Avengers : L'ère d'Ultron
Avengers: Age Of Ultron
États-Unis, 2015
De Joss Whedon
Scénario : Joss Whedon
Avec : Robert Downey Jr, Chris Evans, Samuel L. Jackson, Scarlett Johansson, Mark Ruffalo
Photo : Seamus McGarvey
Musique : Danny Elfman, Brian Tyler
Durée : 2h22
Sortie : 22/04/2015
Alors que Tony Stark tente de relancer un programme de maintien de la paix jusque-là suspendu, les choses tournent mal et les super-héros Iron Man, Captain America, Thor, Hulk, Black Widow et Hawkeye vont devoir à nouveau unir leurs forces pour combattre le plus puissant de leurs adversaires : le terrible Ultron, un être technologique terrifiant qui s’est juré d’éradiquer l’espèce humaine. Afin d’empêcher celui-ci d’accomplir ses sombres desseins, des alliances inattendues se scellent, les entraînant dans une incroyable aventure et une haletante course contre le temps…
BLOCKBUSTERS : AGE OF SUPERHEROES
L'an dernier déjà, nous remarquions qu'au milieu de la prétendue "overdose" de films de super-héros, les adaptations les plus malignes avaient su se renouveler par le biais d'approches transgenres. Après toutes ces origin stories à formule, Captain America devenait un thriller d'espionnage, X-Men voyageait dans le temps et Guardians of the Galaxy dans l'espace (et le plus raté, The Amazing Spider-Man 2, ne proposait rien de neuf). Cette "valeur ajoutée" peut être simplement thématique - Iron Man 3 ne mélange pas les genres mais proposait une étude plus profonde du personnage éponyme ainsi que de la figure du super-héros que nombre de ses prédécesseurs - elle est tout de même nécessaire pour apporter de la fraîcheur à un genre indéniablement omniprésent. Le problème d'Avengers : Age of Ultron, c'est l'apparente absence de cette valeur ajoutée. À la mécanique bien huilée du premier film, véritable exemple de calibrage parfait de blockbuster, succède donc ce deuxième volet à la fois similaire et complètement différent. Difficile de dire si le film est meilleur tant il trouve ses ambitions ailleurs. Une chose est sûre, il ne faut pas s'attendre à retrouver l'énergie fun qui animait le précédent. Ce n'est en aucun cas un défaut, parce qu'il s'agit d'un choix délibéré de la part de Joss Whedon, mais cette divergence pourrait en déconcerter plus d'un.
IRON LEGACY
Ceux qui réclament de Marvel des films moins légers devraient être ravis de voir Whedon chercher à raconter davantage de choses cette fois-ci. Dans son premier effort, certains personnages avait un nano-arc mais l'écriture se limitait au strict minimum (Stark doit apprendre le sacrifice, Cap doit trouver sa place dans ce nouveau monde, Banner contrôle sa colère mais ne l'a pas encore accepté, Natasha était en quête de rédemption). De plus, le film ne racontait rien en dehors de ça. C'était le gigantesque climax des cinq films qui avaient précédé. Dans l'absolu, Ultron est un antagoniste plus intéressant que Loki. La figure tragique de Thor était devenu un peu un simple "conquéreur de monde" dans The Avengers. De prime abord, le stéréotype de l'intelligence artificielle créée pour sauver l'Humanité, qui raisonne qu'il faut pour cela la sauver d'elle-même, est tout aussi éculé. Mais Whedon parvient à l'habiter en faisant d'Ultron l'incarnation de la volonté pacifiste mais hégémonique des Vengeurs, tout en le caractérisant comme le rejeton de Tony Stark - toute l'analogie "Dark Pinocchio", assez poussée, est plutôt bien vue - ou son double maléfique. À ce titre, si la performance de James Spader, whedonienne donc post-moderne et loin du méchant robot premier degré, déroute au début, elle fait sens dans le casting d'un contemporain de Robert Downey Jr., dégageant lui aussi cette image de mec supérieur et cynique.
AVENGERS 2, LA REVANCHE
Malheureusement, le cinéaste n'évite pas complètement la redite avec la trilogie Iron Man qui avait déjà maintes fois traité l'inquiétude de Stark quant à son legs à ce monde et des conséquences de ses inventions, notamment dans le mésestimé Iron Man 2, avec ce même mécanisme (il créé une technologie, le méchant retourne cette technologie contre lui). D'ailleurs, ce n'est pas le seul moment où le film donne l'impression de répéter des séquences déjà faites, au sein de la licence, voire dans le précédent film même. Si le combat au milieu du film, entre Hulk et Iron Man dans son armure Hulkbuster, est suffisamment jouissif et parcouru d'idées pour dépasser le côté "hé mais y a pas la même scène au milieu du premier Avengers?", Whedon échoue à réinventer le sempiternel climax Marvel où le(s) gentil(s) se retrouve face à l'armée de minions identiques du bad guy (les drones d'Iron Man 2, les Chitauri de The Avengers, les soldats Extremis d'Iron Man 3, les Elfes de Thor : The Dark World et donc les pions d'Ultron ici). En voyant le climax du film Shane Black, où Tony passe d'armure en armure au cours de l'action de façon sans cesse inventive, chaque armure ayant sa spécificité, Whedon avait dit "comment je vais surpasser ça?". Effectivement, il n'a pas réussi.
TEAM AMERICA
Pour autant, l'action ne démérite pas. L''introduction "fin de mission" en mode prégénérique de James Bond - qui semble être le modèle structurel de cette aventure globe-trotteuse - propose d'entrée de jeu une surenchère, avec une référence direct à un plan du précédent mais multiplié à la puissance 1000. Avec Les Indestructibles, Avengers : l'ère d'Ultron est sans doute le film de super-héros illustrant le mieux le propre d'un groupe de super-héros : le travail d'équipe. Chose que les pourtant supérieurs films de la franchise X-Men n'ont jamais vraiment réussi à faire de façon satisfaisante. L'autre tâche qu'il est plus facile d'accomplir en équipe, c'est de dispatcher certains membres pour s'occuper des civils. Ici, il n'y a pas une scène d'action sans que cette question soit une des préoccupations principales des héros, comme en réponse aux reproches faits à Man of Steel. Régulièrement à travers le film figurent ces moments de team up tout bonnement jubilatoires. Et même quand il n'y a pas de team up, Whedon sait comment iconiser ses personnages, comme en témoigne le passage dans l'église lors de ce climax qu'il peine autrement à incarner, là où le climax du premier était porté par l'association tant attendue des Vengeurs et le caractère exutoire d'un Hulk déchaîné. Il n'y a qu'une seule scène d'action dénuée d'intérêt (le camion, dans le ventre mou du film). Elle passe mal après ce qu'a démontré Captain America : The Winter Solider en la matière.
VISION D'ENSEMBLE
La gestion de l'équipe, Whedon la réussit également hors de l'action. Dans l'ensemble, on retrouve cet équilibre entre les personnages digne d'un épisode de Game of Thrones même si Whedon ose mettre les Big Three de côté pour ce film. Stark a tout de même une place privilégiée, de par son rapport à Ultron, et les germes de Captain America : Civil War sont plantées, évidemment, même si Cap est plutôt en retrait. Thor disparaît carrément à un moment, envoyé dans une trame relativement superflue et un peu facile. Hulk/Banner continue d'être vraisemblablement le chouchou de Whedon et c'est son personnage qui bénéficie de l'arc le plus touchant, rendant cette suite plus émouvante que son prédécesseur. Le metteur en scène s'efforce de donner plus de choses à faire à Hawkeye mais, si ces scènes sont le bienvenu, les ajouts paraissent un peu superficiels. Toutefois, ils apportent un peu d'humanité et sont cohérents avec l'autre thématique du film : la possibilité d'une vie normale. Le vrai gâchis est plutôt du côté des Jumeaux Maximoff, assez mal exploités, de façon fonctionnelle. Les illusions créées par Scarlet Witch sont plutôt basiques et dans le duel des Quicksilvers, Bryan Singer remporte le défi haut la main. Par contre, Vision est une grande réussite. En deux fois moins de temps à l'écran, il est mille fois plus incarné. L'heureux hasard d'avoir eu Paul Bettany en JARVIS est incroyablement payant au vu de sa prestation, tout simplement parfaite pour le personnage, qui est superbe.
LA GUERRE INFINIE
Lors de sa première apparition, Whedon prend son temps et c'est souvent dans ces moments-là que le film est le meilleur, le plus attachant, le plus bizarre et donc le plus précieux. Une berceuse et un toucher, une scène de flirt tirée d'un film noir, une scène de camaraderie qui tourne mal, avec un payoff inattendu qui justifie encore plus la scène. Si ce chapitre est clairement moins abouti que le premier, il est aussi plus personnel (Whedon se fait plaisir avec ses persos) et plus audacieux (c'est un des films qui embrasse le plus son parti-pris comic book). Pour la plupart des spectateurs, qu'ils en soient amateurs ou pas, une vérité semble avoir été acceptée : l'univers cinématographique Marvel est un peu comme une gigantesque série TV sur grand écran. À l'instar de la saga James Bond, la licence Marvel est, par définition, une franchise de producteur, même si elle a bénéficié de quelques metteurs en scène avec tout de même plus de personnalité que la majorité des faiseurs ayant œuvré sur des aventures de 007. Si Avengers : l'ère d'Ultron témoigne toujours de la voix de Joss Whedon, il fait aussi parfois figure d'épisode de transition. Mais des épisodes de transition aussi riches, régulièrement drôles (ceux qui n'ont pas aimé l'humour du premier ne vont pas se réconcilier avec Whedon) et badass, on en veut bien tous les jours.