Marais Film Festival: Entretien avec Thibaut Fougères
Le Marais Film Festival débute ce mardi 8 novembre à Paris ! Pendant 8 jours, le cinéma LGBT sera à l'honneur dans cette manifestation qui réserve aussi une large place à la fête et aux rencontres. Thibaut Fougères, co-fondateur et programmateur du festival, nous parle des temps forts de cette seconde édition qui sera à suivre quotidiennement sur FilmDeCulte.
Quel bilan tires-tu de la première édition du Marais Film Festival ?
Cette première édition a été un vrai succès, contre toute attente. C'était la toute première fois que nous montions un festival. Notre travail, c'est la distribution, donc c'est quelque chose qu'on n'avait encore jamais fait. La première édition du Marais Film Festival a été réalisée sans aucune subvention, ni de la mairie, ni de la région, c'était une manifestion autofinancée.
Est-ce que cela a été plus simple cette année?
Non, mais la première édition a trouve son public avec plus de 3200 spectateurs. On a vraiment reçu beaucoup de messages d'encouragement. On nous a remerciés pour cet événement, on a ressenti qu'il y avait un vrai besoin, on nous a demandé quand serait le prochain... Donc nous étions vraiment motivés à l'idée de recommencer ! Ca n'a pas été évident car il faut trouver une salle. Les cinémas sont très sollicités, entre les nombreuses sorties hebdomadaires et les festivals qu'ils accueillent. On a trouvé un accord avec le Luminor, donc c'est reparti ! Cette seconde édition a été montée avec toujours autant d'énergie, et on y est arrivé puisque le festival est là.
Comment s'est arrêté le choix du film d'ouverture, Center of My World ?
Nous avons découvert Center of My World au Marché du Film, à Cannes. Il nous a tout de suite plu par sa fraicheur et sa spontanéité. Il sort dans quelques jours en Allemagne. Chez nous, il sera édité en dvd, ce qui me semble plus adapté. Chaque film a son support de prédilection, là ça me semble être un film fait pour les festivals, le dvd et la VoD. Pour l'ouverture, il nous fallait un film qui ne soit pas trop clivant, et qui donne le ton du Marais Film Festival. On tient à faire un festival convivial, avec une atmosphère, un vrai rapport avec le public. On n'est pas là pour créer des castes, avec un carré VIP séparant les réalisateurs d'un côté et le public de l'autre.
Les projections seront d'ailleurs suivies de soirées et d'after auxquels le public est convié...
Oui, on avait envie aussi de miser sur l'événementiel. Lors de la précédente édition, c'était la soirée des Demoiselles de Rochefort. Cette année, on a choisi Dyke Hard, qui est le film parfait pour ça. Les gens pourront venir déguisés aux couleurs des années 80, avec du mini short fluo, de la veste en jean, des bandanas etc... Nous avons un partenariat avec la boite Le Tango, qui accueillera une soirée spéciale années 80 où la fête se poursuivra après le film. C'est un festival où la rencontre avec le public se prolonge dans l'événementiel et les soirées. Tous les soirs, il y aura un after juste à côté du cinéma au bar le Yono, dans une ambiance conviviale, où acteurs et spectateurs seront mélangés autour d'une bière ou d'un cocktail. Et on pourra échanger sur les films, les impressions de la journée. Dans la même idée, nous n'avons pas de jury, c'est le public qui choisira le film à récompenser.
Un focus spécial est dédié à Antonio Da Silva...
A chaque année sa séance hot. Lors de la première édition, nous avions eu une séance carte blanche au Pornfilmfestival de Berlin, qui avait beaucoup fait réagir. Il y avait pas mal de films lesbiens qui ont désarçonné un certain nombre de spectateurs masculins ! Cette année, ce seront des films gays, par un vidéaste et artiste qui filme la masculinité et les corps. C'est une série de courts métrages qui constituent autant d'expériences, avec parfois un regard voyeur qui emprunte au documentaire. Antonio est un réalisateur portugais qui vit à Londres et qui tourne beaucoup dans les festivals LGBT. Ce sera notre séance un peu sulfureuse !
Derek Jarman sera également au centre d'un programme spécial.
Oui, il y aura la projection de quatre longs métrages de cette figure culte du cinéma queer : Sebastiane, Last of England, Jubilee et La Tempête. Nous aurons à cette occasion des intervenants, dont Didier Roth-Bettoni qui viendra pour la séance de Jubilee nous parler du cinéma de Derek Jarman.
Un autre focus est dédié à Hollywood et à son âge d'or, comment ce programme est-il né ?
J'ai lu Hollywood Babylone de Kenneth Anger que j'ai adoré. Et ça m'a inspiré ce programme qui se questionne sur la façon dont les icônes hollywoodiennes ont vécu leur homosexualité. Il se trouve qu'on venait de faire l'acquisition pour Outplay du film Tab Hunter Confidential. Tab Hunter était en quelque sorte le concurrent de James Dean. James Dean était vu comme un rebelle, Hunter c'était plutôt l'ange blond, le gendre idéal. Dean est mort brutalement et Tab Hunter a poursuivi sa carrière qui a fini par décliner. Il n'a fait son coming out qu'en 2008, et le documentaire revient sur son parcours... comme sur les indices parsemés dans sa filmographie, notamment chez John Waters. L'histoire se rejoint puisque Tab Hunter Confidential est réalisé par Jeffrey Schwarz, le réalisateur de I Am Divine, Divine étant la partenaire d'Hunter dans Polyester. Schwarz a également réalisé le documentaire Vito, consacré à cet activiste LGBT dont le livre a été adapté avec le documentaire The Celluloid Closet qu'on diffusera dans ce programme. C'est un documentaire incontournable que beaucoup de gens connaissent mais c'était important aussi de le montrer à une nouvelle génération de spectateurs. Nous projetterons un autre documentaire sur un sujet voisin, Silver Screen, en présence de son réalisateur Mark Rappaport, mais aussi Rock Hudson's Home Movies qui revient sur la carrière de cet acteur, mort du sida au début des années 90.
Lors de la première édition, il y avait eu la mini-série suédoise Snö. Une nouvelle série, The Nest est au programme de cette édition.
The Nest est une série brésilienne dirigée par Filipe Matzembacher et Marcio Reolon (les réalisateurs de Beira-Mar). C'est une série en 4 épisodes de 26 minutes, qui seront diffusés à la suite, et qui raconte l'histoire d'un jeune homme à la recherche de son frère. Il commence par rencontrer ses amis qui sont hauts en couleurs...
Peux-tu nous dire quelques mots de films lesbiens sélectionnés cette année ?
Tout d'abord on aura un programme de courts métrages lesbiens et on sait que les séances de courts sont toujours très attendues. Parmi les courts de 2016, il y a notamment Vagina is the Warmest Color, une parodie de La Vie d'Adèle par Anna Margarita Albelo (Qui a peur de Vagina Woolf) avec OcéaneRoseMarie. Parmi les longs métrages, nous avons notamment Bare, qui a été découvert à Sundance et qui compte notamment Dianna Agron de la série Glee à son casting. Il y aura la comédie canadienne Portrait of a Serial Monogamist, sur une jeune quadra qui enchaine les plans sans vouloir se poser dans la vie, et qui décide de tout bazarder le jour où elle entame une relation stable. Et puis Dyke Hard rentre aussi dans cette catégorie, même si les sexualités dans ce film sont très, très diverses.
Un programme revient sur les films LGBT de l'année, déjà sortis en salles.
Oui, ce programme comprendra notamment le Lion d'or Les Amants de Caracas, le film chilien La Visita et son héroïne trans, Moi, Olga qui n'avait pas trouvé son public cet été ou encore le Grand Prix de Deauville Brooklyn Village de Ira Sachs. Pour prendre l'exemple de ce dernier, ce sont parfois des films qui n'ont pas spécifiquement été marketés LGBT lors de leur sortie et qui n'ont pas toujours touché ce public-là. Et à l'heure où le rythme des sorties est effrénés, les gens n'ont pas toujours eu le temps de voir ces films.
As-tu des coups de cœur à faire partager pour cette édition ?
Parmi les temps forts, il y aura assurément Taekwondo de Marco Berger, qui fera sa première française au Marais Film Festival. On reste tout à fait dans son univers, avec de la sensualité, du non-dit, de la frustration mais aussi quelques scènes plus explicites. Il reste fidèle à sa façon de filmer. Je citerais aussi Esteros de Papu Curotto, qui était le Centerpiece, le film plus particulièrement mis en avant lors de la dernière édition de l'Outfest de Los Angeles. C'est un premier film argentin qui raconte l'histoire de deux hommes qui se retrouvent par hasard, 15 ans après être tombés amoureux lorsqu'ils étaient adolescents. C'est là encore une première française et le réalisateur viendra spécialement d'Argentine pour présenter le film. Et nous diffusons également en compétition le Teddy Award Nasty Baby de Sebastian Silva, quasi-invisible en France depuis sa sélection à la Berlinale l'an passé.
Entretien réalisé le 3 novembre 2016.