Into The Wild
États-Unis, 2007
De Sean Penn
Scénario : Jon Krakauer
Avec : Marcia Gay Harden, Emile Hirsch, William Hurt, Catherine Keener, Jena Malone
Photo : Eric Gautier
Musique : Eddie Vedder
Durée : 2h27
Sortie : 09/01/2008
Tout juste diplômé de l'université, Christopher McCandless, 22 ans, est promis à un brillant avenir. Pourtant, tournant le dos à l'existence confortable et sans surprise qui l'attend, le jeune homme décide de prendre la route en laissant tout derrière lui.
Le Retour à la terre
"Je me suis rendu dans les bois parce je voulais vivre délibérement, ne faire face qu'aux faits essentiels de la vie", Henry David Thoreau dans Walden ou la Vie dans les Bois. Des Voyages de Sullivan de Preston Sturges à Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, en passant, bien sûr, par les chefs d'oeuvre panthéistes de Terrence Malick, le cinéma américain regorge d'oeuvres inspirés par les écrits du philosophe abolitionniste, auteur du fondateur La Désobéissance civile. On comprend aisément ce qui a fasciné Sean Penn dans le récit des aventures de Christopher Johnson McCandless, étudiant d'aujourd'hui qui se destinait à une grande carrière d'avocat avant de prendre la route et d'abandonner tous signes extérieurs de richesse. Outsider mal dans son élement à Hollywood, le réalisateur de The Pledge a souvent rêvé de prendre les mêmes chemins de traverse, de tout plaquer pour se ressourcer loin du grand Barnum médiatique de la Côte Ouest. Depuis The Indian Runner, son premier film, il ne parle finalement que de lui et de sa difficulté à s'intégrer à la communauté humaine en faisant fi des tourments du passé. Christopher Johnson McCandless est donc un nouveau double fantasmé et l'évidence foudroyante du film vient de l'opposition entre la candeur affirmée du héros et la rage refoulée qu'il exprime sans cesse contre son ancien masque social et familial imposé par ses parents. Les plus belles scènes sont peut-être là, dans les tentatives des nouveaux amis de Christopher de le remettre sur le "droit" chemin ou dans la marche matinale de son père étranglé par le chagrin.
Easy Walker
Pour raconter la vie de son jeune personnage principal, Sean Penn choisit de multiplier les flash-backs et d'isoler sa vie solitaire en Alaska des différentes rencontres qu'il effectue sur la route le menant à sa destination finale. Il évite ainsi le suspense sur le résultat de sa quête spirituelle pour se concentrer sur l'humain. Si la société est dure et sans merci, l'homme, lui, est prêt à aider son prochain, de la maman hippie attendrie (sublime Catherine Keener) au menuisier retraité. Mais le discours du film, aussi beau soit-il, ne cache pas une certaine désespérance. Malgré toute sa volonté, Christopher ne peut vivre éternellement seul et sans attache en marge du monde. Le paradoxe d’Into the Wild est là. Film sur le retrait d’un individu du jeu sociétal, il inonde le spectateur de son humanisme et du besoin de s’ouvrir aux autres. La nature américaine est l'autre héroïne du film. Magnifiée par la photographie du Français Eric Gautier (Carnets de voyage), elle évoque un paradis perdu et à jamais indomptable. Into the Wild n'est donc pas l'exposé bobo des bienfaits d'un trekking en terre inconnue, juste le dernier film lyrique d'un réalisateur sensible et torturé qui devrait être un magnifique président du jury lors du prochain Festival de Cannes.
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La musique est signée du leader de Pearl Jam, Eddie Vedder, ami du cinéaste.