Benedetta

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Benedetta
France, 2021
De Paul Verhoeven
Scénario : Paul Verhoeven
Avec : Virginie Efira, Olivier Rabourdin, Charlotte Rampling, Lambert Wilson
Photo : Jeanne Lapoirie
Musique : Anne Dudley
Durée : 2h07
Sortie : 09/07/2021
Note FilmDeCulte : *****-
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Au 17ème siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va changer bien des choses dans la vie des soeurs.

LA CHAIRE ET LE SANG

Dès la première séquence, Verhoeven appose inévitablement sa patte, quand un miracle invoqué par une petite fille semble se produire et que le divin se manifeste via une fiente de moineau. Par ce gag scato, le cinéaste annonce la couleur et son programme exposant par une grossièreté assumée associant le firmament à quelque chose d'aussi médiocre la farce qu'est la foi mais aussi la matrice dans laquelle se forge sa protagoniste, croyant autant à une entité supérieure qu'à elle-même. Et c'est peut-être là son seul véritable péché. Mais un mensonge en est-il un si l'on se ment à soi-même? Surtout dans une institution où tout n'est déjà que jeu et hypocrisie? Véritable thriller politique, Benedetta garde habilement l'ambiguïté jusqu'au bout, porté par une héroïne dans la droite lignée de la Nomi Malone de Showgirls et la Catherine Trammell de Basic Instinct, déjà deux femmes en quête de pouvoir dans un monde d'hommes.

Deux scènes en particulier semblent renvoyer directement à chacun de ces thrillers érotiques susmentionnées de Verhoeven mais Benedetta, malgré son parfum sulfureux de saphisme au couvent, ne cherche jamais à marcher sur le même terrain. Adaptant un ouvrage écrit par une femme et s'adjoignant les services d'une directrice de la photographie, le metteur en scène adopte un autre regard, défait de toute objectification, mais l'ouvrage témoigne de son point de vue à chaque instant. Comme dans La Chair et le sang, l'Eglise est dépeinte comme corrompue par les mêmes bassesses dont l'humain est capable. Cupide, opportuniste et surtout prompte à la fiction, comme l'illustre cette première scène montrant Benedetta adulte en pleine représentation théâtrale. Si la mise en scène est permise pour servir le prêche, qui est en droit d'interpréter une vision comme authentique ou comme affabulation? Dans un premier temps, Verhoeven montre ces apparitions au spectateur comme si nous étions la nonne mais exacerbe leur caractère factice par une esthétique délibérément kitsch. Par la suite, bien que le jeu opéré par Benedetta apparaît plus trouble, le doute demeure sur ce que la jeune femme croit vraiment.

Une chose est sûre, dès lors que l'arrivée de Bartholoméa éveille son rapport à ce corps qu'on lui dit de haïr, parce qu'elle chie sans pudeur et se montre nue, Benedetta croit en elle. Plus qu'une libération sexuelle ou que l'homosexualité, qui paraît d'ailleurs plus opportuniste ou par défaut qu'autre chose, quand la sœur goûte au sexe, elle goûte surtout le sien. Sa propre cyprine semble l'enivrer davantage qu'un désir pour Bartholoméa qui devient de plus en plus accessoire à la satisfaction masturbatoire de sa supérieure. Benedetta se dit épouse de Jésus mais elle porte les stigmates, parle avec Sa voix et suit Son parcours. En un sens, Verhoeven utilise cette figure qui a réellement existé pour raconter la même chose que dans son livre sur Jésus : une démystification explorant l'humain derrière le prophète. Selon son ouvrage, Jésus a existé mais était un simple leader politique. Comme Benedetta en somme, manipulant la foi pour accéder au pouvoir. Un chemin de croix vers l'émancipation mais aussi un miroir aux alouettes. Tel est le constat ambivalent de Verhoeven sur notre monde de pécheurs et pécheresses.

par Robert Hospyan

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