Entretien avec Prune Engler

Entretien avec Prune Engler

Coup d’envoi aujourd’hui du Festival de la Rochelle, grand rendez-vous cinéphile du début de l’été. Prune Engler, déléguée générale du festival, nous donne un aperçu des temps forts de cette nouvelle et très riche édition…

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Comment se constitue une sélection aussi riche que celle du Festival de la Rochelle ? Comment s’effectue le travail de sélection au cours de l’année ?

Ce sont différents facteurs. Aujourd’hui s’ajoutent des contraintes de tous ordres qui n’existaient pas forcément avant. La programmation se fait en fonction de l’équilibre géographique et historique, mais aussi des aides que nous recevons. L’alchimie dans la sélection compte, tout comme l’alchimie avec les précédentes éditions. Par exemple, nous souhaitions faire une rétrospective Marco Bellochio l’année dernière, mais cela n’avait pas été possible. Il s’était engagé auprès de nous pour venir cette année, or il a finalement appris qu’il allait pouvoir tourner son nouveau film cet été. Mais c’est une personne très loyale, et il viendra bien à la Rochelle. Il restera peu de temps mais sera là avant de partir en tournage. C’est aussi un facteur : nous n’organisons pas d’hommage si les réalisateurs ne peuvent être présents.

Le festival présentera en première mondiale le nouveau film d’Alain Cavalier, Bartabas. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

C’était déjà le cas l’année dernière avec Le Paradis. Avec Alain Cavalier, il s’agit d’une relation de grande confiance et d’amitié. Il aime présenter ses films à la Rochelle. Et il a souhaité que ce soit la seule projection publique avant la sortie du long métrage.

The Assassin était l’un des sommets (si ce n’est le sommet) du dernier Festival de Cannes. En quoi était-il important pour vous, en tant que cinéphile, de rendre hommage à son réalisateur, Hou Hsiao-Hsien ?

Tout simplement parce que c’est un des plus grands cinéastes du monde. On aime montrer les films d’inconnus et de cinéastes débutants, mais on apprécie aussi de faire appel à des cinéastes plus reconnus dont le public n’a pas vu toute l’œuvre. L’idée, c’est de voir plus de films. On a aidé très aidé pour monter cette rétrospective par la Cinémathèque de Bruxelles qui programme un hommage à Hou Hsiao Hsien. Grâce à eux, on a eu des films qu’on n’aurait pas pu obtenir autrement. Inviter des films et des cinéastes, c’est aussi faire jouer des relations d’amitié avec des collègues partout en France ou dans le monde.

Le festival réserve une large place au cinéma d’auteur mondial, ce même cinéma qui rencontre de plus en plus de difficultés à se faire une place dans les salles. Quel est le rôle d’un festival comme celui de la Rochelle dans l’accompagnement des œuvres vers leur public ?

On les met à disposition du public en insistant sur leur rareté ou leur fragilité. Le public le comprend très bien et il est très fidèle : nous avons des spectateurs qui reviennent année après année. Nous avons des spectateurs qui, plutôt que de privilégier l’avant première d’un film qui sortira bientôt près de chez eux, ont un véritable intérêt pour des films rares. Et c’est formidable de partager cela sur grand écran. Toutes les salles de la ville participent au festival, nous avons 12 écrans.

On a pu voir que beaucoup de festivals rencontraient des difficultés et certains ont dû cesser comme celui de Paris Cinéma qui se déroulait sensiblement aux mêmes dates que la Rochelle. Connaissez-vous ces mêmes difficultés ? Quel est à vos yeux le secret du succès du festival ?

Notre situation n’est pas aussi dramatique mais c’est toujours difficile. Les aides publiques n’augmentent pas tandis que les partenaires privés sont difficiles à trouver car ils sont démarchés par tout le monde. A la Rochelle, il y a énormément d’événements donc il n’est pas aisé de trouver des gros partenaires sur le plan local. Ceux-ci privilégient parfois les manifestations sportives, ou des événements qui font davantage parler les médias comme des festivals avec des compétitions. Ce qui n’est pas notre cas. On ne veut pas changer de politique, nous souhaitons garder notre ligne éditoriale qui fait notre identité et notre intégrité depuis 43 ans. Notre chance, c’est d’avoir un public nombreux tous les ans.

De quoi êtes-vous la plus fière depuis vos débuts à la tête de la programmation du festival ?

Cela va peut-être vous paraître incongru : depuis 2000 nous produisons des films dans la prison de Saint-Martin de Ré, sur l’Île de Ré. Des détenus ont pu exceptionnellement sortir pour présenter ces films, qui circulent également dans d’autres prisons. On en est fier. Sinon, nous sommes fiers de faire notre travail du mieux possible. Parfois, on oublie qu’on a été les premiers de montrer tel ou tel film, mais l’important, c’est de les montrer.

La sélection d’avant-premières est très riche et éclectique. Pouvez-vous partager avec nous quelques uns de vos coups de cœur ?

Ce sont tous des coups de cœur ! Dans les films de patrimoine, je citerais Vendémiaire de Louis Feuillade, un film inconnu de 1918 et restauré par Gaumont. Nous sommes très heureux de le montrer. C’est un film muet de 2h30 qui sera accompagné au piano. Feuillade a toujours été un auteur chez Gaumont et cette rétrospective coïncide justement avec l’anniversaire de Gaumont. Ce qui nous a permis d’avoir de belles copies neuves comme celles de Fantomas. Parmi les films récents, je dirais Le Bouton de nacre de Patricio Guzman, Mia Madre de Nanni Moretti qui fait l’ouverture, Fatima de Philippe Faucon, Le Fils de Saul de Laszlo Nemes ou encore la trilogie Les Mille et une nuits de Miguel Gomes.

Entretien réalisé le 17 juin 2015. Un grand merci à Matilde Incerti.

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par Gregory Coutaut

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