Entretien avec Kornel Mundruczo
On parie que White God ne ressemble pas aux films que vous voyez habituellement ? L'ovni du Hongrois Kornel Mundruczo a remporté le Grand Prix de la section Un Certain Regard et sort en France le 3 décembre. Cette fable qui emprunte au thriller et flirte avec l'horreur raconte l'histoire d’une fille et de son meilleur ami, un chien. C'est peut-être tout ce que vous avez besoin de savoir. Sans trop vous en dévoiler, Kornel Mundruczo, vous donne quelques clefs supplémentaires...
Certains de vos précédents films se servaient d’allégories de manière très sobre et minimaliste, comme Delta ou The Frankenstein Project. White God emprunte lui au cinéma de genre et il se situe pourtant davantage dans une réalité sociale que vos précédentes réalisations. Comment avez-vous travaillé sur ce paradoxe ?
La réalité dans l’Europe de l’est a beaucoup changé ces 5 dernières années. Ce qui était lent est devenu très rapide, il n’y a plus d’idéologies claires, et l’agression a pris la place de la mélancolie. Tout cela constitue un vrai défi pour nous, ça nécessite une autre façon de faire du cinéma. Après avoir longtemps pensé à cela, j’ai décidé d’utiliser les vestiges du cinéma de genre. White God débute comme un film familial, se transforme en film d’action avec des éléments sociaux, et se poursuit comme un thriller. C’est une manière pour le public de ressentir et de comprendre le cauchemar commun de l’Europe de l’est.
Question idiote – mais peut-être pas totalement : pensez-vous que White God aurait fonctionné avec un autre animal que le chien ?
Non, ça n’aurait pas marché. Il n’y a pas d’autres espèces ainsi façonnées par l’homme. De plus, il n’y a qu’à travers les chiens que j’avais la possibilité de démontrer comment un groupe oppressé peut devenir totalement déchainé.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur le titre mystérieux, White God, que vous avez choisi ?
Il n’y a pas de mystère à vrai dire autour de ce titre. Toute l’histoire est racontée du point de vue des chiens en tant qu’espèce soumise aux discriminations de race par les hommes. Qui se comportent comme s’il étaient des dieux. Le film raconte à quoi pourrait ressembler la révolte de ceux qui sont assujettis.
Comment avez-vous filmé les séquences impressionnantes des chiens courant dans les rues ?
Le dressage, l’entrainement et les répétitions ont pris trois mois. Les chiens étaient classés par groupes et étaient entrainés à suivre la tête de chaque groupe. Puis, ils ont appris à coopérer entre groupes et finalement avec nous. C’était également une grande expérience pour moi de voir deux espèces travailler ensemble.
White God est vraiment un film unique en son genre. D’autres films vous ont-ils servi d’inspiration ?
Oh, oui. Des films traitant de l’irrationnel, comme Jurassic Park de Steven Spielberg ou Au hasard Balthazar de Robert Bresson, ou bien des mélodrames classiques comme les films de Douglas Sirk. J’ai aussi beaucoup appris des longs métrages hongrois des années 80, des films de la Budapest School.
Votre film est présenté dans le cadre de l’Étrange Festival. Quelle est votre film « étrange » favori ?
Parmi ces dernières années : Under the Skin de Jonathan Glazer. Visuellement, c’est un très grand pas en avant.
Entretien réalisé le 20 août 2014. Un grand merci à Juli Berkes.
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