Entretien avec Yang Yonghi
D'abord documentariste, la réalisatrice japonaise Yang Yonghi se lance dans la fiction avec son long métrage Our Homeland, présenté en compétition au Festival Paris Cinéma. Le film raconte avec subtilité l'histoire d'une famille déchirée entre Japon et Corée du nord, un drame qui lui est personnel. Alors qu'elle prépare la sortie de son film au Japon ainsi que celle de son prochain livre, Yang Yonghi a répondu à nos questions.
FilmDeCulte : Qu’est-ce qui vous a motivée à l’idée de poursuivre avec ce film de fiction ce que vous aviez entamé dans vos documentaires ?
YY: J’ai passé plus de 10 ans à filmer ma famille vivant au Japon et en Corée du nord avec ma mini camera. Je savais déjà, à ce moment-là, qu’il y avait de nombreuses histoires dont ma famille ne pouvait parler, qu’ils essayaient même de cacher. J’ai décidé de faire des films de fiction sur ces histoires secrètes parce que j’ai réalisé que ces histoires constitueraient un sujet plus fort encore que ce que je pourrais montrer dans un documentaire.
FdC : Le silence de Our Homeland, dont le personnage principal est lui-même contraint au silence, est remarquable. Pouvez-vous nous parler de votre travail sur le son ?
YY: A part Rie, la petite sœur, les membres de la famille ont longtemps accepté cette situation aberrante sans se plaindre. Pour eux, garder le silence plutôt que parler peut être une façon de rester en paix. Seule Rie essaie d’être honnête avec ses émotions. Je voulais parler de ce contraste. Comme le scénario est simple, j’ai demandé à mon équipe, à mes acteurs, de « créer » ce flux d’émotions sans utiliser de mots. Surtout aux acteurs, à qui j’ai dit qu’il ne fallait pas qu’ils s’inquiètent au moment du tournage. Je cherchais une honnêteté dans leurs émotions et je trouve qu’ils ont fait un super travail.
Par ailleurs, j’ai voulu que les effets sonores et la musique soient subtils. Mon ingénieur du son a enregistré des sons venus de la rue, de discussions, des bruits d’usine, des annonces dans une école. J’ai ensuite demandé à mon équipe de les utiliser comme une musique et de façon très délicate. J’ai également demandé à mon compositeur une musique proche des sens plutôt qu’une mélodie. J’aime beaucoup la musique utilisée pour la fin du film.
FdC : Votre film est épuré, austère. Est-ce votre implication personnelle dans cette histoire qui vous a poussée à une telle retenue ?
YY: Je n’en ai aucune idée. Je voulais juste faire un film qui éveille l’imagination du public plutôt que donner beaucoup d’explications. Je ne voulais pas faire un film comme on ferait un cours magistral. Le public n’a pas besoin de tout comprendre. Je veux avant tout que le public ressente quelque chose.
FdC : La réalisation de votre documentaire Dear Pyongyang a eu de lourdes conséquences personnelles pour vous. Qu’est-ce qui, aujourd’hui, vous pousse à faire du cinéma ? (Depuis la réalisation de ses documentaires, Yang Yonghi n'a plus le droit de se rendre en Corée du nord pour voir sa famille, ndlr)
YY: Une des raisons pour lesquelles je fais des films, c’est que je veux partager avec d’autres les histoires qui me fascinent. Et j’en ai encore d’autres à raconter.
FdC : Quels sont vos projets ?
YY: Secret professionnel ! (rires)
Entretien réalisé le 30 juin 2012