Entretien avec Shin Su-Won

Entretien avec Shin Su-Won

Ex-enseignante, la réalisatrice Shin Su-Won raconte avec Suneung (en salles le 9 avril) les tourments de lycéens coréens confrontés à une pression insoutenable lors de leurs études. Elle emprunte au cinéma de genre pour nuancer sa chronique réaliste. Nous l'avons rencontrée.

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Vous avez été enseignante avant d’être réalisatrice. En quoi cette expérience vous a-t-elle servi pour réaliser Suneung ?

Certaines scènes sont directement inspirées de mes propres expériences. Par exemple lorsque le professeur cherche un assistant parmi les élèves, que personne ne se manifeste, et que le professeur propose alors de donner des points. Là, tout le monde est tout de suite beaucoup plus impliqué et enthousiaste ! J’ai remarqué que les étudiants, au fil des années, étaient de plus en plus encadrés, sous pression. Ça a commencé à m’inquiéter. Pour le film, de nombreux éléments sont dramatisés bien sûr. Mais ce traitement réservé au top 10 des étudiants comme on voit dans le film, c’est une chose qui existe.

L’introduction du film est constituée d’une succession de plans courts sur des gens qui prient, des gens en transe, une chasse au lapin… On est immédiatement propulsé dans le film de façon étrange et oppressante. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette séquence en particulier ?

Au départ, lorsque j’ai commencé à écrire le scénario, le film devait s’intituler Chasse au lapin. Je voulais un début de film fort, qui éveille la curiosité, qui permette d’entrer directement dans le récit. Donc j’ai choisi ces images de chasse au lapin, ces plans de chasseurs masqués. Je voulais un mélange de violence et de stupéfaction.

Suneung est une chronique relativement réaliste qui emprunte des éléments de cinéma de genre, de thriller voire d’horreur. Était-ce pour vous une façon d’exprimer la violence de votre histoire ?

J’aime beaucoup les films réalistes en tant que spectatrice. Mais en tant que réalisatrice, j’adore le mélange de genre, nuancer le réalisme par différents tons.

Votre film brise la temporalité, vous utilisez des flashbacks. Comment avez-vous travaillé sur le montage du film ?

C’était écrit ainsi dans le scénario. Je voulais aussi commencer l’histoire au moment présent puis revenir par touches au passé. Ensuite au moment du montage j’ai testé différentes structures, avant d’aboutir à ce résultat.

On est habitué à voir des films coréens violents mais on a plus particulièrement vu ces derniers temps, et notamment à Deauville, des films sur des adolescents confrontés à la violence. Le taux de suicide chez les jeunes Coréens est un des plus forts du monde. Est-ce que ce mal-être adolescent est une question importante aujourd’hui en Corée ?

C’est un vrai problème de société aujourd’hui. Tous les ans, le taux de suicide des adolescents augmente à cause de la pression que ressentent les jeunes. Nous avons l'un des taux les plus forts dans les pays OCDE. Ce phénomène est d’abord terriblement inquiétant quand on pense à ces adolescents. Ça l’est aussi parce que ces adolescents vont devenir des adultes. Quelle sera leur place dans la société ? Ces adolescents ne grandissent pas de manière naturelle, sont mal à l’aise avec la société et même avec leur propre famille. Quel futur cela va-t-il donner ?

Vos films parlent beaucoup de la pression sociale exercée sur les Coréens, qu’il s’agisse d’un père de famille perdant son emploi dans Circle Line ou sur les lycéens qui vont passer un examen dans Suneung. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce thème en particulier ?

C’est un intérêt très personnel. Ce sont des histoires que j’ai vécues, depuis mon enfance. Ces problèmes sociaux détruisent la vie des gens, petit à petit. C’est quelque chose que j’ai ressenti en grandissant et c’est un sujet qui s’est imposé à moi naturellement.

Nous préparons un dossier spécial consacré aux nouveaux cinéastes coréens. Y a-t-il des jeunes cinéastes de Corée que vous appréciez particulièrement ?

Yoon Sung-Hyun, le réalisateur de La Frappe. C’est son seul film pour l’instant mais il a beaucoup de potentiel. Il y a aussi beaucoup de jeunes réalisateurs de courts métrages qui sont prometteurs.

Avez-vous de nouveaux projets ?

Je prépare un nouveau film, j’ai trouvé des investisseurs. Je me lance dans le casting dès que je rentre. Je souhaite commencer le tournage en juillet. Ce film s’appellera Madonna. Il racontera l’histoire d’une femme confrontée à la société.

Entretien réalisé le 8 mars 2014. Un grand merci à Céline Petit et Clément Rébillat.

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par Nicolas Bardot

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