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Her
États-Unis, 2013
De Spike Jonze
Scénario : Spike Jonze
Avec : Amy Adams, Rooney Mara, Joaquin Phoenix
Durée : 2h06
Sortie : 19/03/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de 'Samantha', une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…

BONHEUR ORDINATEUR

Clippeur émérite, Spike Jonze a fait un grand splash au cinéma dès son premier essai avec Dans la peau de John Malkovich, comédie absurde en même temps que drame grinçant où le rire et le malaise se mêlaient de manière assez magistrale. Malkovich Malkovich ? S'il y a de très bonnes raisons de pouffer devant le premier long métrage de Jonze, il y a aussi une blessure béante en ses personnages qui préféraient vivre par procuration dans la peau d'un autre plutôt que de moisir dans leur peau à eux. Si Dans la peau de John Malkovich est drôle, il est aussi terriblement cruel. Ce malaise dans le monde, cette amertume des héros désenchantés se retrouvent dans les films suivants du cinéaste. Mais à chaque fois, l'univers semble plus doux, moins violent - en apparence. Adaptation. reste dur mais il ressemble moins à un vertigineux mauvais rêve que Malkovich, tandis que Max et les Maximonstres est vrai-faux film pour enfants finalement assez déprimant. Sous les peluches, le cafard. Her suit la même direction, et l'hésitation n'est plus, cette fois, entre rire et malaise comme dans Malkovich, mais entre le malaise et une atmosphère encore plus douce, toujours plus cotonneuse; comme si les personnages de Jonze ne pouvaient se défaire de ce mal-être, dans le cauchemar de son premier film comme dans la romance de son dernier long.

Dans la peau de John Malkovich était sombre, chaotique, étouffant, écrasant, avec ses demi-étages et ses trips claustrophobes. Her est en apparence doux comme un agneau, lisse comme un bel écran neuf, le trou noir de l'esprit de Malkovich a laissé place à de chaleureuses lumières roses et rouges. Le modeste Theodore Twombley (interprété par un Joaquin Phoenix remarquable) vit presque comme les hikikomori japonais qui restent cloitrés chez eux, coupés du monde. Sauf que Theodore sort, a des amis, c'est simplement son histoire d'amour qui est une histoire d'enfermement: il tombe amoureux de la voix de son ordinateur. La première surprise du scénario est que ceci ne semble pas... si surprenant. Il y a une douce tristesse dans ce personnage qui trouve l'amour où il peut, dans une ville légèrement futuriste où, de toute façon, tout le monde a l'air de parler tout seul dans la rue, accroché à une oreillette. Saluons à ce sujet le magnifique travail de la direction artistique qui, en de subtils détails, parvient à rendre ce monde futuriste plus palpable et concret que bien des films de SF à budget géant.

Ville futuriste, mais questions tout à fait actuelles. Jonze n'en est pas à juger l'amour virtuel de son héros. Au contraire, cet amour est beau, vivant, exalté, sensible comme les réminiscences amoureuses de Theodore montrées en quelques montages muets. Her parle plutôt de la fragilité des liens humains comme de la mémoire numérisée, de la façon dont un sentiment extraordinaire peut naitre en un échange sur le net, de ce que l'on est prêt à projeter - le béguin de Theodore ne serait pas si différent aujourd'hui s'il parlait à une "vraie" personne sur un chat ou un site de rencontre. Mais Jonze pousse cet exemple jusqu'à l'abstraction - une amoureuse qui ne serait qu'un programme informatique. La question de vivre ou pas par procuration comme dans Malkovich appartient au passé, tout cela est accepté. Amy Adams (géniale et méconnaissable) semble incarner un prolongement du personnage de Cameron Diaz qui aurait finalement, et si l'on peut dire, bien tourné. On se projette évidemment dans les jeux vidéos, on arrive aussi à faire l'amour sans pénétrer qui que ce soit. Cette résignation parfaitement assumée, volontaire, participe à l'étrange beauté de Her, concentré de profonde mélancolie teinté de rose layette.

par Nicolas Bardot

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