Entretien avec Christoph Hochhaüsler

Entretien avec Christoph Hochhaüsler

Après Le Bois lacté et L'Imposteur, Christoph Hochhaüsler sort son troisième long-métrage et signe son meilleur film avec Sous toi, la ville. Nous l'avons rencontré.

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FilmdeCulte: Quel était le point de départ de Sous toi, la ville ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire ?

Christoph Hochhaüsler Je me suis inspiré d’une histoire qui se trouve dans la Bible. Celle du roi David, qui était amoureux de Bethsabée, la femme d’un subalterne, et dont il a justement envoyé le mari au front pour pouvoir se rapprocher d’elle. Ce que la Bible ne dit pas, ce sont justement les conséquences de cette décision : est-ce que le plan a fonctionné ou pas, est ce que Bethsabée est tombée amoureuse de David? C’est justement ce qui m’intéressait. Mon film est avant tout un questionnement politique : à quelle loi est soumis celui qui représente la loi, celui qui se trouve au pouvoir, que ce soit dans un état (comme David) ou d’un Société (comme Roland) ?

FdC: Le sous-texte politique semble encore plus évident que dans vos précédents films.

CH: Il y a bien sûr eu des exemples récents de gros scandales politiques et économiques liés à la privatisation, mais mon film n’est pas nécessairement lié à l’actualité récente. J’ai d’ailleurs écrit le scénario avant la crise financière. C’est plus un point de vue général sur l’état du monde. Le sujet du film c’est avant tout le pouvoir, vu de manière presque abstraite. C’est aussi un film sur un système qui est réglé pour créer des gains et des inégalités.

FdC: Justement, dans tous vos films, les personnages sont en quelque sorte obligé de mentir et manipuler les autres pour se sentir exister. Pour vous, est-ce aussi une manière de parler de politique ?

CH: Absolument. J’aimerais qu’on considère que le film ne parle pas de personnages en particulier mais nous parle de nous-mêmes. Ce qui importe ce n’est pas qui nous sommes mais comment nous sommes. Pour moi le cinéma sert justement à répondre à cette question. Dans la vie comme au cinéma, on est tous spectateurs. On n’est pas toujours acteurs de sa vie, on se contente souvent d’observer, hors de danger, et c’est un peu comme si on était morts. Mais en même temps on est irrémédiablement attirés par la vie, à force de l’observer. C’est en quelque sorte un forme de vampirisme, pas très éloigné de celui des banques, parce que pour moi, les banques appartiennent presque plus au domaine de l’allégorie que du tangible. Bien qu’elles se nourrissent de ce qu’elles appellent « l’économie réelle ».

FdC: Sous toi la ville sort chez nous plusieurs mois avant sa sortie allemande. Comment vos films sont-ils reçus là-bas ?

CH: Il y a un fossé gigantesque entre l’accueil critique, qui est plutôt favorable, et l’accueil du public qui lui, est quasiment inexistant. J’aimerais évidemment combler ce fossé le plus possible ! Quand à Sous toi, la ville en particulier, Dieu sait comment il sera reçu !

FdC: Comment vous positionnez vous par rapport à la nouvelle génération de réalisateurs allemands, à ce qu’on appelle parfois « l’Ecole Berlinoise » ?

CH: Et bien je n’ai rien contre cette étiquette, mais au final elle ne veut pas dire grand-chose. Cette « école » n’existe pas vraiment en tant que telle, notre situation et nos rapports sont beaucoup plus complexes que ça. Mais cela crée tout de même une atmosphère d’émulation réciproque très positive pour nous.

FdC: Ces films-là sont-ils vus en Allemagne, en dehors de festivals ?

CH: Non. Ils sont juste aperçus. Même si on aimerait tous évidemment plus de visibilité. Vous savez le système de financement des films est très différent par rapport à la France. Tout l’argent vient de la télé, c’est une influence énorme. L’unique visée de la plupart des films allemands, c’est de passer à la télé.

FdC: Les films de cette nouvelle génération ont souvent en commun certaines caractéristiques d’écriture. Or dans vos films, la narration passe aussi beaucoup par le montage, qui alterne ellipses et précisions. Réécrivez-vous beaucoup le film à ce moment-là ?

CH: Tout à fait. C’est un moment fondamental de l’écriture du film. François Truffaut disait que le tournage devait servir de critique au scénario, et le montage servir de critique du tournage. J’essaie à chaque fois de mettre cette maxime en pratique.

FdC: Diriez-vous que votre cinéma a évolué depuis Le Bois lacté ?

CH: Oui, ne serait-ce que parce que moi, je change tous les jours ! Il me reste énormément de choses encore à apprendre. Je dirais qu’avant, j’étais surtout intéressé par le coté visuel du cinéma, par les images. Maintenant ce qui me motive c’est avant tout le processus de narration, l’art de raconter une histoire, et je pense que ça se ressent dans Sous toi, la ville.

FdC: Il y a souvent dans vos films, et notamment dans celui-ci, une atmosphère de menace et d’étrangeté, proche du fantastique. Est-ce que c’est un genre qui vous intéresse ?

CH: Oui, ça m’intéresse énormément, j’aime beaucoup le cinéma fantastique. J’ai une vraie prédilection pour les situations qui tendent vers le surnaturel, mais tout en gardant des aspirations pour une narration ancrée dans le réel. C’est ce que j’essaie de faire dans chacun de mes films et l’idéal serait que mes films parviennent à trouver un équilibre permanent entre l’un ou vers l’autre. D’ailleurs mon nouveau projet est encore plus influencé par le cinéma fantastique.

FdC: Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

CH: Disons que c’est l’histoire de quelqu’un qui devient l’assassin pour lequel il est pris, mais pour l’instant le film est encore en cours de montage.

FdC: Vous avez également crée 'Revolver', un magazine de cinéma. Pourriez-vous nous en parler?

CH: 'Revolver' existe depuis une douzaine d’années. Ce sont des metteurs en scènes eux-mêmes qui l’écrivent et qui s’occupent de l’édition. J’y travaille notamment avec Benjamin Heisenber, qui était mon co-scénariste que Le Bois lacté. Notre objectif est justement de laisser parler les réalisateurs, via des interviews, des prises de positions. Notre devise c’est d’essayer de concilier la théorie et la pratique.

par Gregory Coutaut

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