Entretien avec Aude Hesbert
Déléguée générale et directrice artistique du Festival Paris Cinéma depuis sa création en 2003, Aude Hesbert est à la tête d'un festival florissant devenu un incontournable du début d'été parisien. A l'occasion de la 9e édition de la manifestation, qui se déroule du 2 au 13 juillet et que FilmDeCulte suivra comme chaque année, nous l'avons rencontrée.
FilmdeCulte: Quel a été votre parcours avant de travailler sur le Festival Paris Cinéma ?
Aude Hesbert: J’ai travaillé cinq ans au Forum des images, au service communication et où j’ai eu la chance, grâce à la confiance de personnes exceptionnelles, de faire mes premières armes sur une programmation hongroise des plus pointues (intégrale Béla Tarr et Peter Forgacs !), avant de rejoindre Marie-Pierre Macia à la Quinzaine des Réalisateurs où j’étais responsable du Bureau des films. Je l’ai ensuite accompagnée sur cette aventure exceptionnelle qu’était Paris Cinéma à sa création en 2003.
FdC: Comment s’effectue, tout au long de l’année, votre travail de sélection pour Paris Cinéma ?
AH: D’abord par un classique « Appel à candidature » envoyé à tout un réseau très large de réalisateurs, producteurs, vendeurs… dans le monde entier. Puis en voyageant dans quelques festivals incontournables pour nous comme Rotterdam, Berlin puis Cannes et en ciblant ensuite des voyages de prospection en fonction de nos programmes et de nos partenariats. Cette année, par exemple, je suis allée aussi à San Sebastian et Guadalajara, Mexique oblige !
FdC: Vous avez, cette année, décidé de maintenir l’hommage au cinéma mexicain malgré un contexte défavorable. Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour réaliser cette rétrospective ?
AH: De nombreux problèmes… D’ordre budgétaire d’abord avec la défection des subventions de la partie mexicaine (nous avons récupéré in extremis un soutien de l’Institut Français qui a été salvateur), et puis d’ordre diplomatique dans nos relations avec les institutions mexicaines. Il a donc fallu réduire la voilure, réorienter radicalement la programmation, et même voir à regret des projets tomber à l’eau…
FdC: Comment présenteriez-vous les films en compétition officielle cette année ?
AH: Pour la première fois de toute l’histoire du festival, plus de réalisatrices que de réalisateurs en compétition. C’est suffisamment rare pour le souligner ! Et nous nous faisions la réflexion il y a quelques jours, cette compétition fait la part belle aux personnages de filles et d’adolescentes, en marge ou en révolte (Curling, Sur la planche, En secret, The Prize, Voltige, La Ballade de Genesis and Lady Jaye)… Beaucoup de films aussi d’une grande audace, esthétique et politique (que l’on pense à La Guerre est déclarée, Hospitalité ou à Sur la Planche).
FdC: Comment définiriez-vous votre travail avec Charlotte Rampling ? Pouvez-vous nous décrire son rôle dans le festival ?
AH: Charlotte Rampling est une Présidente exceptionnelle, une cinéphile hors-pair, une ambassadrice précieuse. Elle participe à toute la réflexion dans l’élaboration de la programmation, mais s’intéresse aussi, à nos côtés, à tous nos soucis logistiques et budgétaires aussi qui ne manquent pas d’accompagner chaque année le montage d’une nouvelle édition du festival ! Elle voit, depuis 6 ans maintenant, tous les films de la Compétition et tient à accompagner, loin des paillettes, la délibération du jury des étudiants. Elle nous aide bien sûr à incarner le festival par sa curiosité, sa passion, son exigence, son professionnalisme, son aura et sa générosité. Cette année, elle présentera un remarquable documentaire The Look d’Angelina Macarone, un film qui porte bien son nom et qui vous fera pénétrer dans le regard aiguisé d’une actrice sur sa vie et son métier.
FdC: Pouvez-vous nous parler de Paris Project ?
AH: Chaque année nous sélectionnons puis invitons entre 15 et 20 projets de films étrangers (sans financement français), sur scénario et en post-production, afin de les aider à trouver des partenaires français en vue d’une coproduction. Avec quelques 350 participants chaque année pour une trentaine de pays représentés, et fort d’un succès croissant, Paris Project c’est une chance pour le Festival Paris Cinéma et une chance pour Paris, véritable paradis de la coproduction ! L’intérêt des producteurs, vendeurs et distributeurs français pour le cinéma étranger ainsi que l’attrait que représente la France - Paris notamment - comme « terre d’asile » économique et artistique pour le reste du monde, participent sans aucun doute au succès de cette rencontre de coproduction internationale et retentit bien sûr sur le festival dans son ensemble. Paris Project se nourrit du festival et vice-versa.
FdC: Comment s’effectue la sélection des membres du jury ?
AH: Notre équipe rencontre tous les candidats blogueurs, tous les étudiants (présélectionnés sur dossier, et ils sont nombreux !) et pour le Jury professionnel, nous approchons des personnalités qui nous plaisent et tentons de jongler avec les disponibilités de ces acteurs, réalisateurs, musiciens, souvent pris pour des tournées, des vacances familiales ou des tournages en cette période estivale !
FdC: Quels sont vos goûts en tant que cinéphile et spectatrice ?
AH: Je les définirais d’abord par l’éclectisme qui se reflète, il me semble, dans la programmation du festival : entre Don Siegel et Jerzy Skolimowski, le roman porno et les contes animés de Michel Ocelot, une avant première du dernier Disney-Pixar ou du dernier Bruno Dumont, c’est une fois encore le grand écart !
FdC: Vous travaillez pour le festival depuis sa création en 2003. Quels objectifs vous étiez-vous fixés, et comment évaluez-vous le chemin parcouru depuis cette première édition ?
AH: En 2003, quand le festival a été créé, c’était un véritable pari : créer, dans la ville la plus cinéphile au monde, où chaque jour sont proposés plus de 300 films aux Parisiens, où foisonnent les festivals, créer dans un pays où domine le plus beau festival du monde, Cannes, un autre festival qui émerge, s’installe et fasse sens ! Ce n’était pas gagné ! Je crois qu’aujourd’hui, notre plus belle réussite, c’est le public qui est de plus en plus fidèle au rendez-vous et témoigne souvent d’un attachement profond à l’événement. Le festival a aussi su trouver son identité avec des programmes forts et une démarche constante d’ouverture au public, de convivialité et de partage. Il a su trouver sa place dans la ville en resserrant son parc de salles et en offrant au public et aux professionnels un véritable cœur battant, un carrefour de rencontre, dans le 13e arrondissement autour du Mk2 Bibliothèque et de la BnF. Enfin, j’en parlais plus haut, la réussite aussi, c’est bien sûr Paris Project, qui rend ce festival par-dessus-tout utile, aux cinéastes et aux producteurs, pour que les films continuent de se faire et de circuler dans le monde. Mais il nous reste du chemin à parcourir et chaque année est un nouveau défi. Il nous faut à la fois survivre à chaque édition et se projeter dans un avenir plus lointain !
FdC: Qu’envisagez-vous pour les 10 ans du festival l’année prochaine ?
AH: C’est encore un secret mais nous y pensons déjà chaque jour !