Entretien avec Gustav Deutsch
Réalisé par l'Autrichien Gustav Deutsch, Shirley: Visions of Reality (en salles ce mercredi 17 septembre) donne vie à treize tableaux d'Edward Hopper. A l'arrivée, un fascinant projet à mi-chemin entre la peinture et le cinéma qui raconte l'histoire de Shirley, une actrice dont l'histoire est racontée d'une toile à l'autre. Rencontre avec le réalisateur.
FilmDeCulte : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Gustav Deutsch : Je m’appelle Gustav Deutsch, je suis né et j’ai grandi à Vienne, mais désormais je vis et travaille là où mon travail me mène. J’ai longtemps travaillé comme architecte, mais je me suis mis à réaliser des films dans les années 1980. En ce qui concerne mon travail autour du cinéma, je préfère me rapporter au terme cinématographe, tel que décrit par Robert Bresson dans son essai Notes sur le cinématographe. tel que décrit par Robert Bresson dans son essai Notes sur le cinématographe.
FDC : Quel était le point de départ pour votre travail sur Shirley: Visions of Reality : vouliez-vous creuser dans l’œuvre de Hopper ou utiliser ses peintures comme base pour raconter votre propre histoire ? Ou les deux ?
GD : Dans mon travail cinématographique, je me basais jusqu’à présent surtout sur le found footage. Je travaillais à partir d’extraits de films déjà existants. A travers le montage, le son et la musique, je cherchais à créer un nouveau sens, à déterrer quelque chose qui ne faisait pas forcément partie des intentions premières des réalisateurs. Je voulais créer de nouveaux récits en me basant sur des matériaux préexistants, et c’est également ce que j’ai fait pour Shirley. La seule différence étant que ces matériaux étaient des peintures. J’ai donc trouvé, si l’on peut dire, 13 tableaux, 13 instantanés de récits. Je pense que ces récits existaient dans l’esprit de Hopper mais qu’il a choisi de les rendre accessibles au public uniquement par fragments. Il n’a jamais rien dit de plus sur ces récits, mais ce qu’il nous montre dans ses tableaux ne peut que pousser l’imagination à travailler. C’est précisément ce qu’il y a d’aussi fort et de fascinant dans son œuvre : elle inspire et permet des interprétations et identifications multiples. Mais ce ne sont pas ses récits qui m’intéressaient, c’était les miens, la manière dont j’allais raconter l’histoire de cette femme qui domine la plupart de ses peintures. J’ai décidé que cette femme serait toujours la même : Shirley, une actrice.
FDC : On pourrait dire que Shirley est un film qui a un pied dans le cinéma de fiction classique et un pied dans les arts plastiques expérimentaux, mais une telle frontière fait-elle sens pour vous ?
GD : Avant même d’entreprendre mes études d’architecture, j’ai écrit mon mémoire de fin d’études aux Beaux-Arts sur le mouvement Bauhaus : l’architecture mais aussi la peinture, la sculpture, le cinéma, la musique… toutes ces disciplines s’influençaient les unes les autres, jusqu’à ne faire parfois qu’une. Je trouve très dérangeante et contre-productive la façon dont on sépare les formes d’art. C’est toujours le cas dans le cinéma, mais peut-être encore plus en architecture. Le cinéma commercial et le marché de l’art ont chacun leurs buts et leurs priorités, ils ont besoin d’évoluer dans un circuit propre. Or, pour les artistes, c’est l’inverse. Si je n’avais pas étudié l’architecture, je n’aurais pas été capable de recréer les tableaux de Hopper en trois dimensions. Tous les décors, les meubles et les objets ont été fabriqués pour l’occasion, comme des sculptures. L’artiste Hanna Schimek a reproduit chaque petit tableau que l’on peut distinguer dans ses peintures ainsi que chaque paysage et toile de fond, agrandis à échelle humaine. Mon actrice principale, Stephanie Cumming, est danseuse. Nous avons établi ensemble la chorégraphie de ses mouvements. La costumière, Julia Czepp, est créatrice de mode, elle possède sa propre marque: mija.t.rosa. Aucune frontière donc, uniquement une coopération créative au service d’une seule forme d’art.
FDC : Comment avez-vous opéré votre sélection de tableaux : les avez-vous choisis selon la manière dont ils pouvaient s’inscrire dans votre cadre fictionnel préétabli ou au contraire les avez-vous laissés vous inspirer ?
GD : Comme je l’ai déjà dit, j’ai pris les peintures comme point de départ pour créer une histoire. L’histoire d’une femme qui apparait dans tous ces tableaux, à l’exception d’un (Sun in an Empty Room), dans laquelle j’ai choisi de la faire pénétrer. Une femme qui vit aux Etats-Unis, à l’époque où ont été peints ces tableaux, et dont les pensées, les émotions et les observations nous donnent à voir cette période de l’histoire américaine. Chaque chapitre se déroule l’année précise où a été peint le tableau. Les chapitres se déroulent de manière chronologique, illustrant en cinq ou sept minutes ce qui se passe avant et après l’instant précis montré dans l’œuvre originale. Au total, 34 années de la vie de cette femme sont couverts, avec parfois des sautes de dix ans, période où Hopper ne peignait plus une seule femme. Mon histoire est aussi fragmentée que la sienne.
FDC : Les toiles de Hopper sont célèbres et reproduites dans le monde entier, quitte à parfois être réduites à leurs qualités décoratives. Votre film parvient à rappeler la violence intrinsèque de son œuvre via la solitude extrême où se trouvent vos personnages. A un moment, l’héroïne dit même qu’elle se sent “comme un corps sans passé“. Diriez-vous que c’est de cette solitude, de cette désincarnation dont parle l’œuvre de Hopper?
GD : Shirley ne parle pas d’elle-même lorsqu’elle dit ça. Elle est assise dans une salle de cinéma au moment de l’entracte (le titre original du tableau de Hopper est d’ailleurs Intermission). Elle regarde Une aussi longue absence (réalisé par Henri Colpi en 1961, un film que Hopper a vu), et elle médite sur l’histoire du protagoniste : un clochard amnésique a perdu la mémoire suite à des actes de torture perpétrés par les nazis, il est recueilli par une femme rencontrée par hasard et qui voit en lui son ancien mari. Mais il ne se souvient de rien : ni d’elle ni de sa vie passé, ni de l’endroit où ils sont censés avoir vécu ensemble. Shirley pense à tout cela, à la perte de mémoire dans une relation amoureuse, alors qu’elle se trouve elle-même dans une situation cruciale : son partenaire, Stephen, qui est en train de devenir aveugle, vient de disparaître sans laisser de trace. D’une certaine manière, le film lui renvoie l’image de son problème et de ses émotions, et lorsque le film reprend à la fin de l’entracte, c’est son visage, et donc ses émotions, qui reflètent le film à leur tour. L’Histoire est faire des petites histoire personnelles des gens de tous les jours. Les personnages des tableaux de Hopper, dans leur apparente isolation, représentent des histoires et destins personnels qui nous rappellent les nôtres. Quelle violence que de se dire que nos vies et nos destins sont en réalité dirigés par le sens de l’Histoire! Shirley n’accepte pas cela. Hopper disait « Mon seul but était simplement de peindre la lumière du soleil sur la façade d’une maison ».
FDC : En recréant ces tableaux, on peut dire que vous les “animez”, un terme pas si anodin car Shirley se rapproche parfois un peu du cinéma d’animation, notamment par votre manière de découper et créer l’espace par l’utilisation de couleurs. C’est quelque chose que vous aviez en tête ?
GD : Dans mon œuvre, je me suis toujours intéressé aux répercussions et aux à-côtés de l’histoire du cinéma. Les Tableaux Vivants furent précurseurs du cinéma. C’était un passe-temps populaire au 19e siècle que de rejouer et mimer les tableaux célèbres. Le cinéma, à ses débuts, répondait d’ailleurs aux mêmes attentes. Je voulais me référer à ces pratiques pré-cinématographiques. Hopper utilisait les couleurs et la lumière de manière vraiment unique. Il est d’ailleurs notoire qu’il a été très largement influencé par le cinéma, surtout les films noirs. De plus, il a travaillé comme dessinateur pendant plus de vingt ans. Tout cela se retrouve dans ses peintures, c’est ce qui les rend tellement incomparables et uniques. Les pièces qu’il peignait se ressemblent toutes : elles sont presque vides, il y a très peu de meubles et ceux-ci sont basiques, sa palette est réduite à un nombre restreint de couleurs. Hopper ne dépeint pas la réalité, il la met en scène. Il peut utiliser trois sources lumineuses pour un plus grand effet mais ses personnages ne projettent aucune ombre.
Traduire tout cela en trois dimensions et à échelle humaine sur des plateaux de tournages à éclairer artificiellement fut une tâche ardue, mais notre équipe était très motivée : Hanna Schimek, était responsable du concept global de couleur, Jerzy Palacz le chef-opérateur, et Dominik Danner le chef-éclairagiste, étaient tous aussi obsédés que moi par la réussite de notre entreprise. Il leur fallait prendre en compte non seulement les plans-séquences, mais aussi les gros plans, les zooms, les panoramiques, et tous les déplacements des acteurs. J’avais dessiné un story-board précis pour chaque plan, afin de pouvoir régler chaque détail avec l’équipe et de nous organiser très en amont. Nous n’avons jamais eu l’intention de corriger numériquement en postproduction ce que nous avions du mal à atteindre manuellement. Si quelque chose s’avérait impossible à obtenir, nous l’acceptions. Nous n’avons jamais utilisé de fond vert, nous n’avons remplacé aucune couleur, nous n’avons rajouté aucune ombre par la suite. Nous avons utilisé uniquement des couleurs monochromatiques pour les murs, les sols et les meubles, ce qui accentuait encore l’aspect déjà très artificiel du film, qui le rend proche à la fois du cinéma d’animation et du Pop Art. Nous avons fait tout cela à la main car cet aspect concret et tangible était fondamental pour nous.
FDC : Dans Shirley, vous donnez beaucoup d’importance au hors-champ, à tout ce qui se déroule en dehors du cadre, notamment grâce au son. Les bruits de tous les jours sont omniprésents et viennent souligner la solitude des protagonistes. Il y a une même une scène où les bruits d’un film qui passe hors-champs deviennent de plus en plus forts jusqu’à ressembler à un cri. Pouvez-vous nous parlez de cette place centrale que vous donnez au son, et au travail que vous avez effectuez autour ?
GD : Souvent dans les tableaux de Hopper, les protagonistes observent ou sont témoins de quelque chose qu’ils ne partagent pas avec nous, quelque chose qui est absent du tableau. La plupart des femmes qu’il a peintes regardent par la fenêtre, fixent quelque chose, réagissent à un élément inconnu. Je pouvais bien sûr tout inventer, et je pouvais amener cet élément par les sons et par le monologue intérieur de Shirley. La voix à la fois captivante et tout en retenue de Stephanie Cummings nous permets de partager l’intériorité de sa vie professionnelle et privée. Les voix des passants, le bruit des voitures, le cri des mouettes, un chien qui aboie, une chanson qui passe à la radio, le bruit du métro aérien qui traverse Manhattan, le rire d’un enfant… les sons créent des images que nous ne pouvons pas voir. Nous avons dû rechercher ces sons pour les enregistrer, nous en avons téléchargés quelques-uns sur des bibliothèques en ligne.
Avec Christoph Amann, qui était responsable du son, nous avons créé un monde acoustique à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des tableaux, en nous rapprochant le plus possible des sons authentiques de cette époque. Christian Fennesz, le célèbre compositeur autrichien avec lequel je travaille depuis mes quatre derniers films, s’est par la suite emparé de ces sons d’ambiance pour créer une musique originale, qui souligne et reflète les états physiques et affectifs des personnages. Cette musique est particulièrement discrète mais elle est cruciale pour l’atmosphère générale du film. Nous utilisions d’ailleurs une version de cette musique lors du tournage afin de diriger les comédiens dans leurs mouvements et leurs actions, mais aussi afin de créer une ambiance émouvante pour eux. Christian Fennesz nous a également permis de collaborer avec Davild Sylvian, un compositeur et interprète avec qui il avait déjà travaillé. Ses chansons sont un élément très important de la bande originale du film. L’une de ses chansons possède pour texte un poème d’Emily Dickinson, l’auteur préféré d’Hopper. David et Christian l’ont composée et interprétée spécialement pour le film. Et enfin il y a les actualités lues par un animateur radio entre chaque chapitre. C’est une idée qui m’est venue en lisant la trilogie U.S.A. de John Dos Passos, où il interrompt régulièrement les récits des destins de ses personnages par des actualités. Les sons sont aussi importants que les images car ils les animent.
FDC : Pouvez-vous nous parler plus en détail de la scène se déroulant à l’entrée d’un cinéma, où Shirley s’adresse soudain à la camera ? Qu’est ce qui se passe exactement à ce moment-là ?
GD : Il ne s’agit pas d’un cinéma mais d’un hall d’hôtel (c’est d’ailleurs le nom original du tableau correspondant). Le son ne provient pas d’un film mais d’une pièce de théâtre : The Skin of our Teeth de Thornton Wilder. Dans ce tableau de Hopper, on voit une femme assise dans un hall d’hôtel, qui lit ce qui semble être un scénario. J’ai décidé qu’en tant qu’actrice, Shirley serait en train de répéter une pièce. J’avais vu The Skin of our Teeth quand j’étais jeune, à seize ans, lors de ma première visite à Londres, et c’est une pièce qui m’avait fait très forte impression. Je me suis rappelé de cette pièce et j’ai même découvert que sa première avait eu lieu l’année-même où Hopper a peint ce tableau : en 1942, en pleine Seconde Guerre Mondiale. La pièce est une allégorie de la vie humaine, centrée autour de la famille Antrobus (un nom qui vient du mot grec pour « humain » ou « personne »). L’action se déroule à l’époque moderne mais regorge d’anachronismes remontant jusqu’à l’époque préhistorique. L’histoire est régulièrement interrompue par les acteurs qui s’adressent directement au public.
Ma scène s’est donc développée naturellement en partant de là : alors que Shirley répète le rôle de Sabina, la femme de ménage des Antrobus, les autres personnes qui l’entourent deviennent M. et Mme Antrobus, les personnages de la pièce de Wilder. Dans la pièce, un dinosaure est censé entrer en scène, c’est lui qu’on entend faire irruption dans ma scène, de manière acoustique uniquement. Le taxi des Antrobus arrive, il va les conduire au théâtre, le théâtre dans lequel Shirley jouera leur femme de ménage Sabina deux mois plus tard. C’est précisément à ce moment-là que le dinosaure crie dans l’hôtel et qu’une partie de la scène s’élève, tout comme dans la pièce de Wilder. Le hall d’hôtel se transforme alors en scène de théâtre, les projecteurs s’allument, Shirley se lève et s’adresse aux spectateurs dans un style très « Oncle Sam déclamant I Want You » et récite le texte de Sabina : « Le conseil que je vous donne c’est de ne pas vous demander "pourquoi" ou "comment", mais de manger votre glace et d’en profiter tant qu’elle est dans votre assiette. Voilà ma philosophie ! ». Voilà tout simplement ce qui se passe dans cette scène.
FDC : Cette scène possède un aspect fantastique et brutal, qui m’a d’ailleurs rappelé INLAND EMPIRE de David Lynch. Diriez-vous que Shirley possède une dimension fantastique ?
GD : Tout comme dans la pièce de Thornton Wilder, il s’agit plus d’un aspect métaphorique que fantastique. La pièce et le tableau ont été peints l’année suivant l’attaque de Pearl Harbour, les Etats-Unis venaient d’entrer en guerre. Je n’ai pas la moindre idée de ce que Hopper avait en tête lorsqu’il a peint cette jeune femme dans sa robe d’été bleue en sandales et manches courtes, accompagnée d’une vieille dame portant une fourrure et un chapeau à plume, dans un hall d’hôtel mal éclairé avec des imitations de colonnes romaines en bois. Par contre, je pouvais m’en servir pour faire s’y dérouler une scène inspirée d’une pièce de théâtre écrite pendant une guerre et traitant de la répétition dans l’histoire de l’humanité.
Je pouvais également faire s’y dérouler une scène sur la capacité d’une actrice à transformer une vision en réalité, même si cela ne se passe que dans son imagination. La première de la pièce de Thornton Wilder a eu lieu à l’automne 1942 au Shubert Theatre de New Haven. C’est dans ce théâtre que se jouera la version de la pièce que répète Shirley à cet instant dans le hall de l’hôtel de New Haven ce 28 aout 1942. Cette version sera mise en scène par Elia Kazan, qui comme elle fait partie du Group Theatre. Sabina, le rôle que répète Shirley, est une indécrottable pessimiste sans imagination. Elle dit « C’est bien là tout ce que nous ferons – recommencer à nouveau ! Encore et toujours recommencer ! Toujours recommencer ». Shirley se rappellera de cette phrase dix ans plus tard, en 1952, lorsque le groupe avec qui elle travaillera alors, le Living Theatre, devra émigrer en Europe pour cause de pressions politiques. Elle se rappelle cette phrase alors qu’elle est allongée sur son lit dans la lumière du matin (le nom original du tableau de Hopper est d’ailleurs Morning Sun). Elle a passé une nuit blanche car elle ne peut pas comprendre pourquoi, en plein Maccarthysme, Elia Kazan les a dénoncés à la commission de la Chambre des représentants pour activité anti-américaines, pourquoi il a trahi ses anciens collègues du Group Theatre en les dénonçant comme étant communistes. Au final, Shirley n’est pas un songe, c’est juste une vision de la réalité.
Entretien réalisé le 19 avril 2013.
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Could you introduce yourself to our readers?
My name is Gustav Deutsch, I am born and based in Vienna, but live and work wherever my projects lead me to. I am trained as an architect and moved to film and art in the 1980s. For my work with and on film I prefer the job title KINEMATOGRAPHER, as described by Robert Bresson in his book "Notes sur le cinématographe".
What was your first intention with SHIRLEY: did you want to dig into Hopper’s work or rather use it as a starting point to tell your own story? Or Both?
Up till now my filmic work was mainly focused on found footage. I was using excerpts of already existing films, and through montage, sound and music, I managed to create meaning contexts by attempting to unearth something that might not have been the original intention of the filmmakers. I wanted to narrate new stories out of already exisiting filmic materials, and this is also true for Shirley – Visions of Reality, only that the source materials are paintings. I found – so to say – 13 frames of a narrative, that I believe has existed in Hoppers mind, but that he made accessible to the public only in fragments. He never told us more of this narrative, but what he told us through these paintings, lets the imagination flow. This is what is so strong and fascination on his work – it inspires and allows multiple interpretations and identifications. I was never interested in his narrative, but wanted to create mine, telling the story of the woman, that dominates most of his paintings. I decided that this woman is always the same one – SHIRLEY, an actress.
One could say SHIRLEY is a movie that has one foot in “plain” fiction cinema, and the other in experimental plastic art. But is such a frontier relevant at all to you?
Already before my studies as an architect, I did my school leaving examination in fine Art on the BAUHAUS movement: architecture, painting, sculpture, film, music, were all united as vice versa influencing disciplines. I find it very disturbing and unproductive how separated the art- and the film world still is, not to speak about architecture. Commercial cinema and the art market have other priorities and goals, and for them worlds need to be separated. But for artists it is the contrary. If I would not have studied architecture, I would not have been able to reconstruct Hoppers paintings three dimensionally. All furniture, all decorations, all objects of this film were build as artefacts, like sculptures. All panel paintings in Hoppers paintings and all backdrop landscapes were copied and enlarged to live size by the painter Hanna Schimek. My main actress, Stephanie Cumming, is a dancer, together we developed the choreography of her movements. The costume designer Julia Czepp, is a fashion designer and has her own label: mija.t.rosa. No frontiers, but creative cooperation on one artwork.
Regarding the paintings you chose: did you choose them according to a pre-arranged fictional frame you wanted them to fit in, or did you let them inspire you a new story?
As mentioned before, I took the paintings as a starting point for the creation of a story. A story about a woman who appears in these paintings, with the exception of one (Sun in an empty Room), in which I let her enter. A woman who lives in America, in the time when these paintings were made, and whose thoughts, emotions and contemplations lets us observe this era in American history. Each episode plays in the year of the respective painting. The episodes are ordered chronologically, showing in 5 to 7 minutes what happens before and after the moment depicted in the painting, thus covering 34 years of her live, with gaps up to ten years, when Hopper didn't paint a woman. My story is as fragmentary as his.
Hopper’s paintings are famous worldwide, but sometimes appreciated for their decorative aspects only. You manage to reflect the inner violence of hopper’s painting. The main character’s isolation is a form of violence as she says she is “like a body without history”. Would you say this is what Hopper’s paintings are about?
Shirley doesn't say this about herself. Sitting in a cinema during an intermission (the title of the respective Hopper painting) of the film "Une aussie longue Absence" (Henri Colpi, 1961, a film Hopper has seen) she reflects on the main character and the story of the film: a clochard who has lost his memory as a result of tortures by the Nazis, is found by chance by a woman and recognized as her former husband. But he does not remember anything: not his previous live, not her, not the place where they were living togeher in the past, nothing. Shirley reflects on his and the woman's situation, on the loss of memory and a partnership, in a very crucial moment of her life: her partner Stephen, who is becoming blind, has disappeared from her life without a trace. The film somehow mirrors her situation and emotions, and as it starts again after the intermission, her face, her emotions, mirror the film. History is made up of personal stories of ordinary people. The characters in Hoppers paintings are persons who in their apparent isolation represent individual stories, fates, and they remember us on ourselves. Violent is the thought that our lives and fates are given, directed by the course of history. Shirley does not accept this. Hoppers said: "What I wanted to do was to paint sunlight on the side of a house".
By giving them life, one could say you “animate” these paintings. SHIRLEY is indeed sometimes close to animated cinema, for example in the way it creates and divides space through the use of colors. Was that something you had in mind?
In my oeuvre, I am again and again concerned with the reflection of the history of cinema and film. The tableau vivant is a precursor of cinematography. It was a popular social past time in the 19th century to re-enact famous paintings, and film in its early stages also assumed this form of entertainment. I wanted to refer to these pre-cinematographic practices. Hoppers use of colours and light is very unique, and it is a well know fact, that he was very much influenced by film, especially Film Noir, plus he worked as an illustrator for more the twenty years. That shows in his paintings, and makes them incomparable and unique. His rooms are all similar and rather empty, his furniture is very limited and simple, his colour palette is reduced to a small number of colours. He does not depict reality, but he stages it. He uses three suns to create a special light situation, but his figures don't throw shadows. The transformation of all this from small scale paintings to three-dimensional, life size, lit, film sets, was a long and complicated process and a big task for a fully devoted team: Hanna Schimek, responsible for the overall colour concept, Jerzy Palacz the cinematographer and Dominik Danner the gaffer, were as obsessed as I was to make this possible. And all had to work not only in the long shots, but also in the close-ups, the zooms, pans, and when the actors were moving through. I draw a very precise story board of every shot, to be able to discuss all details with the team and to make decisions long before the shooting. We never intended to create or correct digitally in postproduction what was hard to achieve physically, and we accepted, what was not possible. We didn't paint any shadow or light, we didn't use blue box effects, and we didn't replaced colours afterwards. We decided to use only monochromatic colours for the walls, floors and furniture, which let even more to a highly artificial, animation-filmic look that moved towards Pop Art. All was created physically, this sense of materiality was very important for us.
There is a lot of focus in SHIRLEY about what is off camera, outside the scope, especially through the use of sounds. Everyday sounds from the outside are ubiquitous and only highlight the character’s solitude. There is one particular scene, where sounds from a movie grow bigger and bigger up to the point where it almost becomes a scream. Could you tell us about the use you made of sound and the major part it plays in your movie?
Often in Hoppers paintings his protagonists experience or observe something that they do not share with us, because it is not depicted. Many of the pictured women look out of windows, observe something, react to something and we do not know what it is. This was of course something I could invent. I could introduce it through sounds and Shirley's inner monologue. The restrained but very captivating voice of Stephanie Cumming allows us to partake in her private and professional inner life, and her reflections and reactions to the outside world. Voices of passersby, roaring cars, screaming seagulls, barking dogs, music from a radio in the next room, an EL-train passing by an open window in downtown Manhattan, a kid laughing, sounds that create images we do not see. They had to be researched, recorded, or were downloaded from sound libraries. Together with Christoph Amann, responsible for the sound, we created the acoustic outside and inside world of the respective painting, as close as possible to original sounds from that period in America. These atmospheric sounds were then used as source materials by Christian Fennesz, the well known Austrian musician I am working with since my last four films, to create his musical soundtrack, which reflects and underlines the emotional and psychical conditions of the protagonists. It is a very reduced, and discreet soundtrack, but very crucial for the atmosphere of the film. We had a first version of the soundtrack as a play back already during the shooting, to direct the movements and actions of the actors, but also to create an emotional atmosphere for them. Another very important part of the soundtrack are the songs by David Sylvian, a singer and musician Christian Fennesz has worked with already before, and he made the collaboration possible. The lyric of one song is a poem by Emily Dickinson, Hoppers favourite writer. It was especially composed and performed for the film by David and Christian. And last but not least there are the world news by a radio news caster in-between the episodes, an idea that I had while reading John Dos Passos´s America trilogy, in which he interrupts the private stories of his protagonists with world news. The sounds are as important as the images, and they viviy them.
Could you tell us more about this very scene in the cinema, when Shirley addresses the camera? What happens exactly during this scene?
It is not a cinema but a hotel lobby (the title of the respective painting) in which Shirley addresses the camera and the viewer. And the sound is not from a film, but referring to a theatre play: "The Skin of our Teeth" by Thornton Wilder. In this Hopper painting we see a woman reading in a script-like paper, while sitting in a hotel lobby. Opposite of her an elderly couple, she sitting, he standing. I decided that Shirley, as an actress, is rehearsing a play. I had seen "The Skin of our Teeth" as a young man of 16 years, during my first visit of London, and it had made a great impact on me. When I had to decide which play she was rehearsing, I remembered this play, only to find out, that it was premiered in the same year Hopper had made this painting: in 1942, during World War II. The play is an allegory about the life of mankind, centered around the Antrobus (from Greek: "human" or "person") family. The play's action takes place in a modern setting, but is full of anachronisms reaching back to prehistoric times. The narrative scene is occasional interrupted by actors directly addressing the audience. From then on my scene developed itself: while Shirley is rehearsing the role of Sabina, the Antrobuses´ maid, the other protagonists in this painting become Mr. and Mrs. Antrobus from Wilder's play, and the dinosaurs that enter the stage in Wilde'rs play, enter acoustically the hotel lobby, when the Antrobuses´ taxi arrives and takes them to the theatre, the theatre in which Shirley will play their maid Sabina in two months time. And exactly in that moment, when the dinosaurs brake in the hotel, and parts of the set lift up – like in Wilders play – the hotel lobby changes into a theatre stage, spotlights turn on, Shirley stands up, addresses the camera and points at the viewers in an Uncle Sam:"I want you" like stile, and speaks out loud Sabina's lines: "And my advice to you is not to inquire into why or whither, but just enjoy your ice cream – while its on your plate. That's my philosophy!" That's what is happening in this scene.
There is a fantasy aspect to this scene, which reminded me in a way of David Lynch’s INLAND EMPIRE. Would you say there is such a dimension of fantasy in SHIRLEY?
As in Thornton Wilders play, it is rather a metaphorical aspect then a fantasy one. This play and this painting were both realized in the year after the Japanese attacked Pearl Harbor, and the US had entered the war. I have no idea what Edward Hopper had in mind when he was painting this young woman in a blue summer dress with short sleeves and sandals, and an elderly lady wearing a hat with feathers and a fur, in a cold lit hotel lobby, with a wooden partition in the form of Greek columns. But I could use this set up to stage a scene based on a theatre play about the repetition of mankind's history, written during a war. I could also use it to stage a scene about an actress's ability and power to turn a vision into reality, even if it's only in her imagination. The premiere of Thronton Wilders play in autumn 1942, at the Shubert Theatre in New Haven, for which Shirley is rehearsing her role as Sabina in the lobby of the New Haven Hotel on the 28th of August 1942, will be directed by Elia Kazan, who has been like her a member of the Group Theatre. In her role as a resident pessimist, lacking vision, Sabina says, "That's all we do—always beginning again! Over and over again. Always beginning again." Shirley will recall this line ten years later, 1952, when the Living Theater, the group she is working with by then, has to immigrate to Europe because of political repressions. She will recall this line lying on her bed in the morning sun (the title of the respective Hopper painting) after a sleepless night, because she cannot understand why Elia Kazan has spoken out in front of the McCarthy committee for un-American activities, and betrayed his former colleagues from the Group Theatre by naming them as communists. SHIRLEY is not a fantasy – just a vision of reality.