Au revoir là-haut
France, 2017
De Albert Dupontel
Scénario : Albert Dupontel
Avec : Emilie Dequenne, Albert Dupontel, Laurent Lafitte, Nahuel Perez Biscayart
Photo : Vincent Mathias
Musique : Christophe Julien
Durée : 1h57
Sortie : 25/10/2017
Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l'un dessinateur de génie, l'autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l'entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire..
AVANCER MASQUÉ
Dans un premier temps, l'adaptation de ce Prix Goncourt par Albert Dupontel n'est pas sans rappeler Un long dimanche de fiançailles - la Première Guerre Mondiale, Dupontel et Vuillermoz, l'approche quelque peu fantaisiste - mais en réalité, bien qu'il s'agisse également d'un film choral, les similitudes ne sont que superficielles. Déjà, parce qu'Au revoir là-haut n'est pas un film de guerre ni même un film sur la guerre mais un film sur l'après-guerre. Par le biais de ces quelques destins d'anciens soldats ayant partagé une même tranchée ou de celui d'une petite orpheline, négligeant alors les personnages secondaires (Émilie Dequenne, Mélanie Thierry, Kyan Khojandi), le récit s'articule autour de la thématique de la reconstruction de soi, qu'elle soit littérale, par le biais de chirurgie plastique, qu'on refuse d'ailleurs, ou au sens (dé)figuré, forgée dans le papier mâché de masques changeants et dans la mise en scène à laquelle chacun s'adonne, comme si le mensonge et la vilenie, même chez nos "héros", étaient les seules manières de survivre au retour dans le monde. Ainsi se fabrique-t-on sa famille au détriment de la vraie et retourne-t-on le profit contre les profiteurs de guerre dans cette histoire qui pisse sur les monuments aux morts comme pour réfuter les valeurs du travail, de la famille et de la patrie, pour mieux construire son monument aux vivants.
Formellement, Dupontel a mis les petits plats dans les grands et signe un film avec autrement plus de gueule que le précédent. Adieu l'image de téléfilm et les cadrages hasardeux, place à la photo d'époque et aux cadres de BD, à l'esprit cartoon ou du burlesque muet dans les gags et la gestuelle des comédiens, tous réjouissants. Néanmoins, derrière les mouvements audacieux et les gags millimétrés, c'est la direction artistique qui séduit la rétine et marque de façon indélébile, notamment par la poésie de ces masques qui paraissent citer autant le Judex de Franju que les caricaturistes politiques. Par moments, le cinéaste a du mal à se défaire de son hystérie dans le découpage et l'écriture aussi va trop vite sur certaines sous-intrigues et certains personnages que l'on aurait aimé voir plus approfondi(e)s - cf. le monologue de Dequenne qui arrive comme un cheveu sur la soupe - mais ces quelques imperfections n'enlèvent rien au charme de ce très joli film comme il s'en fait de plus en plus rarement en France.