Entretien avec André Øvredal
Révélé il y a quelques années avec le loufoque et merveilleux Troll Hunter, le Norvégien André Øvredal revient avec cette fois une production anglo-saxonne intitulée The Jane Doe Identity. Ce thriller horrifique au parfum de X-Files, sélectionné à Gérardmer et visible au cinéma dès le mercredi 31 mai, raconte l'histoire d'un père et son fils travaillant dans une morgue et qui vont y recevoir un très mystérieux cadavre... Le réalisateur nous parle de ce réjouissant projet !
Quelques années se sont écoulées entre Troll Hunter et The Jane Doe Identity. Que s'est-il passé entre les deux tournages, avec-vous travaillé sur des projets qui n'ont pas abouti, celui-ci a t-il été difficile à produire ?
J'ai effectivement essayé de faire différents films aux États-Unis, j'ai été d'ailleurs attaché à de plus grosses productions, il y a eu des difficultés de financement et tout cela a pris des années. Le projet de The Jane Doe Identity m'est venu à l'automne 2013 et j'ai voulu le tourner vite. On a d'abord bloqué sur le casting. Martin Sheen nous a rejoint l'été 2014 mais on l'a finalement perdu quand le tournage a été décalé. Cela nous a pris 6 mois avant d'avoir Brian Cox, et nous avons tourné au printemps 2015. Le film a été terminé l'année suivante, avant d'être montré au Festival de Toronto. J'ai attendu, attendu, attendu, mais je voulais vraiment faire ce film. Pour le prochain, je ne serais pas contre que cela aille plus vite !
Vous n'avez pas écrit le scénario de Jane Doe mais avez-vous eu une quelconque implication sur ce script ? Avez-vous pris des libertés sur le tournage par exemple ?
On a travaillé ensemble avec nos producteurs et les scénaristes, mais le script en l'état était parfait et il n'y avait pas besoin de changer grand chose. Juste des éléments mineurs comme cela arrive toujours lorsqu'on est sur le tournage. Il y a eu aussi un tout petit peu d'improvisation mais honnêtement, le scénario était déjà solide et les dialogues très bons.
La quasi-intégralité du film se déroule dans une maison. Comment avez-vous travaillé sur le décor ?
C'était une question cruciale car ce décor impose une limite physique et il nous fallait contrôler cela. Nous avons bien observé le script, vu quels étaient les déplacements des personnages jusqu'à faire une carte à partir de leurs mouvements. On s'est penchés sur la disposition de la maison, puis de la salle d'autopsie elle-même. Je voulais travailler sur des couleurs spécifiques, nous avons fait cela avec notre décorateur Matt Gant. Nous souhaitions une maison dans années 70 qui serait un peu restée dans son jus. Pas une maison qui donne l'impression d'être à l'abandon, juste une bâtisse pas spécialement entretenue depuis 30 ans. On a également testé les costumes pour voir s'ils fonctionnaient avec les décors. J'ai adoré tout cela, c'était une vraie liberté.
Et comment avez-vous abordé la mise en scène d'un tel espace avec votre directeur de la photographie, Roman Osin ?
C'était aussi essentiel : comment conserver du dynamisme dans ce décor ? D'abord il ne fallait pas trop répéter les mêmes angles. Il fallait se renouveler, tourner chaque scène avec une idée formelle différente en tête : cette scène avec ce type de plan, cette autre différemment etc... C'est comme du cinéma d'action, sauf que là l'action se limite aux mouvements des acteurs dans une pièce ! Et autour de cela, il fallait aussi penser à la façon dont on pouvait mettre le public mal à l'aise. J'ai beaucoup apprécié chez Roman sa capacité à composer une image, et à structurer une histoire par la caméra. Roman Osin est également un très bon photographe et ça se sent.
En quoi le fait d'avoir tourné en continuité a t-il été utile pour vous ?
Tourner ainsi m'a semblé indispensable. On n'aurait pas pu faire autrement, ne serait-ce que pour les allers et retours dans la salle d'autopsie. Pour des raisons techniques que vous imaginez, ça aurait fini par nous rendre fous. Et pour les acteurs c'était merveilleux.
En parlant d'acteurs, comment dirige t-on une actrice pour que celle-ci joue un cadavre ?
(Rires) C'était assez technique, il fallait penser à la position de la tête, l'ouverture de la bouche, la direction du regard, la lumière sur elle... Mettre la caméra en plongée sur son visage la rendait vulnérable quand au contraire un plan en contre-plongée la rendait plus puissante et menaçante. On a testé ce type de choses pour être sûr de l'évolution du personnage. C'était aussi un travail de caméra, de montage, de musique. Initialement, je n'avais pensé à elle que comme un objet froid, lisse et propre, qui installerait une distance. Mais il fallait aussi qu'on ressente quelque chose pour elle, à mesure que l'on découvre l'incroyable.
Par certains aspects, Jane Doe m'a rappelé des épisodes de X-Files. Etait-ce une référence pour vous ?
Bien sûr un tel postulat renvoie autant à La Quatrième dimension qu'à X-Files. Mais, étrangement, je n'ai jamais trop regardé cette série donc je ne peux pas dire qu'il s'agit d'une vraie influence.
Faites-vous une différence entre votre travail sur une production norvégienne comme Troll Hunter et une production comme Jane Doe, en termes de liberté, d'implication personnelle etc ?
Ces deux expériences ont été merveilleuses. J'ai eu des producteurs qui m'ont beaucoup soutenu, qui m'ont encouragé et même poussé dans mes choix afin de faire les meilleurs. Je ne m'attends pas à ce que cela se passe ainsi sur tous mes prochains tournages, mais leur confiance a indéniablement servi le film. Et c'était déjà le cas sur Troll Hunter sur lequel les producteurs se sont assurés que tout fonctionnait mais la relation a été très facile.
Quels sont vos projets ?
Je tourne en mai un mélange d'action, d'aventure et de fantastique inspiré de légendes nordiques. Cela se déroulera en Norvège et sera tourné en norvégien et en anglais. Ce sera à nouveau quelque chose de bien différent !
Entretien réalisé le 29 janvier 2017. Un grand merci à Alexandre Bourg.