Peter Pan
"Tous les enfants grandissent. Tous, sauf un." Peter Pan, c’est lui, cet enfant qui refuse de grandir, celui qui vit dans l'imaginaire des plus jeunes et qui reste caché au plus profond de l'âme des adultes. Nous l'avons tous déjà croisé dans nos rêves sans jamais savoir qui il est vraiment…
PORTRAIT
Peter Pan n'a pas de date de naissance, pas d'âge. Il s'est envolé par la fenêtre de sa chambre alors qu'il n'avait que sept jours après avoir entendu ses parents disserter et planifier son avenir. Il s'est d'abord installé dans les jardins de Kensington, puis est parti vivre avec les fées dans les étoiles, au milieu des pirates, des sirènes et totems colorés. Après l'arrivée de Peter, les demoiselles ailées ont continué à s'occuper des enfants perdus, ceux qui tombent de leurs poussettes quand les nurses ne les regardent pas. Si au bout de sept jours ils n'ont pas été réclamés, ils sont envoyés au Pays Imaginaire. Il n'y a pas de filles parmi les enfants perdus, car d'après Peter elles sont trop intelligentes pour se laisser emporter hors de leur landau. En quittant le monde des "humains" - rempli de contraintes - pour le Pays Imaginaire, Peter est devenu l'Enfant par excellence. Il est à la fois culotté, désordonné, peu respectueux, espiègle, malicieux, coquin, vaniteux, insouciant, inconscient, mais aussi sensible, doux et attentionné. Il aime écouter les mamans raconter des histoires, jouer avec les garçons perdus, défier les pirates, passant sans cesse d'une activité à l'autre sans aucune transition. En un mot, il agit par instinct. De plus, Peter a la taille de tous les enfants, son visage "a la douceur de ces femmes qui n'ont jamais été mères" et ses dents de lait brillent comme des petites perles nacrées. Il apparaît toujours vêtu de feuillages et de résine, accompagné de Clochette, la fée des garçons perdus.
LE PAPA DE TOUS LES PAPAS
Le personnage de Peter Pan a été créé pour des enfants perdus par un adulte qui ne l'était pas moins. En 1897, Sir James Matthew Barrie, écrivain écossais dont le mariage avec l'actrice Mary Ansell s’avère être un échec, rencontre la famille Davies et devient tout de suite le grand ami et confident de leurs cinq enfants. Il aime passer du temps avec eux et leur raconter des histoires de son cru. Peu à peu les contes et petits sketches qu'il invente voient apparaître un personnage récurrent, un enfant qui ne veut pas grandir. A la mort des parents Davies, Sir Barrie prend sous sa responsabilité les cinq jeunes gens et décide de mettre en forme ces aventures. C'est ainsi qu'en 1902, il présente pour la première fois le personnage de Peter Pan au grand public dans une nouvelle intitulée The Little White Bird. Le texte plait énormément aux lecteurs si bien qu’en 1904 Barrie regroupe les sketches écrits pour les frères Davies et publie une pièce de théâtre intitulée simplement Peter Pan – The Boy who wouldn't grow up. On y retrouve Peter qui emmène les enfants Darling avec lui au Pays Imaginaire afin que Wendy lise des histoires aux enfants perdus. La pièce, immédiatement représentée sur scène à Londres, est un franc succès et traverse l'Atlantique en 1905. C'est la grande Maud Adams, spécialiste des pièces de Barrie aux USA, qui tient le rôle de Peter Pan, livrant au public plus de 1500 représentations entre 1905 et 1918. Le personnage de Peter Pan se retrouve à jamais encré dans l'histoire.
EN CHAIR ET EN OS
Peter Pan étant universel, il n'est pas étonnant de voir une évolution dans le personnage, dépendante de l'imaginaire de chacun. Dans la lignée de Maud Adams et pour éviter d'utiliser de trop jeunes acteurs, le rôle de Peter Pan a très souvent été interprété par des femmes (ce que l'on retrouvait au début du film Hook lors de la représentation de la pièce par Maggie Banning, ainsi que dans Neverland). Les prestations les plus mémorables au théâtre sont celles de Sandy Duncan (1979-1980) et de Cathy Rigby (dans les années 90), qui ont toutes deux reçu le Tony Award de la meilleure actrice. On retiendra également les noms de Betty Bronson pour le long métrage de 1924 qui retraçait pas à pas l'histoire de James M. Barrie, Mary Martin pour l'adaptation en comédie musicale de 1954 et de Mia Farrow pour le téléfilm de 1976. En 1991, Steven Spielberg s'est lancé un défi beaucoup plus audacieux, montrer un Peter Pan adulte qui, en se mariant avec la petite fille de Wendy, est devenu un homme sérieux et responsable qui a tout oublié de son passé. Le résultat de la confrontation entre la magie intemporelle du Pays Imaginaire et les problèmes de notre monde est une réelle réussite, le sujet est parfaitement maîtrisé et l'interprétation de Robin Williams est tout à fait convaincante. Un pari réussi. En 2003, une nouvelle adaptation cinématographique réalisée par Paul J. Hogan, avec Jeremy Sumpter dans le rôle titre et Ludivine Sagnier prêtant sa plastique à Clochette, s’est répandue sur les écrans américains avant de venir chatouiller nos salles françaises en début d’année 2004.
DES CRAYONS DE COULEURS POUR RENOUVELER LE MYTHE
En 1953, les studios Disney se sont emparés du conte en réalisant un film animé assez fidèle (si l’on excepte quelques édulcorations au niveau du personnage de Clochette et de la fin) aussi bien dans l'atmosphère qui s'en dégage que dans la représentation visuelle des personnages. En exposant de façon si habile cette nouvelle imagerie, les réalisateurs ont pratiquement fait oublier le nom de Barrie et se sont imposés comme les seconds créateurs du mythe de l’enfant qui refuse de grandir pour toute une génération. Peter Pan est l'un des meilleurs Disney à ce jour. Malheureusement les studios n'ont pas résisté à l'envie de prolonger une telle réussite en sortant, pour les 100 ans du personnage, un Peter Pan 2 dans lequel notre héros apparaît insipide et inutile dans une intrigue dénuée de tout intérêt. On peu également retrouver Peter Pan en dessin animé dans une série en deux parties, Peter Pan and The Lost Boys et Peter Pan and the Pirates, sortie en 1990. Outre l’animation, parmi les nombreux dessinateurs qui ont illustré les aventures de James M. Barrie, le plus singulier et surprenant reste Régis Loisel. En reprenant un personnage de Peter Pan beaucoup plus contrasté que d'habitude, il signe une bande dessinée assez sombre et très réaliste. L'histoire commence bien avant l'arrivée de Clochette (devenue une vraie petite bimbo pulpeuse en body échancré et guêtres d’abeilles), en 1887 plus exactement, dans un Londres victorien enneigé, royaume des clochards et des ivrognes. Peter Pan y est ironiquement un poulbot dont le quotidien est d'affronter la réalité.