Dark Horse
États-Unis, 2011
De Todd Solondz
Scénario : Todd Solondz
Avec : Justin Bartha, Selma Blair, Mia Farrow, Jordan Gelber, Christopher Walken
Photo : Andrij Parekh
Durée : 1h24
Sortie : 29/08/2012
Abe, la trentaine, s'accroche à son adolescence et notamment à la collection de jouets qui décore sa chambre. Il vit toujours chez ses parents, travaille pour son père qui le considère comme un loser et passe ses soirées à jouer avec sa mère au backgammon. Lorsqu'Abe rencontre Miranda, trentenaire déprimée revenue vivre chez ses parents, il entrevoit la possibilité d'une grande histoire d'amour et parvient à la convaincre de l'épouser. Alors que le couple prépare cette nouvelle vie, Abe est en proie au doute et au manque de confiance en lui qui le minent depuis l'enfance.
DARK SHADOW
Dark Horse est ma comédie la plus triste. C’est par ces mots que Todd Solondz choisit d’introduire son nouveau long-métrage. L’oxymore surprendra surtout ceux qui ne sont pas familier avec le ton bien particulier du réalisateur américain. Mais le film lui-même surprendra peut-être encore plus tout ceux qui sont restés sur l’image d’un Solondz acide période Happiness, comédie qui l’a autant révélé que trop vite catalogué comme moralisateur cynique. Même parmi ces admirateurs, tout le monde n’a semble-t-il pas retenu que la mélancolie a toujours eu une part importante dans son œuvre (ses protagonistes n’ont cesse d’aller toujours vers les autres pour combler une béance affective), et que depuis Storytelling et Palindromes, il a enrichi sa palette réaliste d’une dimension plus poétique. On ne peut plus se cacher derrière le malentendu que Solondz méprise ses personnages, quand ceux-ci sont devenus au fil de ses films, de plus en plus émouvants.
Dans un premier temps, on éprouve pourtant devant Dark horse une surprenante… absence de surprise. Pas de déception, mais on croit avoir déjà croisé plus d’une fois ce personnage d’adulte taciturne jamais sorti de l’adolescence (comme issu tout droit d’une bd de Daniel Clowes), ou cette jeune femme polytraumatisée (Selma Blair qui semble jouer le rôle de Katie Holmes). On pense pouvoir dérouler à l’avance le scénario et on a tort, car cette impression de déjà vu s’estompe assez rapidement. D’abord en se teintant d’une tristesse effectivement assez franche, et qui prend de court. L’incapacité du héros à s’adapter au monde qui l’entoure est plus pathétique que comique, et il fallait tout de même oser miser sur un protagoniste aussi peu aimable (peut-être le moins facilement aimable de sa filmo) et parvenir à le rendre émouvant malgré tout. Mais là où le film déraille (au meilleur sens du terme) et surprend le plus, c’est dans sa façon de faire écho à l’une des toutes meilleures scènes (à la fois hilarante et glaçante) de Bienvenue dans l’âge ingrat. Dans celle-ci, la jeune Dawn parvenait à sa propre surprise à résoudre une enquête, sauver une vie, ressouder sa famille, conquérir le garçon de ses rêves et devenir le centre d’attention. Tous ces miracles s’enchainaient en quelques secondes…juste avant qu’elle ne se réveille en sursaut. La solution à tous ses problèmes n’était qu’un rêve.
Sans en dire trop, Dark Horse fait en effet lui aussi appel aux rêves et à l’imaginaire, et donne ainsi à voir ses toutes meilleures scènes (dont il vaut évidemment mieux garder la surprise). Mais tout comme la fugue ou l’écriture dans ses précédents long-métrages, l’imaginaire n’est chez Solondz qu’une fausse porte de sortie, une impasse de plus plutôt qu'un remède miracle. Au final Dark Horse est le film le plus surprenant de son auteur, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Une oeuvre habile, parfois tordante mais également bien plus émouvante qu’il n’y parait, qui glisse entre les doigts mais reste longtemps en tête. Ceux qui n’attendent de Solondz qu’un éternel remake d’Happiness en seront pour leurs frais : son écriture s’est affinée, a évolué vers l’amertume.