Entretien avec James Ward Byrkit
Ancien collaborateur de Michael Bay et de Gore Verbinski, James Ward Byrkit a signé le vertigineux Coherence, l'une des révélations du dernier Festival de Gérardmer. Cette pépite de science-fiction raconte à la façon de La Quatrième dimension la nuit étrange et inquiétante passée par un groupe d'amis. James Ward Byrkit nous a réservé sa première interview en français et vous présente son long métrage aussi excitant que singulier...
Coherence est un ovni. Quel a été le point de départ d'un film aussi singulier ?
Je voulais expérimenter en me débarrassant du script et en permettant aux acteurs d'improviser à travers un puzzle élaboré. Mon co-scénariste Alex Manugian et moi-même savions qu'une histoire dans un espace confiné paraîtrait plus grande, plus captivante encore en jouant sur les niveaux de réalité, à la façon d'un épisode de La Quatrième dimension. En somme, l'idée de Coherence était d'élargir cette histoire minimaliste et d'expérimenter à partir d'un scénario improvisé (le film étant improvisé à 98%).
On entre immédiatement dans le film grâce aux premières scènes très vivantes et spontanées. Comment avez-vous travaillé avec vos acteurs ?
La clef a été de tourner sans script. Je voulais des performances absolument naturelles, réelles. Les réactions spontanées, c'était crucial. Alors les acteurs ne savaient pas ce qui allait se passer d'une nuit à l'autre. Je leur ai fourni quelques notes concernant le background de leurs personnages, leurs motivations, etc. Mais ils ne savaient pas ce que j'avais pu dire aux autres acteurs. Tout cela a été fait sans répétitions. Parfois, on revenait en arrière pour changer de direction, mais on a rarement eu à revenir sur une scène. On a tourné le film pendant 5 nuits dans mon salon.
Coherence montre très peu et parvient à suggérer beaucoup. C'est ce qui donne beaucoup de tension au film. Est-ce que cette approche reflète vos goûts en matière de fantastique ? Avez-vous jamais envisagé une approche plus explicite, l'usage d'effets spéciaux spectaculaires par exemple ?
J'ai commencé en travaillant sur les storyboard de réalisateurs tels que Michael Bay et Gore Verbinski. "Plus, toujours plus" était un peu l'idée générale, et on essayait de remplir le cadre avec plein de trucs cool. Puis j'ai commencé à réaliser des publicités et là encore elles étaient très élaborées visuellement, certaines d'entre elles sont visibles sur mon site. Mais à chaque fois, la pureté du travail avec les acteurs et un concept, ça m'a manqué. C'est le test ultime. Aujourd'hui, vous pouvez jeter plein d'argent dans un film pour le rendre visuellement stupéfiant. Mais c'était précisément à l'opposé de ce dont il était question pour Coherence.
Un autre élément surprenant de votre film est que vous n'avez pas peur des dialogues (qui sont parfois plus effrayants que le reste du film, à l'image de l'anecdote sur la Finlande). Les dialogues longs et sérieux sont finalement assez rares dans le fantastique, craigniez-vous à un quelconque moment de dérouter votre public ?
On en était tout à fait conscient. Le film ne peut pas être au goût de tout le monde, alors on a trouvé un compromis satisfaisant. On savait qu'il y avait un juste milieu. On a testé des prises avec moins de dialogues, avec la séquence du dîner dans une version raccourcie, et ça ne marchait pas aussi bien. Il n'y avait pas le bon rythme, ou pas assez de réalisme pour créer le ton qu'on recherchait. Finalement c'est super, car pour chaque personne qui dira "Il y avait un peu trop de conversation lors du dîner", il y en aura une autre qui pensera "J'aurais aimé que cette scène soit encore plus longue !".
Aviez-vous en tête des références pour Coherence ?
La Quatrième dimension était notre référence sur l'atmosphère générale. Mais j'ai aussi pensé à Carnage de Roman Polanski et à la pièce d'origine. A part ça, le film vient aussi des nombreux tests faits avec ma caméra auparavant.
Quels sont vos nouveaux projets ?
J'ai découvert qu'il y avait un appétit pour la science-fiction astucieuse, qu'on pourrait décrire en quelque sorte comme du grindhouse amélioré. Du coup j'adorerais produire une histoire de voyage dans le temps en forme de casse-tête sur laquelle j'ai travaillé. Avec un peu de chance, Coherence m'aidera à lancer le tournage de ce film.
Entretien réalisé le 15 avril 2014.