Festival de la Roche-sur-Yon: Entretien avec Daan Bakker
Avec Quality Time, le jeune Néerlandais Daan Bakker signe l'un des ovnis de cette édition du Festival de la Roche-sur-Yon. Cette comédie surréaliste sur la lose et le mal-être est divisée en cinq segments radicalement différents, de l'animation ultra-minimalisme au réalisme absurde en passant par la SF zinzin. Nous avons rencontré son aventureux réalisateur...
Quality Time est votre premier film et c'est peu dire qu'il est singulier. Comment ce film est-il né?
A l'origine il y avait une histoire plus conventionnelle sur un homme qui se sent incomplet, mais à chaque fois que ce personnage progressait et « se complétait », cela me sonnait faux. Je me suis battu des mois avec le scénario avant de prendre la décision de découper le film en cinq parties et faire la même chose avec le personnage principal. Cela m'a offert différentes perspectives sur ce thème. Je me suis senti plus à l'aise – apparemment, je n'avais pas envie de trouver de solutions toutes faites ; et le long métrage a davantage pris la forme d'une réflexion.
Chaque segment de Quality Time est très différent des autres. Comment avez-vous abordé les styles drastiquement différents de formes et de narrations?
Ces différentes histoires partaient d'une forme spécifique et je m'y suis tenu. La forme et le contenu étaient indissociables. Dans la plupart des films façon omnibus, la forme est relativement similaire pour suggérer une certaine cohérence. Ce qui m'a intéressé, c'était davantage la cohérence conceptuelle. En musique il y a un terme pour ça : on parle de rhapsodie. La variété des formes devient une seule et même forme. On débute par le chapitre le plus abstrait et on termine pas le plus naturaliste. Il y a une idée derrière cette progression, chaque chapitre étant un prélude à celui qui va suivre. Au-delà du sujet, la cohérence est également recherchée à travers cette composition.
Comment avez-vous réussi à produire un film pareil?
Le Dutch Film Fund a un programme intitulé « The Crossing », qui donne l'opportunité à des cinéastes de réaliser leur premier film. Ils s'intéressent davantage à l'originalité et à la dimension artistique qu'au succès commercial, par conséquent la liberté créative est grande. De nombreux réalisateurs y postulent, parce que si vous êtes sélectionné, cela signifie que votre film est presque entièrement financé d'un coup. Deux films par an sont produits ainsi, et je me sens très chanceux d'avoir été l'un des deux sélectionnés.
Aviez-vous des références en tête lors de la préparation de Quality Time, ou au contraire des choses que vous souhaitiez éviter?
Quand j'ai commencé à écrire, ce que j'avais en tête, c'était une comédie pince-sans-rire. Mes références allaient d'Aki Kaurismäki à Jim Jarmusch en passant par Delépine et Kervern. Après avoir divisé le film en cinq parties, cela a changé, parce que je pouvait également utiliser un langage propre au court métrage. Cela autorise des idées plus extrêmes sur la forme et l'absurdité. J'adore les courts métrages, et mes préférés sont les courts d'animation. J'admire énormément le travail de Don Herzfeld, David Firth et David OReilly par exemple. La plupart de ces courts sont invisibles au cinéma mais trouvables sur internet, où je puise beaucoup d'inspiration. Avec Quality Time, je voulais tester les possibilités du court métrage sur un format long.
Quel est le dernier film qui vous a fait rire – et la dernière chose qui vous a fait rire?
Le dernier film : The White World According to Daliborek, du documentariste tchèque Vit Clusák, un film perturbant qui m'a fait rire très fort. La dernière chose : j'ai récemment décidé de faire de la gym. Après vingt minutes d'efforts, j'ai fait un malaise et suis tombé dans les pommes, les gens autour de moi ont pensé que j'avais une crise cardiaque. Avec du recul j'ai trouvé ça assez drôle.
Entretien réalisé le 19 octobre 2017. Un grand merci à Yvonne Andreas.