DECES: Philippe Noiret (1930-2006)

DECES: Philippe Noiret (1930-2006)

Un grand nom du cinéma français nous a quitté. L'immense acteur de La Grande Bouffe et du Vieux Fusil est décédé ce 23 novembre 2006 à l'âge de 76 ans des suites d'une longue maladie.

Un grand nom du cinéma français nous a quitté. L'immense acteur de La Grande Bouffe et du Vieux Fusil est décédé ce 23 novembre 2006 à l'âge de 76 ans des suites d'une longue maladie.

PHILIPPE LE BIENHEUREUX

D’abord une voix. Grave et mélancolique au timbre particulier. Puis une présence, élégante et rassurante. Plus que quiconque, Philippe Noiret incarnait le septième art et sa tragique disparition affecte bien au-delà du cercle des professionnels de la profession. Elle touche à l’intime. Noiret était un peu l’oncle préféré des Français, une figure familière et appréciée de tous. Sa filmographie donne le vertige. 50 ans de métier, 125 films, 2 Césars, sans compter une fructueuse carrière au théâtre. C’est sur les planches qu’il fait ses premiers pas. C’est sur les planches qu’il tire sa révérence. Après une jeunesse d’école buissonnière dans la région toulousaine, il monte à Paris comme un collégien sans histoire, dernier de la classe déjà doué pour les chemins de traverse. Ses deux bonnes étoiles s'appellent Jean-Pierre Darras et Henry de Montherlant; ils le prennent en charge et le forment au dur métier de comédien. De 1953 à 1960, au sein de la troupe du Théâtre National Populaire de Jean Vilar et Gérard Philippe, il interprète les plus grands personnages du répertoire classique, tout en continuant les duos comiques avec son ami Jean-Pierre Darras. C’est à cette période qu’il rencontre la femme de sa vie, Monique Chaumette. Les Côtelettes de Bertrand Blier lui font retrouver le goût des planches. Sa dernière pièce en date, Love Letters avec Anouk Aimée, était un franc triomphe.

MONSIEUR CINEMA

Agnès Varda, Bertrand Tavernier, Francesco Rosi, Marco Ferreri, Jean-Pierre Rappeneau, Louis Malle, Alfred Hitchcock, Claude Chabrol et bien d’autres. Philippe Noiret a tourné sous la direction des plus grands noms du cinéma européen, alternant films d’auteur et films de divertissement sans jamais renier l’un ou l’autre. Quand Alexandre le bienheureux de Yves Robert l’invente aux yeux du grand public français en génial roi de la farniente en 1968, il a déjà une belle trentaine de films à son actif et peut se targuer d’une belle notoriété en Italie, son pays d’adoption cinématographique. Véritable caméléon, il passe sans effort d’un registre à l’autre, capable de s’enivrer jusqu’à la mort dans La Grande Bouffe de Marco Ferreri, de tenir le rôle d’un flic corrompu et roublard dans la trilogie des Ripoux de Claude Zidi, ou bien d’incarner le poète Pablo Neruda dans Le Facteur de Michael Radford. Dans ce petit chef-d’œuvre d’humour et de romantisme, il donnait la réplique au prodigieux acteur italien Massimo Troisi, décédé en 1994 d’un arrêt cardiaque. Nul doute que les deux amis auront des choses à se raconter au paradis des grands hommes.

DIEU EST UN FUMEUR DE HAVANE

Sa famille de cinéma est peuplée de noms illustres qui ravivent un temps où les films n’étaient pas que des produits de consommation lambda. Ses fidèles amis, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle, avec lesquels il tourne de nombreux films dans les années 70 (et qu'il retrouve plus tard dans Les Grands Ducs de Patrice Leconte) partageaient son goût pour la distance ironique et l’exigence. Ce n’est pas un hasard si l’acteur joyeux luron anar n’a jamais eu la carte des critiques. Il n’appartient à aucune chapelle, fidèle à une unique ligne de conduite: le coup de cœur pour un auteur. Après avoir aidé Bertrand Tavernier à monter son premier film, L’Horloger de Saint-Paul, il lui restera toujours fidèle. Ce couple de cinéma donnera neuf mémorables morceaux de bravoure, dont Que la fête commence (1975), Le Juge et l'assassin (1976), Coup de torchon (1981), La Vie et rien d'autre pour lequel il reçoit un second César en 1990 (après celui obtenu pour Le Vieux Fusil de Robert Enrico) et enfin La Fille de d'Artagnan (1994). Et pour clore ce portrait élégiaque, une citation parmi tant d’autres qui illustre l'humanité du bonhomme. "Que possédez-vous de plus cher?", lui demande un journaliste curieux. "Ce que j'ai de plus cher, je ne le possède pas. En l'occurence, Monique ma femme, Frédérique ma fille. Et mes petits-enfants, Deborah et Samuel", répond Noiret. La classe. Tout simplement.

par Yannick Vély

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