Festival du Film Coréen: entretien avec David Tredler

Festival du Film Coréen: entretien avec David Tredler

Coup d'envoi ce mardi 28 octobre de la 9e édition du Festival du Film Coréen de Paris ! A cette occasion, la semaine sera coréenne sur FilmDeCulte. Le programmateur du festival, David Tredler, est notre invité spécial et nous présente le cru 2014. Avec bon nombre de pépites à ne pas manquer...

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C'est la 9e édition du Festival du Film Coréen de Paris. Il s'agit désormais d'un événement attendu. Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour cette édition ?

Un festival se prépare et se vit avant tout pour offrir au public de découvrir ou redécouvrir des films qui on l’espère les marqueront. Donc le premier objectif, c’est bien sûr que le public soit au rendez-vous, et prenne plaisir à vivre le festival. L’objectif aussi, bien sûr, c’est chaque année de se renouveler, d’offrir quelque chose de plus, ne pas se contenter de refaire ce qu’on a fait les années précédentes. L’année dernière était une année de transition importante, en déménageant du Saint-André des Arts au Publicis. Maintenant que les valises sont posées, nous avons eu plus de temps pour préparer cette édition, et introduire une nouvelle section intitulée « Focus », qui s’attache à mettre en lumière une thématique ou une personnalité du cinéma coréen contemporain. Le premier Focus est consacré à l’acteur Kim Yun-seok, que les spectateurs français ont découvert avec The Chaser, que nous projetterons en sa présence pour l’occasion. L’acteur est également à l’affiche du film d’ouverture du festival, Haemoo, le premier long-métrage réalisé par le scénariste de Memories of Murder de Bong Joon-ho.

Une récurrence thématique et/ou stylistique a t-elle émergé parmi les visionnages nécessaires à une telle sélection ?

Cette année pour constituer la sélection des longs-métrages, répartis en plusieurs sections, nous avons visionné un peu plus de 120 films. Je dirais que ce qui se dégage avec le plus de force de la production coréenne actuelle, c’est le rapport de la jeunesse à la société, et inversement. La jeunesse est un thème omniprésent dans le cinéma coréen actuel. La jeunesse rêveuse, la jeunesse qui doute, la jeunesse violente aussi, énormément. On sent que le pays a un rapport à la violence qui est compliqué, et qui ne se manifeste pas uniquement dans les thrillers et films noirs auxquels on pense immédiatement. Que ce soit la violence physique, psychologique ou morale, et que la jeunesse soit l’instigatrice de cette violence ou sa victime. Toujours en association avec la jeunesse on remarque aussi quantité de mises en abyme. Nombre de jeunes cinéastes racontent leurs propres difficultés à passer à la réalisation dans des histoires de jeunes réalisateurs ayant du mal à réaliser leur premier film. A force d’en voir on a tendance à penser qu’il y en a trop. Mais il y en a tout de même quelques uns qui parviennent à se détacher en insufflant quelque chose de plus dans leurs films, comme My Dear Girl Jin-Young que nous avons retenu, qui est presque plus un film sur la quête de soi qu’un film sur la difficulté de créer. Et en plus il y a des zombies dedans, ce qui ne gâche rien.

Le festival présente un large spectre de la production coréenne, des blockbusters qui ont renversé le box-office comme Roaring Currents aux plus petits films d'auteur qui ont brillé en festivals, comme A Cappella (qui a aussi à son échelle été un succès en salles). Est-ce que ce grand écart est important pour vous au moment de constituer une sélection ?

C’est primordial. C’est quelque chose que l’on garde en tête au fur et à mesure que les mois passent, et que l’on prend en compte au moment de constituer la sélection. Le but du festival, c’est de faire découvrir le cinéma coréen dans toute sa diversité, du plus petit film au plus imposant, en offrant des couleurs différentes de film en film. Il y a des films qui sont des évidences et qui créent l’unanimité au sein de l’équipe de programmateurs, et pour lesquels la question se pose à peine. Mais le but n’est pas de passer que les grand succès du box-office, ou que les petits films d’auteur passés en festival. Il faut trouver une harmonie qui raconte le cinéma coréen d’aujourd’hui. On ne se force pas non plus à prendre un film pour représenter un genre, si l’on estime qu’aucun film du genre ne mérite vraiment d’être vu. Je pense notamment cette année à la comédie, qui est très faiblement représentée dans la sélection, tout simplement parce qu’on n’a pas vu de bonne comédie cette année, quand l’année dernière nous avions All About My Wife ou South Bound qui étaient réjouissants. Cette année on trouve de l’humour, mais pas dans la comédie pure. Dans des films comme Hard Day ou My Dear Girl Jin-young, mais dans l’ensemble, on en revient à ce que je vous disais sur la thématique qui se dégage du cinéma coréen actuel, et qui rend l’humour plus discret cette année.

Comment avez-vous réalisé la rétrospective de films d'horreur constituée de raretés vintage ? Pouvez-vous nous en dire plus sur ce programme ?

La section « Classiques » constitue une programmation à part. D’abord parce que les classiques du cinéma coréen sont assez difficiles à se procurer en France, et en plus parce qu’on ne veut pas prendre les films au hasard. C’est une programmatrice coréenne de l’équipe du festival qui a la délicieuse responsabilité de constituer cette sélection. Quand on pense « films d’horreur classiques », on ne pense pas immédiatement au cinéma coréen, c’est un pan assez méconnu en Europe du cinéma coréen, où nous sommes plutôt familier de Im Kwon-taek, Kim Ki-young et Lee Man-hee, pour ne citer qu’eux. Nous espérons que de nombreux amateurs de cinéma répondront présents pour ces séances extrêmement rares sur grand écran à Paris, en 35mm.

Nous préparons un dossier spécial consacré à la nouvelle génération de jeunes cinéastes coréens. Y a t-il des cinéastes débutants ou des premiers films coréens qui ont particulièrement retenu votre attention ces derniers mois ?

Le cinéma coréen possède un vrai vivier de jeunes cinéastes ayant réalisé des premiers films prometteurs. Ils ont des écoles qui produisent les premiers longs de leurs étudiants, ce qui met sur le devant de la scène de jeunes cinéastes. Cette année nous avons d’ailleurs sélectionné un certain nombre de premiers films brillants. A Cappella de Lee Su-jin (lire notre entretien), 10 minutes de Lee Yong-seung, mais aussi le film d’ouverture, Haemoo, de Shim Sung-bo qui est sûr de créer l’événement. Et également un documentaire remarquable, Non-fiction Diary de Jung Yoon-suk qui sera présent au festival pour venir parler de ce film dense et passionnant, justement sur le rapport de la société coréenne à la violence. C’est une question difficile parce que forcément, j’ai envie de citer tous les jeunes cinéastes dont nous allons présenter les films au festival.

Avez-vous des coups de cœur particuliers à partager pour donner envie à nos lecteurs de venir au festival ?

J’ai presque autant de coups de cœur qu’il y a de longs-métrages au FFCP cette année… Mais pour parler d’un film qui a besoin que l’on parle de lui, parce que les documentaires de ce genre attirent peut-être moins le public, je citerais A Dream of Iron, un film de Kelvin Kyung Kun Park, un voyage fascinant à travers l’industrie coréenne, un film de cinéma puissant qu’il faut vraiment vivre sur grand écran. Et Intruders, un survival angoissant et amusant à la fois dans la montagne coréenne, dont le réalisateur sera également présent au festival. Et Broken, un thriller qui est à la fois un film de genre haletant et une observation viscérale des maux de la société coréenne. Et… bon d’accord j’arrête.

Entretien réalisé le 23 octobre 2014.

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par Nicolas Bardot

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