Entretien avec Nikolaus Geyrhalter
Révélé par Notre pain quotidien, le réalisateur autrichien Nikolaus Geyrhalter signe un nouveau long métrage, Homo Sapiens, en salles ce mercredi. Ce documentaire absolument fascinant est basé sur un principe bête comme chou : Geyrhalter filme des endroits désolés où il ne reste que des traces du passage des humains et de la civilisation. Ces plans muets, en ex-URSS hantée, dans de jolis bois autrichiens ou à Fukushima, créent un ensemble passionnant, romanesque et poétique. Entretien avec le réalisateur.
Quel a été le point de départ d'un projet aussi atypique ?
Il existe déjà des films traitant de la disparition des hommes sur la planète. Mais généralement, ce sont des films qui ont recours à des animations, des effets spéciaux. Je voulais traiter de ce sujet, mais en montrant des endroits qui existent déjà dans la réalité. Une approche plus « documentaire » si vous voulez. J'avais le sentiment que tous ces lieux avaient des histoires à raconter sur nous, humains. C'est ce qui m'a donné l'opportunité de faire un film qui soit à la fois sur le futur et sur le présent.
Comment avez-vous sélectionné les endroits que vous avez filmés ?
Nous recherchions des lieux qui parlent d'eux-mêmes, à propos desquels il était évident de savoir comment ils étaient utilisés auparavant. Ils devaient aussi fournir des informations sur notre culture. Le regard rétrospectif sur notre société se devait d'être critique. C'est pourquoi nous cherchions des endroits marqués par la guerre ou la pollution par exemple.
Le son joue un rôle important dans Homo Sapiens. Comment avez-vous travaillé sur cet élément en particulier ?
Sauf rares exceptions, on n'a pratiquement rien enregistré en direct, tout simplement parce qu'il était impossible d'obtenir un son parfaitement net, et qui ne soit pas parasité par des bruits de fond tels que des voitures au loin, des avions, parfois des voix etc... Le but principal était de créer un paysage sonore sans aucun bruit anthropique. Peter Kutin a travaillé sur le son de Homo Sapiens pendant des années, pendant que nous tournions et montions le film.
Certaines images de Homo Sapiens sont apocalyptiques, et pourtant elles sont souvent paisibles. Est-ce que cette ambivalence était pour vous une façon d'envisager la planète une fois que l'humanité aura disparu ?
Probablement. Après l'apocalypse, il y aura la paix. Et on ne manquera à personne.
Moins il y a de choses et plus on voit dans votre film. En tant que spectateur, on doit construire un storytelling à partir de ces images qui ne comportent que des indices d'humanité, parfois de manière absurde et toujours sans aucune explication. Est-ce que cela a particulièrement joué dans le choix des lieux que vous alliez filmer ?
Tout le storytelling se lit ici entre les ligne. La narration est entièrement basée sur ces indices. Parmi les nombreux endroits abandonnés que nous avons visités, nous n'avons conservé que ceux qui contenaient encore ces traces, parce qu'elles apportent une dimension supplémentaire à ces lieux.
Établissez-vous une différence entre faire un film destiné aux salles de cinéma et aux festivals d'une part, et des films qui appartiendraient davantage aux galeries d'art, aux musées d'autre part ?
Les films appartiennent aux salles de cinéma, c'est leur place. Ceux que je fais en tout cas. Le grand écran, l'équipement sonore, le fait de voir le film ensemble : tout cela constitue les conditions idéales pour un film comme celui-ci.
Entretien réalisé le 17 mars 2016.
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