Entretien avec Radu Jude

Entretien avec Radu Jude

Le Roumain Radu Jude a été l'une des révélations de la Berlinale avec Aferim !, qui a reçu le prix de la mise en scène décerné par le jury de Darren Aronofsky. Aferim fait le récit picaresque, dans la Roumanie du 19e siècle, d'un policier dont la mission est de retrouver un esclave qui a échappé à son maître. Une façon aussi de parler de la Roumanie d'aujourd'hui. Aferim sort en salles ce mercredi 5 août. Premier aperçu avec notre entretien...

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Quel était le point de départ d'Aferim ?

Mon désir consistait à faire un film sur le passé qui ait quelque chose à dire sur la vie d’aujourd’hui en Roumanie (mais pas seulement). Je voulais également exprimer la difficulter de dépasser le jugement moral qu’on peut avoir envers des gens qui ont vécu il y a des centaines d’années et qui se sont comportés en accord avec les lois de leur temps. C’est, je pense, la principale question du film. Par ailleurs je voulais parler du fait qu’il y a toujours un problème – d’un point de vue philosophique – à affirmer une absolue vérité quand il s’agit d’Histoire.

Aviez-vous décidé dès le départ de tourner Aferim en noir et blanc ?

Non, c’est une idée qui nous est venue petit à petit. On voulait donner le sentiment au spectateur qu’il regardait bel et bien un film et rien qu’un film, avec un point de vue personnel et subjectif sur les questions évoquées. Ce n’est pas la vie en tant que telle, ce n’est pas une vérité absolue, mais une création artistique qui a besoin d’être questionnée, et qu’il ne faut pas tenir pour acquise.

Aviez-vous des références particulières en tête pour l'aspect visuel du film ?

Des peintures et dessins du 19e siècle, plus particulièrement de Raffet. Les films de Hou Hsiao-Hsien. Les westerns de Howard Hawks et de John Ford. Et les premières photographies.

Votre film se déroule dans le passé, est tourné en noir et blanc. Était-ce pour vous plus facile de parler du présent ainsi ?

Non, c’était juste un point de vue différent. Le film tente de comprendre l’origine de certains problèmes (l’esclavage des Roms n’est qu’un seul de ces problèmes) et d’interroger le spectateur : ces problèmes sont-ils résolus aujourd’hui ? Les réponses appartiennent au public.

La Roumanie a connu beaucoup de succès en festivals ces dernières années. Vous partagez la même productrice que Mère et fils, l'Ours d'or 2013. Dans quelle mesure souhaiteriez-vous un soutien plus important des autorités ?

Il y a eu un certain soutien de la part des institutions ces dernières années, mais j’ai le sentiment que ce soutien est extrêmement fragile et pourrait disparaître à tout moment. C’est pourquoi je pense qu’il doit être maintenu et développé. Au bout du compte, j’espère qu’il sera plus facile pour les jeunes cinéastes de diriger leurs premiers films.

Avez-vous eu le temps de voir des films pendant la Berlinale ?

Non, mais j’aurais beaucoup aimé voir les films de Jafar Panahi et de Patricio Guzman, qui sont deux réalisateurs que j’admire énormément. J’aurais aimé également voir des films du Forum, j’y étais avec mon précédent film et leurs choix de films m’intéressent.

Quels sont vos projets ?

Je prépare un projet qui m’est très cher, une adaptation du roman de Max Blecher Scarred Hearts. Il vient juste d’être traduit en France (sous le titre Cœurs cicatrisés, ndlr). C’est un roman écrit dans les années 30 et qui traite de la maladie, de la mort, de l’amour et de la dignité. Et par-dessus tout ce sera un hommage à ce grand écrivain qu’est Blecher, et qui mérite d’être connu par plus de gens.

Entretien réalisé le 10 mars 2015. Un grand merci à Catalin Anchidin.

par Nicolas Bardot

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Notre critique d'Aferim

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