Harry Potter et l'Ordre du Phénix
Harry Potter and the Order of the Phoenix
États-Unis, 2007
De David Yates
Avec : Watson
Durée : 2h18
Sortie : 11/07/2007
Alors qu'il entame sa cinquième année d'études à Poudlard, Harry Potter découvre que la communauté des sorciers ne semble pas croire au retour de Voldemort, convaincue par une campagne de désinformation orchestrée par le Ministre de la Magie Cornelius Fudge. Celui-ci impose de plus à Poudlard un nouveau professeur, Dolorès Ombrage, chargée de maintenir l'ordre à l'école et de surveiller les faits et gestes de Dumbledore.
… et de cinq.
Débarquée il y a maintenant près de six ans sur les écrans, la saga Harry Potter entame à présent sa lente progression vers une conclusion attendue de pied ferme. Alors que le dernier des sept tomes écrits par J.K. Rowling s’apprête à sortir et à mettre fin aux aventures du jeune sorcier, nous retrouvons Poudlard et le monde de la magie pour une cinquième fois. Jusqu’à présent, des quatre volumes transposés à l’écran, l’expérience ne s’était avérée qu’à moitié réussie. Avec les deux premiers, Chris Columbus a donné naissance à la charte visuelle qu’adopterait et revisiterait fidèlement la série même lorsqu’elle fut reprise par des réalisateurs différents tel qu’Alfonso Cuaron et Mike Newell pour les deux derniers films. Qu’en est-il de ce cinquième essai? Considéré par beaucoup de fans comme l’ouvrage le plus faible de Rowling, inutilement long et globalement exempt d’événements, le livre donnait l'impression d'un long épisode de transition entre le quatrième chapitre, qui change la donne, et le sixième, où jamais la fin n’a paru si proche. Si le film est à l’image de son modèle, il fait néanmoins preuve d’un travail d’adaptation fort réussi. Taillant allègrement dans le récit, de manière à passer très vite sur ce qui passe au sein de l’école même, le scénariste comprend qu’il n’y a nul besoin de s’éterniser à élaborer ces séquences et en extrait les quelques moments sympathiques essentiels. Mais c’est davantage au niveau de la mise en scène qu'il faut regarder pour découvrir un nouveau talent, David Yates, issu de la télévision britannique.
Dedicated to the youth in whom the quest for truth survives
Conscient de l'universalité proposée par l'univers de Rowling, le scénario exploite une fois de plus au mieux tout ce que l'école de Harry Potter peut avoir de commun avec notre propre scolarité à tous. Ainsi assisterons-nous à la persécution des élèves par une prof tyrannique, et à l’insubordination qui s’ensuit, notamment par le biais d’entraînements clandestins de sorciers en herbe. Ce thème était apparu, tardivement, à partir du troisième film, avec une approche "réaliste", tant formellement qu’à l’écriture, où les altercations entre élèves paraissaient plus naturelles, et avait été très habilement poursuivi dans le film suivant, en s'attardant notamment sur les rapports sentimentaux entre adolescents. Ici, Yates et Goldenberg (le nouveau scénariste remplaçant Steve Kloves) évoquent un autre aspect de notre si tendre puberté: la rébellion contre l'autorité. A mettre en parallèle avec une illustration imagée de la crise de l'âge ingrat, avec tout ce que cela comporte de questions que l'ado se pose sur soi, ses sautes d'humeur, son isolation des autres, etc. A ce titre, la première séquence semble extraite d’un croisement improbable entre le cinéma de Ken Loach et l’univers de Harry Potter. Durant ces quelques premières minutes, Yates présente une certaine parenté avec Cuaron. Il n'oublie jamais d'ancrer son film dans le réel. Voir les sorciers voler en balai au-dessus du panorama fort reconnaissable de Londres apporte non seulement une valeur ajoutée à l'univers (qui s'enrichit une fois de plus avec la découverte des arcanes du Ministère de la Magie) mais annonce également qu'on se dirige vers des heures plus graves. Voldemort est de retour et ce n'est plus le seul monde des sorciers qui est menacé mais bel et bien le nôtre...
Nightmare on privet drive
Une introduction puissante qui annonce d’entrée la présence d’une personnalité aux commandes de l’œuvre. Jusqu’alors, Cuaron était le seul "auteur" de la franchise et si Newell avait fait du très bon boulot, son approche se limitait en somme à du Columbus "de luxe". Avec David Yates, on sent dès les tout premiers plans un point de vue plus original (qui va d'ailleurs s'effacer quelque peu par la suite, contribuant à l'effet "ventre mou" que présente le film, avant de réapparaître, splendide, lors du dernier acte). On sent la patte de quelqu’un derrière la caméra. On navigue lors de cette scène d’ouverture, et par extension à travers le premier acte, entre rêve et réalité. Il y a une qualité autre, étrange, pour ne pas dire onirique, qui en émane. On croirait à un cauchemar et quand on sait que les cauchemars de Harry composent une part importante de l'histoire, ce n'est pas étonnant. Conférer une telle atmosphère à l'ensemble du film est doublement une bonne idée, vu que cela permet également de pallier à l'absence d'action d'une grande partie du récit. De ce point de vue-là également, Yates prouve qu’il a compris de quoi il parlait et qu’il savait comment s’y prendre. Depuis le deuxième opus, l’univers Harry Potter entretient avec son propre passé une relation intime dans les histoires de Rowling. On y traverse souvent la mémoire d’autrui par le biais de divers artefacts magiques, un journal intime ensorcelé ou bien encore la Pensine, collectionneuse de souvenirs. Dans ce cinquième volet, le metteur en scène se permet même de réutiliser des images des quatre précédents films afin d’approfondir ce thème à l’écran. On pourra déplorer certains détails de l'adaptation (l'histoire entre Harry et Cho et la scène-clé des frères Weasley sont bâclés) mais Yates fait preuve d’inventivité et de maîtrise dans le traitement d’un roman dénué d’événements. Si le deuxième tiers du film s'avère malheureusement le plus faible, le climax délivre toutes ses promesses et la transition est assurée avant un sixième épisode, à nouveau dirigé par Yates, que l’on attend avec confiance.