Entretien avec Jim Mickle

Entretien avec Jim Mickle

Quelques semaines après notre couverture en direct du Festival de Gérardmer, retour en une série d'entretiens inédits sur ceux qui ont marqué la 21e édition du Festival du film fantastique ! Dans We Are What We Are, Jim Mickle mêle cannibalisme et fondamentalisme religieux. L'Américain signe un film élégant qui prend le genre au sérieux. En attendant la sortie française de We Are What We Are, Mickle nous parle également de son nouveau film, le thriller Cold in July...

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Lorsque vous avez décidé de faire We Are What We Are, est-ce que craigniez de tomber dans le cliché du remake américain d'un petit film étranger ? Comment avez-vous réussi à éviter les pièges du remake culturel ?

C’était ma principale crainte. Je suis un fan de cinéma et un fan de cinéma d’horreur, par conséquent je suis le premier à être perturbé par les remakes inutiles, surtout quand il s’agit de l’industrie américaine qui chope des idées dans les films étrangers sans leur accorder l’attention qu'ils méritent. Dans le cas de We Are What We Are, je pense que le film original était différent parce qu’il avait beaucoup de grandes idées, qu’il était lié à une certaine mythologie, et qu’il explorait cela de manière très particulière, très retenue et intimiste. Tout dans ce film est vécu du point de vue d’une famille qui vit en vase clos, dans une réalité très mexicaine, très urbaine, avec des épreuves très spécifiques.

On a voulu changer d’angle. Pas seulement en américanisant l’histoire, mais en nous l’appropriant moi et mon scénariste Nick Damici, en la rendant plus personnelle. Cela voulait d'abord dire : se focaliser sur un père seul dans une ville rurale. On a ensuite délaissé tout le background sur la pauvreté pour raconter l’histoire d’une ville qui se reconstruit après un désastre, comme notre ville du nord de l’état de New York qui était en train de se remettre d’un énorme ouragan qui a chamboulé la vie de plein de gens. En somme on a essayé de traiter ce remake comme une reprise inattendue d’une chanson qu’on a beaucoup aimée.

Le fondamentalisme religieux était déjà au cœur de votre précédent film, Stake Land, et c'est un thème qui ne figurait pas dans le film original. En quoi ce thème vous parle t-il ?

Je pense que la dualité peut être une chose terrifiante. L’idée que quelque chose qui grandisse dans l’amour, la beauté et la compassion puisse être corrompu et finisse par vous manipuler, c’est fascinant et c’est effrayant à la fois. Qu’il s’agisse de mormons, de chrétiens, de musulmans, de juifs ou de qui que ce soit.

A Cannes, pendant la rencontre avec le public, une spectatrice a critiqué la façon dont vous représentiez brutalement la violence à la fin du film. C'était encore pire à Deauville (même si le public de Deauville peut être un peu spécial [sourire]) où le public a réagi de façon parfois violente. Qu'est-ce qui fait selon vous qu'une partie du public ne supporte plus du tout la représentation de la violence à l'écran alors que les films d'aujourd'hui sont visuellement beaucoup moins violents que ceux produits dans les années 70 ou 80 ?

On a essayé de laisser de la place à l’imagination et ça a déstabilisé le public d’une façon assez inattendue. Le concept en lui-même est déjà tellement horrible qu’on a décidé de montrer les choses en douceur, avant de laisser l’horreur s’installer peu à peu. Avec un peu de chance, cela crée une idée encore plus crue que si on avait tout montré. Je pense aussi que la fin du film déstabilise le public parce que la violence et le gore ne sont pas juste de l’horreur popcorn, ils sont ancrés dans un sujet concret qui dit des choses sur l’unité d’une famille… et qui ne sera pas accepté par une certaine partie du public.

C'est toujours un plaisir de revoir Kelly McGillis dans vos films. Pouvez-vous nous parler de ce choix et de votre désir de lui confier ces rôles ?

Cela allait de soi parce qu’elle est super bonne. Elle a toujours été talentueuse, mais je pense que le fait de prendre du temps pour élever ses enfants et découvrir qui elle est vraiment, ça lui a donné quelque chose en plus : cette façon d’être sans retenue, à l’écran comme dans la vie. Elle a vécu longtemps hors de l’industrie, à la campagne - « la vraie vie ». Ce n’est pas une actrice aux abois et entre deux âges comme il y en a à Hollywood, et c’est ce qui la rend spéciale. En ce qui concerne We Are What We Are, Nick a voulu écrire quelque chose de drôle, surtout après son rôle sinistre dans Stake Land. C’était drôle de la voir jouer cela, qu’elle montre son sens de l’humour. C’est une femme qui ne se prend pas trop au sérieux.

Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de votre nouveau film, Cold in July ?

Cold in July est un nouveau depart pour nous. C’est un film qui pioche dans de nombreux genres différents : le thriller, l’action, le western, le film de vengeance. Et il y a aussi un humour qu’on n’avait jusqu’ici pas encore exploré. Le film est tiré d’un roman de Joe Lansdale et quand je l’ai lu, j’étais étonné de voir combien il était surprenant et à quel point ce mélange de genres et de personnages est rafraichissant. Après avoir fait un film « féminin », assez intemporel, élégant, on voulait faire quelque chose de surprenant à nouveau en racontant une histoire masculine, de manière brutale, dans l’est du Texas à la fin des années 80. Le casting est composé de Michael C.Hall (dans un rôle très inhabituel), Sam Shepard, Don Johnson, Vinessa Shaw, Nick Damici et Wyatt Russell pour une nouvelle prestation impressionnante et étonnante après We Are What We Are.

Quel est votre film d'horreur préféré ? Retrouvez la réponse de Jim Mickle ainsi que celles de nombreux réalisateurs de genre en cliquant ici !

Entretien réalisé le 10 février 2014. Un grand merci à Marie Queysanne et Charly Destombes.

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par Nicolas Bardot

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