Publié le 16/02/2010

BERLINALE 2010 : Courir, Choisir, Subir

Der Räuber de Benjamin Heisenberg
A la fin des années 80 en Autriche un marathonien fait la une des journées pour des exploits non sportifs mais une série de braquage de banques. L’homme étant si rapide que la police ne pouvait le rattraper. Martin Prinz en a fait un roman et Benjamin Heisenberg maintenant un film. L’histoire de Hans Rettenberger, véritable machine à courir et à braquer. Alors qu’à la surprise générale il gagne le marathon de Vienne les journaux font leur gros titres sur cet inconnu et inconnu il restera. En effet, les spectateurs ne vont rien apprendre de lui sinon qu’au début du film il sort de prison pour braquage, qu’il va vite récidiver et que le reste de son temps est passé à s’entraîner à la course en professionnel. Il est vite clair que ce sont toutes les informations qui seront livrées et que l’essentiel est là. Hans n’a pas de vie, il évolue dans un circuit fermé avec pour seul leitmotiv aller toujours plus loin. Dans la recherche d’endorphines sur la piste et d’adrénaline dans les banques. L’argent n’a aucune importante, seul s le danger, la vitesse d’exécution l’intéressent. Le piège est refermé sur lui et il n’y a aucune issue malgré la liaison qu’il va entamer avec Erika, une ancienne connaissance. Andreas Lust (aperçu dans Revanche) donne un corps et un visage a Hans mais parvient à laisser de côté son âme montrant toute la détermination et le côté strictement mécanique du personnage qui laisse un peu tomber le masque dans les moments avec Erika avant de réaliser que cet aparté est vain pour les deux. Un portrait exigeant.

A Somewhat Gentle Man (En Ganske Snill Mann) de Hans Peter Moland
Hans Peter Moland retrouve la compétition après une première sélection en 2004 avec Beautiful Country. Si ce film n’a pas laissé de profondes traces dans les mémoires, A Somewhat Gentle Man devrait connaître un tout autre destin. Le film s’ouvre sur la sortie de prison d’Ulrik après une sentence de douze ans pour meurtre. Le gardien lui conseille de regarder devant et plus derrière. Devant il ya un immense champ de neige clotûré au loin par de hauts sapins. Le défi est lançé et il lui faudra emprunter bien des chemins de traverse pour pouvoir avancer droit. Passer le pote gangster a l’amitié pas si désintéressée, se venger de Kenny qui l’a envoyé en prison, retrouver douze ans après son fils, lui-même sur le point de devenir père, regarder des émissions de la télévision polonaise dans la chambre qu’il loue en sous-sol, honorer des coïts avec sa logeuse, entamer une possible romance avec la secrétaire du garage où il travaille après avoir démoli son ex-mari ou encore avaler d’innombrables repas. Un scénario bien cousu, sans le moindre fil blanc, un humour scandinave au tranchant acéré particulièrement efficace, et une performance sur mesure de Stellan Skarsgard.

Caterpillar de Koji Wakamatsu
Alors que le lieutenant Kurokawa retourne dans son village en 1940 en pleine guerre du Pacifique, il n’est plus qu’un tronc, ses jambes et ses bras perdus au champ d’honneur. Il est devenue un War God. Bardé de médailles, honoré comme un grand soldat dans son village. Il faut dire que la propagande est très active et l’Empereur a besoin de maintenir le moral de son peuple lui expliquant que la guerre est utile afin de motiver les hommes à partir au combat. La seconde victime de cette tragédie c’est Shigeko, la femme de Kurokawa, qui doit maintenant s’occuper de lui comme le bébé qu’ils n’ont pu avoir, celui-ci ne faisant que dormir et manger. Elle doit également combler son grand appétit sexuel alors qu’elle se tue à la tâche toute la journée. Le film s’étend sur une période de cinq ans jusqu’à la rédition du Japon suivant à la fois la solitude du lieutenant dans son nouveau corps et la nouvelle relation qui s’instaure petit à petit entre sa femme et lui, les hommes ayant normalement le dessus dans les ménages et n’hésitaient pas à être violents avec leurs femmes. Film anti-guerre Caterpillar parle avant tout de ceux restés en arrière qui ont du aussi souffrir de la guerre. Il critique la manipulation de l’Empire avec sa propagande pro-guerre et égratigne les actes des soldats japonais qui n’ont pas tous été de la bravoure. Mélangeant la fiction et les images d’archives (notamment les explosions d’Hiroshima et Nagazaki) Koji Wakamatsu illustre la vie des gens en arrière du front pendant la guerre du Pacifique et les traces que ces évènements ont laissé sur les générations passées et actuelles.

par Carine Filloux

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