Entretien avec Jackie Kong
Elle était à l’honneur lors de la dernière édition de l’Étrange Festival où son ovni Blood Diner était présenté dans le programme de Pépites. Réalisatrice de quelques raretés cultes des années 80, Jackie Kong est une des rares femmes cinéastes du genre. Et ce n’est pas pour rien que Jackie Kong est parfois surnommée Queen Kong ! De la comédie régressive et totalement dingue Night Patrol à l’horreur euphorisante de Blood Diner, Jackie Kong s’est distinguée par une totale liberté de ton et une folie réjouissante. Alors qu’elle prépare son grand retour avec un nouveau long métrage (son premier en une vingtaine d’années), nous l’avons interrogée…
Blood Diner est un film complètement fou et imprévisible. Vous souvenez-vous d’anecdotes de tournage particulières ?
Il y en a trop, par où commencer ? Par exemple notre chef accessoiriste a presque été arrêté par la police quand il a dû s'expliquer au sujet des membres humains qui étaient entassés dans son coffre pour le film. Le sidekick de Stan était, dans le scénario, écrit pour un vrai acteur. J'ai eu l'idée d'utiliser plutôt une poupée qui parle, pour rendre le personnage encore plus solitaire.
Blood Diner a parfois été présenté par erreur comme une suite de Blood Feast d’Herschell Gordon Lewis, film avec lequel le vôtre partage quelques similitudes. Quel lien établiriez-vous entre ces deux longs métrages ?
En fait je n'ai jamais vu Blood Feast. Blood Diner est une création à moi, qui vient directement de mon imagination, et qui va bien au-delà même de ce qui était écrit dans le script. Le scénario était à la base plus prévisible.
Avant Blood Diner, vous avez réalisé Night Patrol avec Linda Blair. Quels souvenirs gardez-vous de cette collaboration ?
On n'avait pas d'argent. Tous ceux qui ont travaillé sur le film n'ont été payés que bien après... On a tourné le film seulement le weekend, on s'arrangeait pour répéter durant la semaine. Ça a pris des mois ! Mais j'ai adoré faire ces répétitions avant de tourner les scènes. Nous avons commencé le tournage en avril, on n'a terminé qu'en juillet. On patrouillait dans Los Angeles, à bord de fausses voitures de police. Si on avait été pris, on aurait très certainement été arrêtés.
Blood Diner et Night Patrol sont deux films qui ne font aucune concession, avec une grande liberté de ton et qui ne se refusent absolument rien. Pensez-vous que les années 80 étaient plus propices à ce type de projets fous ?
Non, si j'ai eu une grande liberté, c'est parce que j'étais laissée totalement seule. Du coup j'ai pu faire ce que je voulais... En ce qui concerne Night Patrol, il fallait pouvoir le vendre une fois terminé. Donc le film devait être drôle. Pour Blood Diner, il y avait en quelque sorte une garantie, et les boss étaient terrifiés à la simple idée de se montrer sur le plateau car ils savaient à quel point le budget était hyper serré. Cette liberté n'avait pas grand chose à voir avec les 80's, mais plus avec l'idée de faire ce qu'on veut faire.
Il y a peu de femmes réalisatrices de films fantastiques, ou de comédies horrifiques. Comment l’expliquez-vous ?
Les gens ne pensent pas que des femmes peuvent faire ce job. J'espère leur avoir prouvé qu'ils ont tort.
Est-ce qu’être une femme constituait un challenge particulier dans votre carrière ?
Tout à fait.
Vous n’avez pas dirigé de long métrage de cinéma depuis les années 80. Pourquoi une telle absence ?
A vrai dire, rien ne m'a suffisamment intéressée... jusqu'à maintenant.
Et pouvez-vous nous en dire plus sur votre nouveau projet, Coexistence ?
Attendez, et vous verrez ! Il y aura beaucoup de surprises, ce sera totalement imprévisible. Je vous promets que ce ne sera pas ennuyeux... et mes fans verront que ça valait la peine d'attendre.
Lorsque vous avez posté notre article de Blood Diner sur votre page Facebook, vous avez commenté : « les Français comprennent vraiment mes films ». Est-ce que c’est une chose que vous avez déjà remarquée ? Avez-vous le sentiment d’être incomprise aux États-Unis ? Ou était-ce simplement ironique ?
Je suis toujours ironique... Mais sérieusement, Night Patrol s'est joué pendant des mois en France. Quand j'étais à Paris, les gens connaissait les scènes par cœur. Et ils savent combien il est difficile de faire rire le public. Peut-être fallait-il être intellectuellement sûr de soi pour se laisser aller à rire. Mes films ont toujours eu le sens de l'humour. Je pense d'ailleurs que c'est grâce à cela qu'ils tiennent encore debout. Blood Diner est tellement extravagant que lorsqu’il est sorti, la commission de classification a carrément refusé de lui donner un visa particulier, tellement ils étaient furieux que mes personnages aient l'air de gens normaux et non de fous furieux. J'ai fait comme s'il s'agissait de ce genre d'activistes qui se croient en mission pour Dieu et posent des bombes dans les cliniques d'avortements. Souvenez-vous qu'à l'époque, il n'y avait ni Dexter, ni Breaking Bad.
En bref, les Français ont montré beaucoup plus d'enthousiasme vis-à-vis de mes films, tandis que les Américains se sont débattus avec, n'ont pas su quoi en faire, et n'ont fini par les comprendre que 20 ans plus tard grâce à une nouvelle génération.
Entretien réalisé le 15 décembre 2013
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