Paul Thomas Anderson

Paul Thomas Anderson
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Réalisateur, Scénario
États-Unis

Le talentueux Paul Thomas Anderson est né le 1er janvier 1970 dans la petite ville de Studio City, en Californie, avant de passer le reste de son enfance au creux de la San Fernando Valley. Son père, Ernie Anderson, travaillait déjà à Hollywood, prêtant sa voix à des spots de publicité, des court métrages animés et des séries de télévision. Il a même connu un assez gros succès dans les années 60, avec un personnage horrifique prénommé Ghoulardi, qui donnera son nom quelques années plus tard à la maison de production de Paul. Perdu dans une famille nombreuse de sept enfants, Anderson est un garçon bagarreur et énergique. Renvoyé plusieurs fois de son école pour s’être battu avec ses camarades, il est expédié en internat, où il passe le plus clair de son temps à la cinémathèque. Il clame déjà haut et fort qu’il veut devenir cinéaste. Ses parents décident de lui laisser sa chance, et l’inscrivent à la prestigieuse New York University Film School. Mais le jeune homme, têtu et décidé à apprendre le métier sur le tas, ne reste guère plus de deux jours sur les bancs du campus. Il s’affranchit de ses parents à l’âge de dix-sept ans en entrant comme assistant de production à la télévision, aussi bien sur des téléfilms que sur des jeux (l’un d’entre eux, "The Quiz Kids Challenge", reverra le jour dans Magnolia bien des années plus tard). Il passe rapidement au cinéma avec des films indépendants à petit budget, avant de se décider à écrire et réaliser un court-métrage. Son premier, The Dirk Diggler Story, est un désastre artistique. Il n’a que dix-huit ans et affronte seul les nombreux problèmes techniques, le tout à ses frais. En revanche, le scénario de son second, intitulé Cigarettes & Coffee, lui vaut le privilège de participer au festival de Sundance en 1993. Là-bas, les occasions lui sont offertes de perfectionner sa technique et son scénario, d’appréhender une première direction d’acteurs, de travailler dans un atelier sous les précieux conseils de cinéastes tels que Michael Caton-Jones (Rob Roy) et John Schlesinger (Marathon Man), dans le but de présenter un court-métrage abouti au bout de trois semaines intensives de travail. Comme Tarantino avant lui, Sundance le remarque et lui offre un tremplin pour démarrer sa carrière

Anderson a le nez creux dès qu’il s’agit de casting. Fan inconditionnel des films de Jonathan Demme et de Robert Altman, il rêve depuis toujours de tourner avec ces comédiens qui l’ont fait rêver. Et sur la simple base de son scénario suivant, provisoirement nommé Sydney, Philip Baker Hall accepte de tourner son film. Le comédien attendra plus d’un an avant que celui-ci ne commence à être tourné, mais qu’importe, Anderson a son acteur fétiche auprès de lui, plus rien ne peut lui résister. Il découvre également Philip Seymour Hoffman et John C. Reilly, deux jeunes comédiens atypiques qui ont le terrible avantage de le faire mourir de rire. Gwyneth Paltrow et Samuel L. Jackson complètent l’impressionnant casting et le tournage peut débuter. Rebaptisé Hard Eight par un producteur récalcitrant, Sydney participe au festival de Cannes où il remporte un succès d’estime, récoltant une pluie de critiques positives. Sur sa bonne lancée, Anderson écrit un second long-métrage dans la foulée, reprenant le script poussiéreux de son premier court. L’histoire est celle d’Eddie Adams, jeune star fictive du porno des années 70, aux mensurations irrésistibles. Boogie Nights est un film fiévreux, mi-euphorique mi-amer, et témoigne du génie irrévérencieux du jeune cinéaste, que ce soit dans les mouvements de caméra ou dans l’écriture. L’homme est pétri de talent, les références pleuvent, les personnages abondent, les deux heures et demi du film se suivent sans se ressembler, l’énergie irradie, mais les critiques se scindent en deux groupes bien distincts. Certains le trouvent prétentieux et arrogant (et cela uniquement d’après le film, sans même connaître le metteur en scène…), arguant à qui veut l’entendre qu’il a tout volé au cinéma de Scorsese et d’Altman; d’autres préfèrent croire à la naissance d’un grand auteur-réalisateur, et le comparent déjà à l’autre jeune prodige, Quentin Tarantino. Le film reçoit trois nominations aux Oscars et une volée de récompenses dans les festivals de cinéma indépendant.

Surpris par le succès inattendu du film, Anderson prend peur et se met tout de suite au travail dans le plus grand secret, pour ne pas avoir à répondre au phénomène de mode qu’il a déclenché. Il sait qu’il a carte blanche, que ce soit pour le casting, le budget, le final cut ou même la durée du film, alors il entreprend d’écrire son scénario le plus personnel. En grande partie autobiographique, Magnolia raconte la relation difficile d’un père mourant du cancer et d’un fils parti affronter seul le show-business. Entre autres choses, puisque le film dure une nouvelle fois trois heures et voit défiler une bonne trentaine de personnages parlants. Anderson fait appel à Jason Robards, autre acteur fétiche de Demme, pour interpréter le vieillard cancéreux. L’acteur, qui vient lui-même de sortir d’un grave cancer, tourne avec Anderson le dernier film de sa carrière, avant de s’éteindre quelques mois plus tard. Magnolia remporte l’Ours d’or à Berlin et de nouvelles nominations aux Oscars, et apparaît dans de nombreuses listes des dix meilleurs films, délivrées chaque année par l’ensemble de la presse internationale. Anderson, tout comme Tarantino avant lui, s’offre une trêve après ses trois premiers films, pour souffler et se retrouver en famille. Trois ans déjà se sont écoulés et, tout auréolé de son prix de la mise en scène à Cannes, il est de retour en ce début d’année avec son quatrième opus, Punch-Drunk Love, une comédie romantique d’une heure trente, surprenant une nouvelle fois le monde cinéphile. Paul Thomas Anderson est promis à une brillante carrière, avec tout ce que cela comporte de pression et d’avantages. Il est aujourd’hui placé contre son gré à la tête du cinéma indépendant américain, épaulé des Jonze, Tarantino et autres Wes Anderson. Souhaitons-leur à tous une suite aussi inspirée que leurs premiers films.

par Yannick Vély

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