BERLINALE 2006: jour 1

BERLINALE 2006: jour 1

C'est sous le signe de la neige que la 56ème édition du festival international du film de Berlin fut officiellement déclarée ouverte. En effet, celle-ci a non seulement fait son apparition sur les trottoirs de la Place de Postdam mais ell

C'est sous le signe de la neige que la 56ème édition du festival international du film de Berlin fut officiellement déclarée ouverte. En effet, celle-ci a non seulement fait son apparition sur les trottoirs de la Place de Postdam mais elle est également présente sur le grand écran du palais des festivals. Elle est l'un des personnages principaux de Snow Cake le nouveau film de Marc Evans (Resurrection Man). S'il est une tâche délicate c'est bien celle qui consiste à ouvrir un festival et nombreux sont ceux qui ont encore en mémoire la demi-déception de l'année passée. Si le film de Régis Wargnier, Man to Man, portant le sceau du chaud soleil de l'Afrique avait été accueilli froidement, la fraîcheur ambiante de l'Ontario ne trouve pas son écho dans les sentiments développés au cours de Snow Cake. Un long métrage qui ne devrait laisser aucun spectateur indifférent.

Snow Cake

Alex Hughes (Alan Rickman) est en route pour Winnipeg afin de tourner la page d'un passé douloureux. En chemin il prend un stop Vivienne (Emily Hampshire), une exubérante jeune fille voulant devenir écrivain. Son rêve prendra fin quelques kilomètres plus tard alors qu'un trente tonne percute la voiture de location d'Alex. Celui-ci totalement sous le choc décide de se rendre chez la maman de Vivienne pour lui expliquer comment les choses se sont passées. Seulement Linda (Sigourney Weaver) n'est pas exactement une maman ordinaire.

Snow Cake c'est avant tout l'histoire d'Angela Pell, la scénariste du film qui s'est inspirée de la vie quotidienne avec son fils autiste pour écrire cette histoire. Elle voulait montrer à quelle point partager le quotidien d'une personne souffrant d'autisme peut- être contraignant mais également plein de petits miracles. Ce film n'a pas pour sujet principal l'autisme, il traite d'une femme unique qui est atteinte de cette maladie, de l'amitié qui va se développer entre Linda et Alex, de l'acceptation de la mort et du chemin à parcourir pour se retrouver en paix avec soi-même et les autres.

Vivienne a juste eu besoin de quelques secondes pour se rendre compte qu'Alex a un gros poids sur la conscience, qu'il a besoin de se libérer. Elle ne se doutait cependant pas qu'elle rajouterait un peu plus à la tristesse déjà ancrée dans le cœur de celui-ci, le forcant pour la seconde fois à pleurer une personne qu'il ne connaît pas. C'est cette fois de trop qui pousse Alex à vouloir rencontrer Linda, il a besoin de se délivrer de cette charge devenu beaucoup trop lourde. Seulement Linda est autiste. Froide et glacée comme la neige recouvrant son jardin. Les sentiments elle ne connaît pas et oui elle sait que sa fille est morte. Le seul souci que cela soulève est de savoir qui va maintenant sortir les poubelles le mardi ? Tâche normalement réservée à Vivienne. Un pragmatisme difficile à accepter pour cet homme qui cherche à se libérer de sa culpabilité.

Heureusement il y a la jolie Maggie (Carrie-Ann Moss) la voisine de Linda. Pas un ange mais entre les deux le courant passe tout de suite et une liaison ne tarde pas à voir le jour. Il trouve entre les bras de Maggie l'attention et la tendresse dont il a tant besoin et qui lui permettent d'affronter le monde de Linda qui telle une enfant ne songe qu'à faire des bonhommes de neige, sauter sur son trampoline ou encore découper les flocons de neige qu'elle fait inlassablement tomber en pluie autour d'elle. La neige est son univers et se retrouve dans tous les coins de la maisons, que ce soit dans sa collection de boules de neige à secouer, accrochées au murs, aux fenêtres en cristallins pendentifs ou encore dans la bouche même de Linda, qui trouve à la neige fondue un goût orgasmique.

Les face-à-face entres les deux sont au débuts terriblement douloureux pour Alex qui a le sentiment de se retrouver face à un mur et est blessée par l'indifférence de Linda devant le drame qui vient de se jouer. Il lui faudra du temps pour la comprendre, entrer dans son monde et alors trouver un terrain de communication qui va sans qu'il s'en rende compte le faire réagir, l'aider à laisser sa personnalité se libérer. Il essayera de ce fait plusieurs fois de parler avec Linda à propos de son premier deuil sans se rendre compte qu'elle n'est pas la bonne interlocutrice, que ce n'est pas avec elle qu'il doit faire le chemin de l'acceptance mais bien tout seul. Les deux deuils n'ayant rien à voir l'un avec l'autre. L'extrême maniaquerie de Linda et son goût prononcé pour l'ordre donneront également lieu à des scènes pleines d'humour et il sera bien difficile pour Alan de quitter Wawa après l'enterrement pour finalement reprendre le chemin de sa vie et rejoindre Winnepig. Il ne saura pas que son séjour aura laissé plus de traces qu'il ne l'aurait soupçonné mais a toutefois compris Linda et lui a offert le seul cadeau capable de la toucher.

Le film est servi par un casting de tout premier choix. Sigourney Weaver a passé un an à faire diverses recherches pour ce rôle. Elle a rencontré des autistes afin de comprendre comment la maladie fonctionne pour pouvoir en reproduire les symptomes de la manière la plus juste possible. Travail en amont couronné de succès. Elle est confondante de vérité, le regard vide, tourné vers son monde intérieur. Une âme d'enfant dans un corps d'adulte a qui échappe toutes réalités. Angela Pell a écrit le scénario avec Alan Rickman en tête qui a tout de suite été séduit par cette douloureuse histoire. Ce tournage fut l'un des plus faciles de sa carrière grâce à l'extraordinaire performance de Sigourney Weaver. Carry Ann Moss prête elle ses jolies épaules pour acceuillir Alan dans un rôle tout en simplicité.

Marc Evans signe un très beau film intimiste. Simple. Sans de spectaculaires effets de caméra dont il n'a de toute façon pas besoin car le scénario est magnifiquement écrit. Un film humain qui parle de choses ordinaires. Du respect de l'autre et de sa différence. Les seules conditions étant de prendre la peine de comprendre et de s'intéresser à ce qui nous échappe car cela peut aussi nous faire avancer. Dommage que ce genre de schéma n'arrive qu'au cinéma.

par Carine Filloux

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