Chapitre 27
Chapter 27
États-Unis, 2007
De Jarrett Schaefer
Scénario : Jarrett Schaefer d'après Let me take you down de Jack Jones
Avec : Judah Friedlander, Jared Leto, Lindsay Lohan
Photo : Tom Richmond
Musique : Anthony Marinelli
Durée : 1h40
Sortie : 23/04/2008
New-York, décembre 1980. Les derniers jours de Mark Chapman, avant qu’il n’assassine John Lennon.
THE KILL
Lorsque le 8 décembre 1980 disparaît John Lennon, l'ex-chanteur des Beatles est dans une sorte d'apothéose de sa carrière. Il est devenu cette icône mondiale de la paix et représente presque la plus grande star que la musique ait jamais connu. Il est alors intéressant de voir qu’aujourd'hui, pour jouer son assassin, Jarrett Schaefer a fait appel à Jared Leto qui, outre son potentiel d'acteur sans cesse confirmé, est en train de faire son trou dans le monde de la musique grâce à son groupe 30 Seconds To Mars dont le succès est quasi phénoménal. Devons-nous voir dans l'interprète de Mark Chapman une métaphore sur une star de la musique actuelle assassinant l'ancienne icône ? La question est en tout cas posée. Et, au delà ce ce questionnement, il est interressant de voir que plus qu’une analyse du fait, Schaefer oriente son film vers le pourquoi plutôt que sur le comment. Pourquoi un homme fan des textes pacifistes de Lennon et des écrits fascinants de J.D. Salinger décide de commettre l’irréparable ? Pourquoi un homme qui se cherche ne trouve le salut que dans cet acte sans retour. En quelques mots, comment le destin d’un homme qui cherchait juste sa voie, un but dans sa vie et à se faire aimer est devenu la personne la plus haïe de ce début des années 80. La réponse, le réalisateur en propose une certaine version en s’alignant sur les dires du criminel un brin mythomane qui a toujours clamé avoir trouvé un alter ego dans le personnage de Holden Caulfield, héros du roman L'Attrape-cœurs. D'ailleurs, Schaefer fait du livre de Salinger un leitmotiv imagé puisque son film pourrait être ce fameux 27e chapitre (à défaut d'être une adaptation officieuse) que le roman ne possède pas, une sorte d'épilogue live, une épitaphe devenu réelle puis adaptée sur grand écran.
CHRONIQUE D'UNE MORT ANNONCÉE
Chapman est ainsi magistralement interprété par un Jared Leto effarant de mimétisme, habité par une voix granuleuse et une carcasse (il a pris 30 kilos pour le rôle) qu'il trimballe dans tous les plans et tous les instants. Le comédien incarne le fantôme d'un homme en sursis, déambulant dans un monde qui lui est étranger et qui ne le connaît pas, accompagné du guide du parfait paumé sous le coude, en citant son alter ego de papier lorsqu'il en éprouve le besoin (l'intro du film se fait même sur le fameux questionnement autour des canards et des lacs gelés en hiver, après avoir repris texto la première phrase du roman: "Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la première chose que vous allez demander c’est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d’enfance, et ce que faisaient mes parents avant de m’avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j’ai pas envie de raconter ça et tout."). Et au fur et à mesure de ses tribulations, Leto devient cet homme déprimé, instable, qui se laisse submerger par ses fantasmes et le dégoût qu'il éprouve pour son existence banale. L’Attrape-coeurs a certes libéré ses démons, mais lui a fait perdre pied avec la réalité et l'a emmené vers l'irréparable. Plus qu'une tranche de vie sur un homme désespéré et inexistant, Schaefer raconte donc les derniers instants de son anti-héros, qui perd peu à peu pied avec la réalité, et montre simplement mais justement - même si l'on pourra reprocher par moment un ton parfois un peu trop solennel - ce qui n'est jamais visible, à savoir un mal-être profond chez un être humain tout ce qu'il y a de plus banal. Et le film de devenir quelque chose comme un journal intime filmé, une sorte de témoignage visuel des derniers instants d’un homme et de ses premiers émois intimes avec l’Histoire.
En savoir plus
Le roman L’Attrape-coeurs, écrit à la première personne, relate la période où Holden Caulfield, expulsé du collège Pencey Preparatory trois jours avant les vacances de Noël, retourne à la maison familiale à New-York. Il déambulera en ville avant de devoir annoncer la nouvelle à ses parents. Âgé de dix-sept ans, Holden est plein d’incertitudes et d’anxiété, à la recherche de lui-même. Il vit son passage à l'âge adulte et comprend qu'il perd l'innocence de l'enfance. L'une des plus belles images de l'auteur pour exprimer ce passage est lorsque Holden demande au chauffeur de taxi où vont les canards lorsque l'étang gèle. Salinger dans ce roman décrit avec ironie et justesse la société américaine des années 1950.