blockbuster anodin. Le film n’est pas parfait (quelques dialogues peu subtils: explications didactiques ou humour pas toujours fin) mais fait preuve d’une renaissance pour un cinéaste qui s’était légèrement égaré ces derniers temps. Comme en témoignent les grandioses séquences d’action, Michael Bay s’est surpassé avec cet essai extrêmement riche, naviguant à travers les codes de la science-fiction, du film carcéral et du blockbuster, multipliant les détails jouissifs et les personnages attachants. Espérons que l’échec du film au box-office ne freine pas l’évolution de son auteur maintenant qu’il est sous l’égide de Steven Spielberg.

par Robert Hospyan

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