Entretien avec Kohki Yoshida

Entretien avec Kohki Yoshida

Three Lights de Kohki Yoshida a été l'une des singulières découvertes de la Berlinale. Ce long métrage japonais raconte l'histoire de quelques personnages abimés, et qui se retrouvent pour composer de la musique. Comment s'exprime t-on dans une société qui ne vous autorise pas à être vous-même ? C'est la question délicate que Yoshida se pose dans ce film intense et assez surprenant. Entretien avec son réalisateur.

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Quel a été le point de départ de Three Lights ?

Le studio qu’on voit dans le film est un vrai studio de musique qui se trouve à Tokyo. J’y ai regardé des musiciens pendant un long moment. Durant le processus créatif, j’ai été le témoin de beaucoup de joie mais aussi de conflits. En filmant les musiciens, j’ai eu l’intuition qu’il fallait en faire un documentaire. Certains se servent de leurs traumatismes pour en faire des chansons, et ces moments sonnaient comme un rétablissement de leur âme. Finalement, j’en suis venu à envisager l’acte créatif sous l’angle de la fiction tout en me basant sur cette expérience.

Le tout début de votre film est assez perturbant : ces plans de nuit, la voiture, l’atmosphère sonore menaçante… Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce début de film ?

Je voulais exprimer les conflits intérieurs dès le début du long métrage. La voiture s’enfonce progressivement dans la nuit. Masaki fait face à une énorme porte en fer et l’ouvre. Il entre dans le bâtiment et allume l’ordinateur pour commencer à créer. Et puis le personnage de K apparaît pour la première fois. L’idée était d’aller de plus en plus profondément dans la psyché : ces deux personnages opposés qui se font face, suggérant le conflit. C’est là que je voulais emmener le public.

Three Lights parle de musique et de processus créatif. Est-ce aussi, à vos yeux, un film sur la façon dont on essaie de s'exprimer dans une société qui ne vous autorise pas à être vous-même ?

Je suis heureux que vous voyiez le film ainsi. Je suis tout à fait d'accord. Je n'avais pas comme intention première de traiter du processus de création. Je voulais avant tout montrer un drame humain, dans lequel les gens qui souffrent et sont blessés se rassemblent, s'affrontent, se stimulent, sont bouleversés. Et comment l'esprit se remet de tout cela. Voilà ce qui m'intéressait.

Il y a dans Three Lights une atmosphère étouffante qui est remarquable. Comment avez-vous travaillé sur ce point précis, lors de l'écriture, la mise en scène ou le montage du film ?

Nous avons passé beaucoup de temps sur le montage sonore. Le moindre effet, l'environnement sonore comme la musique sont au centre du début de chaque scène, avant que cette atmosphère sonore ne s'ouvre et se diffuse, en quelque sorte. C'est un travail délicat sur lequel on s'est beaucoup penché. Je voulais que le public ressente l'état de suffocation des personnages, et que le son soit le principal outil.

Aviez-vous des références en tête lors de la préparation de Three Lights ? Avez-vous des cinéastes favoris ?

La référence la plus utile pour la préparation du film, c'était les acteurs eux-mêmes. Ils se sont ouverts avec honnêteté pour embrasser le récit. Il se sont glissés dans leurs personnages. Le temps passé avec eux et les discussions que nous avons eues sont devenus une vraie force pour le film. En ce qui concerne mes cinéastes favoris, j'ai toujours été impressionné par la façon de décrire le réalisme dans les films des frères Dardenne, et par leur regard.

Entretien réalisé le 4 mars 2017. Un grand merci à Masashi Yamamoto.

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par Nicolas Bardot

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