Alien : Covenant
États-Unis, 2017
De Ridley Scott
Scénario : Michael Green, John Logan
Avec : Demian Bichir, Billy Crudup, Michael Fassbender, Danny McBride, Noomi Rapace
Photo : Dariusz Wolski
Musique : Jed Kurzel
Durée : 2h02
Sortie : 10/05/2017
Les membres d’équipage du vaisseau Covenant, à destination d’une planète située au fin fond de notre galaxie, découvrent ce qu’ils pensent être un paradis encore intouché. Il s’agit en fait d’un monde sombre et dangereux, cachant une menace terrible. Ils vont tout tenter pour s’échapper.
DANS L'ESPACE, PERSONNE NE VOUS ENTEND BAILLER
Bien que les questions sur les origines du xénomorphe créé par Ridley Scott (ou plus exactement par Dan O'Bannon et Ronald Shusett et H.R. Giger) ont toujours occupé l'esprit d'une catégorie de fans, y consacrer un film entier n'était pas indispensable. Néanmoins, le cinéaste a choisi de faire son grand retour au sein de la franchise en s'attaquant précisément à cette idée et le résultat est loin d'avoir convaincu. Alors pourquoi persister avec une suite alors que le précédent n'a pas vraiment cartonné ni été bien accueilli de la presse ou du public? Pourquoi aller jusqu'à laisser Denis Villeneuve réaliser la suite de son autre film culte, Blade Runner? L'obsession de Scott, qui a annoncé récemment avoir plusieurs suites encore prévues, avait de quoi intriguer et témoignait d'une véritable motivation artistique et non simplement vénale. Les rares défenseurs de Prometheus rêvaient qu'Alien : Covenant puisse être ce type de suite dont on dit toujours, en blaguant à moitié, qu'elle viendra donner tout son sens au précédent chapitre un peu foireux. Malheureusement, si le film fait réévaluer Prometheus à la hausse, c'est simplement parce qu'il est encore moins abouti.
Indéniablement pétri de défauts et se perdant dans des circonvolutions aussi bêtes que certains de ses personnages, Prometheus possédait toutefois des qualités admirables. Outre sa beauté plastique, tout ce que le récit déroulait d'un point de vue thématique sur le rapport à la création, à la paternité et à Dieu offrait à quiconque saurait se raccrocher au sublime personnage de David une belle histoire mélancolique sur la déception des pères et des enfants, des créateurs et des créatures. Une préquelle d'Alien ratée mais un film de SF intéressant. Alien : Covenant a beau chercher à corriger les erreurs de son prédécesseur, il n'en demeure pas moins un film toujours le cul entre deux chaises. L'improbable première scène, à l'approche incroyablement sentencieuse, ose donner le ton en renouant avec la tristesse de Prometheus plutôt que de rassurer ceux qui lui reprochaient de ne pas être un vrai Alien...mais le reste du film tente de contenter les déçus en leur donnant ce qu'ils veulent et si le scénario réussit, d'une manière indéniablement sujette à controverse, à lier plus intimement le xénomorphe que l'on connaît avec l'histoire de David, l'ensemble s'avère relativement fonctionnel, dans le traitement et dans l'exécution.
Toutes les scènes de tension ou d'attaques ont déjà été vues et sont rejouées sans inventivité, à la seule différence que cette fois de sales images de synthèse dépourvues de la qualité organique du monstre imaginé par Giger remplacent les costumes de créatures. Aucun morceau de bravoure n'arrive à la cheville de la séquence de la césarienne de Prometheus, digne héritière du Chestburster d'Alien. Une fois de plus, le film ne s'incarne que lorsqu'il s'attarde sur le(s) personnage(s) interprétés par Michael Fassbender et le désir de création de cet esclave condamné à servir et non à procréer, à l'inverse des couples qui composent exclusivement l'équipage du Covenant. Il apparaît évident que c'est ce Lucifer échappé de l'oeuvre de John Milton qui intéresse Scott, qui n'a peur de rien ni d'aucune scène, qu'elle implique une flûte ou un baiser, quitte à faire ricaner les abrutis dans la salle. Par conséquent, il est d'autant plus incompréhensible de voir le cinéaste tomber dans des égarements vulgaires lors du dernier acte, qu'il s'agisse de scènes entières (ce combat échappé de Terminator que personne n'a envie de voir) ou de simples plans (la vue subjective de l'alien et la très mauvaise idée de sa représentation). De toute façon, quand ces passages arrivent, le spectateur a déjà plus ou moins décroché tant la structure parvient presque à ennuyer, le film se limitant, même dans ses meilleures scènes, à de longues plages d'exposition. Il est clair que Scott tenait à raconter les origines du xénomorphe tout en explorant ses éternelles interrogations vis-à-vis de la Création, mais le cahier des charges de la saga lui impose d'inclure des scènes d'horreur et le coeur n'est visiblement plus à l'ouvrage.