Entretien avec Eric Khoo
Figure majeure du cinéma de Singapour, Eric Khoo, que l'on peut aussi bien retrouver sur le tapis rouge de Cannes qu'aux manettes de petites productions horrifiques, a une nouvelle fois brouillé les pistes avec Tatsumi, son premier film d'animation. Interview express avec le réalisateur.
FilmdeCulte: Comment avez-vous eu l'idée d'adapter l'œuvre de Tatsumi ?
Eric Khoo: J'ai lu son autobiographie, Une vie à la dérive, qui m'a beaucoup enthousiasmé. Immédiatement, l'idée de faire un hommage à Tatsumi s'est imposée à moi.
FdC: My Magic est né de votre rencontre avec son acteur principal, Francis Bosco. Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec Tatsumi ?
EK: J'étais dans le sous-sol d'un vieux café de Tokyo, envahi par la fumée de cigarettes. On s'est rencontré là. Après plus ou moins une demi heure, on a bien accroché. Je crois que Tatsumi a été impressionné parce que j'étais capable de dessiner et que j'avais suivi une formation artistique!
FdC: Dans quelle mesure s'est-il impliqué dans le film ?
EK: Après avoir regardé mes dessins et après lui avoir expliqué comment je visualisais le film, il m'a donné sa bénédiction! Avant ça, il a également regardé My Magic. Il a aimé le film, et s'est projeté dans le personnage qu'interprète Francis (Bosco, ndrl). Ensuite, on a communiqué avec Tatsumi via emails, pour être bien sûrs qu'on ne faisait pas fausse route. Sur le choix des voix, sur la couleur des trains des années 50, c'était très important pour moi d'être juste et précis. Il a aussi fait quelques dessins supplémentaires pour le film, à partir de mes croquis préparatifs.
FdC Quelles contraintes et quels avantages avez-vous rencontrés à l'occasion de la réalisation de votre premier film d'animation ?
EK: J'ai été très chanceux d'avoir à mes côtés une équipe exceptionnelle avec Phil Mitchell qui a dirigé l'animation. En gros je lui disais ce que je voulais, et lui voyait comment faire ça. On a fait ensemble un travail préparatoire qui a duré 3 mois, et l'animation en elle-même nous en a pris 8. Avec mon producteur Fong Cheng, nous regardions le work in progress quotidiennement via internet. Voilà comment j'ai réalisé le film.
FdC: A l'image de Be With Me, des éléments de Tatsumi évoquent, d'une façon assez inhabituelle, le documentaire. En même temps, dans vos films, il y a souvent une distance avec la réalité, par la magie ou par l'animation. Pouvez-vous nous parler de votre goût pour le mélange des genres ?
EK: Si nous avions raconté les histoires de Tatsumi les unes derrière les autres, ça n'aurait pas marché en tant que long métrage. J'avais besoin d'explorer son enfance à lui. Il y a de la magie dans la vie de cette homme et dans ces moments en particulier. Le but était de trouver l'équilibre entre l'espoir, et la profondeur de ces contes sombres et tragiques.
FdC: Quelle a été la réaction de Tatsumi après avoir vu le film ?
EK: Il m'a remercié et a souri. J'étais très touché!
FdC: Comment avez-vous vécu la présentation du film à Cannes ?
EK: A vrai dire, comme la projection de Tatsumi a eu lieu tard en soirée, j'étais complètement sous le coup du décalage horaire et je dois dire que j'ai somnolé de temps à autres! Mais j'étais très heureux de l'accueil très chaleureux qui nous a été réservé.
FdC: Avez-vous profité de votre présence à Cannes pour voir des films ?
EK: J'étais très contrarié d'avoir raté le film d'Aki Kaurismaki à cause des interviews. Mais j'ai réussi à voir The Tree of Life!
FdC: Vous êtes également producteur. Pouvez-vous nous parler de votre expérience sur un film aussi fou que Macabre ?
EK: J'adore les films d'horreur! Je viens justement d'en produire un autre, intitulé 2359, et qui sera réalisé par Gilbert Chan. A Singapour, tous les garçons doivent faire leur service militaire. Le film est à propos de ça, et de fantômes qui rôdent dans un campement. L'année dernière, j'ai produit un drame plus sensible, Sandcastle de Boo Junfeng, qui a été présenté à la Semaine de la critique. Là je caresse l'idée de réaliser un film d'horreur muet, en noir et blanc, avec des zombies, et qui s'appellerait Fuck Me Dead.
FdC: Quels sont vos projets ?
EK: J'aimerais beaucoup réaliser un film adapté du dernier livre de Tatsumi sur la réincarnation. Mais cette fois en live! Et je travaille actuellement sur un biopic consacré à Rose Chan, une célèbre strip-teaseuse singapourienne des années 50.