Rencontre avec Steven Spielberg
Après son adaptation de Tintin sortie cet automne, et alors que la Cinémathèque française lui rend hommage en lui consacrant une rétrospective jusqu'au 29 février, Steven Spielberg est à nouveau sous les feux de l'actualité avec Cheval de guerre, son nouveau film, nommé 6 fois aux Oscars. De passage à Paris, le réalisateur s'est adressé à la presse. Extraits !
Sur les choix de mise en scène et le montage de Cheval de guerre
Ce qui se passe avec Cheval de guerre, c’est que le public a la possibilité d’exister dans l’instant. Contrairement aux films où l’émotion ne vient pas de ce qui se passe à l’écran mais du montage, du rythme imprimé par le montage. L’émotion doit venir par elle-même. Et je n’avais pas besoin de sauver le cheval par le montage.
Sur le cheval
Quand on demande à un cheval de montrer ses émotions comme on le demande à un acteur, ça demande beaucoup de tact. J’ai engagé quelqu’un qui a fait un travail remarquable avec le cheval, et qui avait déjà travaillé sur Seabiscuit que j'avais produit. Il n’y a que trois plans truqués dans le film. Notre dresseur a fait des miracles. Même si je ne dirais pas pour autant que le cheval était un acteur !
Croire en l’impossible
Cheval de guerre parle de l’espoir permanent. Ça parle d’un animal qui ne peut être que positif, en tant que force de la nature, qui révèle leur humanité aux personnages.
Cheval de guerre aurait-il pu être le même il y a 30 ans ?
Cheval de guerre est différent grâce à l’expérience que j’ai gagnée. J’ai quarante ans de films derrière moi, ça m’aide à faire des choix. Quand j’ai commencé à réaliser, je ne savais pas quoi faire. Dans la salle de montage, j’abandonnais la moitié de ce que j’avais filmé. Aujourd’hui, je filme moins. Maintenant je trouve le film en le tournant, je ne suis plus obligé de le trouver au moment du montage.
Sur la guerre
Il n'y a pas de manière meilleure qu'une autre pour représenter la guerre. Mon point de vue est différent à chaque fois que je traite du sujet.
Sur Niels Arestrup
Je vois beaucoup de films, dont des films français. Niels est un trésor national. Je l’ai vu dans Le Scaphandre et le papillon, Un prophète, dans le film de Sophie Marceau (Parlez-moi d'amour, ndlr)… Pour moi c’est un grand acteur, je l’avais déjà rencontré pour le casting de Munich. J’étais persuadé que si je pouvais trouver le bon rôle pour lui, j’allais l’engager dans un de mes films. Je n’avais pas de second choix, c’était lui ou personne d’autre.
Sur le choix de l'anglais et des accents pour Cheval de guerre
Je voulais faire mon film pour les familles. Je voulais qu’elles se rassemblent autour du film. Je ne voulais pas que les enfants regardent l’écran de gauche à droite pour lire. C’était la même chose sur Schindler. Ce sont les vrais accents de mes acteurs, avec leurs voix. Je ne voulais pas que les jeunes soient obligés de lire le film.
Sur les effets numériques
Quand on voit un film avec 100.000 soldats qui courent sur une colline, on sait que ce n’est pas vrai. C’est à vous de décider jusqu’où vous voulez me permettre d’aller avec mon équipe. Vous acceptez des choses parce que vous avez envie d'avoir peur de mes dinosaures numériques. Mais il y a aussi un moment où le public refusera ça.
Des hommages à John Ford et Akira Kurosawa ?
Ford et Kurosawa étaient comme des jumeaux, qui se sont nourris mutuellement, des frères de western. J’adore John Ford, comme tout le monde, mais je ne voulais pas faire un hommage délibéré à Ford. Quand on a de tels décors, on ne fait pas de zooms, on fait des plans larges. Je n’ai pas revu de films de John Ford pour faire ce film. Kurosawa utilisait les chevaux de manière remarquable, comme dans mon Kurosawa préféré, Ran. Mais dans un film de Kurosawa, comme dans les Ford, les chevaux sont des moyens de transport, on ne regarde pas le cheval. Même chose pour Indiana Jones. « Est-ce que le cheval peut porter le film ? », c’était ça le défi de Cheval de guerre.
Sur Tintin
J’espère pouvoir réaliser le troisième film, je me suis tellement amusé sur le premier. Peter Jackson va tourner le second juste après The Hobbit. J’aurais pu faire Cheval de guerre en 3D également, ça a marché pour Tintin, mais j’ai choisi de ne pas le faire ici, ça doit rester un outil de choix.
Sur l’enfance
J’étais traumatisé étant enfant. J’étais toujours le gamin chétif à l’école, à côté des garçons populaires qui maintenant payent pour voir mes films ! J’ai grandi comme un geek, et je protège les faibles parce que j’étais un faible avant de devenir réalisateur. Mon regard sur l'enfance vient peut-être de la pureté de mes expériences en tant qu’enfant.
Sur sa place à Hollywood
Hollywood c’est juste des lettres sur une colline. C’est une étiquette, pas un état d’esprit, et je ne vais pas au boulot le matin en me disant « je vais à Hollywood ». J’y pense lors d’une avant-première, lorsque je suis sur un tapis rouge, mais dans ma vie professionnelle, je ne vois pas où je suis à Hollywood. Je ne ressens pas de pression. Peut-être que si je prenais du temps et si je faisais une pause, je ressentirais ça, mais je n’en ai pas fait depuis longtemps.
Sur ses projets
Je viens de terminer mon film sur Abraham Lincoln avec Daniel Day-Lewis, je suis extrêmement fier de ce film. Je suis au milieu du montage donc je ne veux pas trop en parler pour le moment. Après, dès septembre, je vais réaliser un film de science-fiction, Robopocalypse, l'histoire d’une guerre entre robots et être humains. Ça sera beaucoup d’action, un vrai film popcorn, avec un message. Le message est dans le popcorn, il faut aller jusqu’au fond du seau pour le trouver ! Je vais également produire beaucoup de choses pour la télévision.
Le conte malgré tout
Cheval de guerre est un conte de courage et d’espoir. C’est, je pense, une histoire optimiste. Ce qui me faisait pleurer, en voyant la pièce, c’était le gaspillage. Ce gaspillage de vies humaines. La première guerre mondiale était un conflit qui aurait pu être réglé de façon diplomatique.