Festival de Gérardmer: Entretien avec Jérôme Lasserre

Festival de Gérardmer: Entretien avec Jérôme Lasserre

La 24e édition du Festival du Film Fantastique de Gérardmer débute ce mercredi 25 janvier ! Le grand rendez-vous annuel du cinéma de genre sera à suivre en direct sur FilmDeCulte. Jérôme Lasserre, responsable du département films, nous détaille les temps forts de cette édition...

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Quel bilan tirez-vous de l'édition 2016 ?

J'en garde un très bon souvenir. Le public a été au rendez-vous et il semblerait que ce soit encore plus le cas cette année à en croire la billetterie (et d'ailleurs notre serveur a rapidement crashé!). C'est un système qui a très bien fonctionné l'an passé. Le Festival de Gérardmer est un festival public et évidemment on pense à nos festivaliers. En ce qui concerne le bilan éditorial, on est très satisfaits. Je pense à notre gagnant, le western fantastique Bone Tomahawk. Il y avait également Évolution de Lucile Hadzihalilovic qui était très bon ; d'ailleurs cette année nous avons un autre film français en compétition : Grave de Julia Ducournau. C'est, je trouve, un très bon film fantastique et comme Évolution il est réalisé par une femme. C'est peut-être les réalisatrices qui constituent l'avenir du cinéma de genre français !

Apportent-elles un point de vue différent sur le fantastique à vos yeux ?

Elles apportent peut-être un point de vue différent sur le genre, et d'ailleurs elles le connaissent bien, Lucile comme Julia. Julia était fan du festival et avait envie d'y présenter son film.

Le festival s'ouvre par un gros morceau avec la projection de Split. On a le sentiment que ce n'est pas toujours évident d'obtenir des grosses productions américaines, est-ce que ça a été le cas sur Split ?

Ce n'est pas tant que ce n'est pas évident, c'est souvent un problème de calendrier. L'an passé, nous n'avions pas de grosse machine à proprement parler. Il se trouve cette année que Split sort en février et son distributeur pense que c'est le bon moment pour montrer le film en festival. A juste titre, car c'est un film qui va faire parler de lui. Il y a parfois une frilosité de la part des distributeurs qui ont peur de la réaction de la presse ou du public, mais là ils y croient. On a proposé l'ouverture et c'est un vrai événement. M.Night Shyamalan ne sera pas là en personne mais il y aura une surprise.

Était-ce une évidence d'inclure le film en compétition ?

C'était franchement évident. Shyamalan est un véritable auteur et il revient vraiment en forme.

Après Jodorowsky l'an passé, c'est un autre grand nom du cinéma qui est honoré cette année avec Kiyoshi Kurosawa. Comment s'est effectué ce choix ?

D'abord on essaie pour l'hommage de ne pas nécessairement se concentrer sur le cinéma américain. On avait la chance de déjà bien connaître Kiyoshi Kurosawa qu'on suit depuis toujours et qui était en compétition à Gérardmer il y a quelques années avec Rétribution. C'est un des auteurs contemporains les plus importants, même au-delà du fantastique. Là aussi nous avons eu de la chance car son nouveau film sort en février, mais cet hommage est calé depuis six mois. On est ravis qu'il ait accepté car c'est un grand maître.

L'un des gros buzz de l'année en termes de cinéma fantastique est Under the Shadow qui est un film particulièrement efficace. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Le sujet du film est rare : le fantastique repose souvent sur un sujet sous-jacent, ancré dans le réel pour donner une double lecture. Ici c'est une double lecture politique, sur l'islamisme radical. Son propos est important, la forme est belle, et c'est rare de voir un film de ce genre venu du Moyen-Orient. C'est une vraie bonne surprise et c'est important de le voir sur un grand écran, dans une salle de cinéma.

L'une des curiosités de la compétition est Rupture, un thriller réalisé par Steven Shainberg qui est un cinéaste à la personnalité très singulière, et qui n'a pas encore, à proprement parler, œuvré dans le cinéma de genre. Comment nous présenteriez-vous ce film ?

Ça n'a effectivement rien à voir avec ses précédent films même s'il y a toujours ce côté sado-maso comme dans La Secrétaire ou dans une certaine mesure Fur. Il y a un peu de ça ici avec cette histoire dans laquelle Noomi Rapace est enlevée et va souffrir pendant 1h30. On ne comprendra pourquoi qu'à la toute fin, il y a un vrai suspens. C'est une exclusivité, il n'a encore jamais été montré en France – et assez peu ailleurs.

Il y a un autre film en compétition que je voulais évoquer : The Autopsy of Jane Doe par un réalisateur norvégien Andre Ovredal qui nous avait enchantés il y a quelques années avec Trollhunter. C'était un film très norvégien, en termes de motifs folkloriques ou d'humour. Est-ce qu'on retrouve sa patte dans cette production britannique ?

Non, le film se situe davantage dans une lignée de films de studio. Dans le bon sens du terme : c'est très bien mis en scène, le récit nous tient en haleine jusqu'à la fin. Les comédiens sont super, Brian Cox et Emile Hirsch campent un père et son fils qui travaillent dans une morgue. C'est de très belle facture, mais très différent de Trollhunter.

Parmi les curiosités de l'année, il y a On l'appelle Jeeg Robot, un film de super-héros italien, ce qu'on n'a pas l'habitude de voir tous les jours. Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce film ?

L'Italie est un pays qui n'est plus vraiment porté sur le genre. Là il s'agit d'un super-héros malgré lui, qui va devoir sauver la veuve et l'orpheline. Jeeg Robot a gagné énormément de prix en Italie, c'est un premier film et il sort des sentiers battus de la production italienne.

Il a obtenu un gros succès public également...

Tout à fait, et il sortira chez nous en avril.

Bruno Barde a commenté lors de la conférence de presse que les enfants et adolescents étaient au cœur de pas mal de films cette année. Ça semble être le cas de The Girl with All the Gifts qui est précédé d'une bonne rumeur. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce film de SF ?

Comme pour les précédents films évoqués, c'est difficile de ne pas trop en dévoiler ! Mais je peux vous dire que le film ne va pas là où vous pensez qu'il va aller. Il y a une maîtrise de la mise en scène qui est assez remarquable, je pense notamment à un plan séquence impressionnant. C'est un de nos films favoris. Il y a certes des enfants ici, mais il y en a aussi ailleurs, c'est une figure classique du genre.

Avez-vous noté une tendance parmi tous les films visionnés pour constituer la sélection ?

On a trouvé qu'il y avait moins de found footage, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose. On revient à une facture plus classique.

Hors compétition, Prevenge est probablement le film avec le pitch le plus fou. Comment nous présenteriez-vous ce film ?

C'est un film britannique (et on a beaucoup de films britanniques cette année), réalisé par une actrice comique, Alice Lowe, et on retrouve effectivement un cynisme assez british. L'héroïne est enceinte, son enfant lui parle et lui fait faire des choses terribles : est-elle folle ou a t-elle un bébé bizarre dans le ventre ? Pour anecdote, l'actrice-réalisatrice était vraiment enceinte au moment du tournage, ce ne sont pas des effets spéciaux. Vous avez déjà vu Alice Lowe dans Touristes de Ben Wheatley, c'est un vrai personnage très intéressant.

Comment s'est effectué le choix de classiques projetés au festival ?

Comme vous avez pu le remarquer, les films remasterisés ont le vent en poupe, il y un vrai marché pour ça. On tenait à projeter des classiques, on l'a déjà fait par le passé. Phantasm de Don Coscarelli, je l'ai vu quand j'étais adolescent, à l'époque de la VHS que vous n'avez peut-être pas connue...

Un peu quand même ! (rires)

Eh bien voilà. C'était un choc à l'époque, surtout L'Enfer des zombies de Lucio Fulci qui est très poétique, avec notamment cette scène des zombies sur le pont de New York – c'est une vraie madeleine de Proust avec des images marquantes. Il y a une jeune génération qui n'a pas vu ces films, surtout dans une salle de cinéma. On se doit aussi de montrer ces films.

Avez-vous un coup de cœur dans la sélection que nous n'aurions pas évoqué et sur lequel vous aimeriez dire quelques mots ?

Oui, je pense notamment à Fear Itself, un essai documentaire réalisé par un jeune Anglais de 22 ans. Il s'agit d'un montage d'extraits de films d'horreur qui parle de la peur, avec l'utilisation d'une voix off. C'est très bien fait, c'est un film sur ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, ce qu'on croit et ce qu'on ne croit pas, c'est assez intelligent et ça rappelle plein de souvenirs – de classiques comme des films plus rares. Il y a aussi The Void que j'apprécie particulièrement, un film de monstres à la Carpenter, sans effets numériques, plutôt mécaniques, c'est rare de nos jours et ça fait du bien de voir cela revenir !

Entretien réalisé le 19 janvier 2017. Un grand merci à Aïda Belloulid.

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par Nicolas Bardot

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