Entretien avec Zhao Liang
Dévoilé à la Mostra de Venise, Behemoth est un documentaire impressionnant dans lequel le Chinois Zhao Liang filme un vaste plateau où les prairies ont cédé la place aux mines de charbon. L'enfer, le purgatoire et le paradis se succèdent dans ce film visuellement bluffant, et qui s'inspire de la Divine comédie de Dante. Ce choc esthétique est projeté cette semaine au Festival CPH:DOX de Copenhague, l'une des principales manifestations mondiales dédiées au cinéma documentaire. Zhao Liang a accepté de répondre à nos questions au sujet de ce film qu'on espère voir diffusé en France ces prochains mois...
Quel a été le point de départ de Behemoth?
Ces dernières années, la pollution de l'air est devenue un très sérieux problème affectant directement la vie de chacun à Pékin. La protection de l'environnement s'est ainsi retrouvée au centre de toutes les discussions. La pollution menace notre quotidien et notre santé. Ce qui m'a intéressé, c'était de me pencher sur les racines profondes de ce problème.
Comment êtes-vous parvenu à tourner votre documentaire sur place?
J'ai toujours travaillé avec une petite équipe et je privilégie ce type de tournage « léger » qui fonctionne tout simplement mieux avec ma manière de faire du cinéma. J'ai beaucoup appris du texte On Guerrilla Warfare de Mao : lorsque l'ennemi avance, je bats en retraite ; lorsque l'ennemi est épuisé, j'attaque. Je n'ai jamais eu à provoquer le conflit pour tourner. Je dois protéger les rushes, c'est la priorité. Je vais partout où je peux tourner, et si ce n'est pas possible, alors je vais ailleurs. J'essaie aussi de tirer avantage, dans la mesure du possible, de mon réseau social.
Behemoth est visuellement incroyable. Était-ce important pour vous de raconter cette histoire comme elle n'a jamais été montrée?
A mes yeux, un film doit avant tout et par-dessus tout être une œuvre d'art. C'est essentiel de trouver l'équilibre idéal, le mariage entre la forme et le contenu. C'est une des choses que j'ai toujours en tête lors du processus créatif.
Il y a trois moment dans le film où vous utilisez des plans monochromes : le premier est entièrement rouge, le second est gris et le dernier est bleu. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix qui est à la fois audacieux et frappant plastiquement?
Ces trois couleurs représentent respectivement l'enfer, le purgatoire et le paradis. Il s'agit d'une transposition visuelle de la Divine comédie de Dante.
Quels sont les cinéastes que vous admirez?
Il y en a tellement ! Andreï Tarkovski, Theo Angelopoulos, Yasujiro Ozu, Emir Kusturica, Lars von Trier, Roy Anderson...
Comment un tel film peut-il être projeté ou ne serait-ce que vu en Chine?
Seulement par des projections privées ou clandestines.
Entretien réalisé le 11 novembre 2015. Un grand merci à Lu Yangqiao et Michèle Gautard.