Entretien avec Jang Kun-Jae
Du sang neuf en Corée ! Primé au Festival de Jeonju, Jang Kun-Jae est une des révélations de l'année avec son film Sleepless Night, qui raconte avec grâce la vie quotidienne d'un couple. Le réalisateur a répondu à nos questions.
FilmDeCulte : Quel a été votre parcours avant la réalisation de Sleepless Night ?
Jang Kun-Jae: J'ai étudié le cinéma à l'université, puis j'ai passé un diplôme de chef opérateur à l'Académie du cinéma coréen. Après avoir travaillé comme chef op sur des productions indépendantes, j'ai décidé de porter mes propres histoires à l'écran. Mes efforts ont été récompensés avec Eighteen (2009), mon premier long métrage, qui a été produit par la boite de prod que j'ai fondée, Mocushura. Actuellement j'enseigne la mise en scène à l'Université de Yong-In où j'occupe le poste d'assistant.
FdC : Quelle part avez-vous laissé à l'improvisation dans Sleepless Night ?
JKJ: C'était un mélange de préparation et d'improvisation. Au départ, la seule phrase écrite dans le scénario était "la vie quotidienne d'un couple à la trentaine bien avancée". J'ai commencé le casting sur cette simple base. J'ai beaucoup parlé avec les acteurs, l'essentiel de la préparation du film était là. D'une certaine façon, on peut dire que le script a été créé par et avec les acteurs. J'ai amené le pitch, puis les dialogues ont été écrits à partir de nos conversations.
FdC : Votre narration laisse une large place aux détails, aux moments d'entre deux où il ne se passe pas forcément énormément de choses, et pourtant vous parvenez à créer des personnages et des relations complexes. Pouvez-vous nous parler de ce choix narratif ?
JKJ: La plupart des événements dans le film sont des choses qui nous sont arrivées à mon épouse et moi. J'ai partagé ça avec mes acteurs et on a essayé, en parlant, de rendre ça plus cinématographique. C'était essentiellement une question d'intuition. Le tournage débutait, mais on ne savait pas vraiment quand il allait s'achever. Au départ, j'imaginais un moyen métrage avec 7-8 jours de tournage. Finalement on a tourné 22 jours, étalés sur 3 mois. Par exemple, l'idée pour la dernière scène a surgi au beau milieu du tournage.
FdC : Sleepless Night a remporté le prix du meilleur film au Festival de Jeonju. Quelle différence y'a t-il entre ce festival et un festival plus connu comme celui de Busan ? Comment avez-vous vécu votre prix ?
JKJ: Recevoir un prix au Festival de Jeonju était un formidable encouragement. Ce festival est à la recherche de visions alternatives, et montre notamment des films expérimentaux. S'il y a un sens à être récompensé dans un plus gros festival, il est aussi important pour le film de rencontrer le public dans un festival qui accorde de l'importance à ces points précis.
FdC : Vous réalisez ici votre second film. Quel regard portez-vous sur la jeune génération de cinéastes coréens ? Quels sont les cinéastes coréens ou internationaux que vous aimez ?
JKJ: J'adore Stateless Things (2011). Son réalisateur, Kim Kyung-Mook, est mon réalisateur préféré. Il a commencé par raconter des histoires très personnelles avant de s'intéresser aux minorités raciales et sexuelles en Corée. C'est un ami très proche, mais son style visuel est très différent. Je pense qu'il y a une saine émulation et une influence mutuelle entre nous deux. Sinon, mon réalisateur étranger favori est Hirokazu Kore-Eda (lire notre entretien).
FdC : Sleepless Night est-il sorti en Corée ? Si oui, comment a t-il été diffusé, quelles ont été les réactions ? Les réactions en Corée ont-elles été différentes des réactions lors de la présentation du film dans des festivals étrangers ?
JKJ: Jusqu'ici le film a été montré dans des festivals, et sa sortie est prévue pour la première moitié de 2013 en Corée. Le public coréen ne réagit pas au film de façon différente par rapport au public étranger. Le problème principal du couple dans Sleepless Night, c'est comment vivre en tant que couple. J'ai eu le sentiment que le public écoutait et avait une certaine empathie envers les soucis quotidiens de ce couple.
FdC : Quels sont vos projets ?
JKJ: J'ai plusieurs projets en tête mais je ne me suis pas arrêté sur un en particulier. Sleepless Night est mon second long métrage. Je veux penser longuement à mon troisième long métrage, quel qu'il soit. Je veux qu'il reflète mes pensées et mes préoccupations dans la vie. C'est ma seule façon, dans mon cinéma et dans ma vie, d'avancer.
Entretien réalisé le 21 décembre 2012.